[Olrik] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Discrète (La) - 8/10

Messagepar Olrik » Lun 02 Nov 2015, 17:30

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La Discrète
(Christian Vincent - 1990)

Antoine, jeune auteur ayant l’ambition d’être édité, vit assez mal le fait que sa compagne l’a devancé dans son désir de rompre. Il médite une vengeance pas forcément envers elle en particulier mais envers la gent féminine en général. Son ami Jean Costal, libraire-éditeur qui l’éditerait volontiers si Antoine n’était pas paresseux, lui soumet alors cette idée. Comme une nouvelle collection sur les journaux intimes va bientôt paraître, il lui propose de choisir une jeune femme par le biais d’une petite annonce (proposant un travail de transcription de manuscrit), de la séduire, puis bien sûr de rompre avec elle, le tout en écrivant au fur et à mesure les avancées de l’entreprise dans un journal qui constituera un manuscrit éditable pour la nouvelle collection. Après quelques réticences, Antoine accepte. Une jeune fille ne tarde pas à répondre à l’annonce : c’est Catherine Legeay, jeune étudiante apparemment bien sous tous rapports…

On constate souvent deux types de critiques concernant la Discrète. Les uns disent que c’est du Rohmer mais en mieux, les autres disent que c’est du Rohmer mais en moins bien. N’ayant pas vu tout Rohmer, j’aurai du mal à trancher et me contenterai de dire que la Discrète est sûrement un petit joyau du cinéma français en ce début des années 90. Pourtant, à la base, un film français se passant à Paris avec des personnages évoquant leurs tourments amoureux tous les quarts d’heure autour d’une tasse de café, ça m’incite à la méfiance, c’est un peu la crainte de se trouver face un film Jacques Oignon style :

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Et pourtant, après l’avoir revu quatre ou cinq fois, il est fascinant de constater combien ce film échappe à toute prise de tête et fait au contraire glisser ces 90 minutes avec la même douceur, la même élégance que la Mélodie Hongroise de Schubert qui ponctue le film et qui s’associe tellement fortement à lui qu’il m’est impossible maintenant de ne pas visualiser la silhouette de Lucchini traversant la place Saint-Sulpice dès que j’entends la ritournelle.

A côté de Schubert (et de Scarlatti, paye ta B.O. classieuse), il y a cette petite musique des dialogues incroyablement ciselés et intelligents de Christian Vincent et Jean-Jacques Ronssin, dialogues qui, dans les bouches de Lucchini, Henry et Garrel, sonnent à la fois de manière sophistiquée et naturelle.

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Ceux qui n’aiment pas Lucchini peuvent maudire ce film car c’est grâce à lui que l’acteur a pris une autre dimension et vu sa carrière prendre un tournant décisif. Mais même si on ne l’aime pas, il serait vraiment regrettable de ne pas tenter un visionnage de la Discrète tant son jeu, mêlé à celui des deux autres acteurs principaux, joue admirablement de l’agacement qu’il peut susciter pour mieux surprendre le spectateur avec des effets de pur drôlerie, voire de fascination, comme lors de cette scène où il raconte une anecdote sur Tristan Bernard. On a beau la connaître par cœur, on reste suspendu à ses lèvres tant il parvient à la transcender et à lui restituer à chaque fois le brio de la nouveauté.

A l’image des pièces de Schubert et de Scarlatti jouées par Jay Gottlieb, le film ne présente aucune fausse note, les acteurs jouent leur partition dans un univers littéraire mais jamais précieux. Christian Vincent s’offre même le luxe de terminer sur du Rétif de la Bretonne sans courir le risque d’être taxé de cuistre bref, la grande classe.

8/10

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– Les dialogues
– Le trio Lucchini – Henry – Garrel
– La simplicité et la grâce de l’ensemble
– Un film qui termine avec Rétif de la Bretonne ne peut pas être totalement mauvais.

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El condor pasa - 7/10

Messagepar Olrik » Mar 03 Nov 2015, 21:47

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El Condor pasa
(Jeon Soo-il – 2013)

Un prêtre catholique a une affection toute particulière envers une de ses ouailles, une jeune fille très pure qui possède envers son mentor une dévotion sans limites. Malheureusement, elle se fait agresser sexuellement par un inconnu un soir dans la rue, et en meurt. Dévasté, le prêtre, qui se sent indirectement responsable de sa mort, cherche à surmonter cette terrible épreuve. Sa route croisera celle de la sœur aînée de la jeune fille…

Away, I’d rather sail away
Like a swan that’s here and gone
A man gets tied up to the ground
He gives the world it’s saddest sound
Its saddest sound


Avec un tel titre, on s’attend à tout moment à entendre ça :



Mais non, nous n’aurons pas droit à la voix et encore moins à la coupe afro d’Art Garfunkel. En fait de touffe, on aura droit à ça :
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Oui, au pubis en mode hérisson de Bae Jung-hwa. En fait, c’est limite si l’on ne perd pas au change car les nouilles de Garfunkel seraient presque plus bandantes tant Jung-hwa nous la joue planche à pain froide et tue l’amour.

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Mais fais quelque chose ! Réagis quoi !


Car il fait froid dans El Condor Pasa, très froid même. Passées les dix premières minutes où Yeon-Mi (la jeune fille qui va se faire tuer) illumine l’écran de sa pureté juvénile, on assiste à la terrible mélancolie du prêtre et de la sœur aînée, tous deux atterrés par la mort de Yeon-Mi et ne trouvant plus goût à rien. La jeune femme plaquera son travail et le prêtre brisera son vœux de chasteté en baisant avec la sœur. On croit un instant qu’il s’agit d’un moyen salvateur pour son âme de retrouver l’image de Yeon-Mi à travers la sœur mais non, leurs trois jours passés dans un hôtel à faire l’amour n’est que le moyen pour eux de faire ce constat : leur sentiment de culpabilité et de dégoût de tout est bel et bien insurmontable.

Reste une dernière solution pour le prêtre, solution que l’on se gardera bien de dévoiler tant elle est inattendue et originale par rapport au parti pris de réalisation qui était jusqu’à lors d’instaurer une atmosphère froide faite de plans statiques et de décors urbains sans âme. D’une certaine manière, le prêtre connaîtra aussi son chemin de croix (lors d’un acte de violence qu’il subira, la réalisation choisira d’ailleurs d’utiliser une caméra subjective comme lors de l’agression de Yeon-Mi et en montrant dans le champ de vision du personnage un passage sur sa droite qui lui sera fatal), mais c’est un chemin de croix qui, on l’espère, lui permettra la rédemption. La dernière scène pourra laisser un arrière-goût d’inachevé mais c’est ici moins les ultimes paroles du prêtre (un peu décevantes) que ce qu’il a entrepris lors du dernier quart d’heure qu’il faut prendre en compte, surtout si l’on met en perspective les paroles de la chanson d’Art & Garfunkel.

I’d rather feel the earth beneath my feet
Yes I would, if I only could, I surely would


Film austère mais assez beau, El Condor Pasa confirme que Jeon Soo-il est un cinéaste coréen à suivre. Le film est sans doute moins marquant que la Petite Fille de la Terre Noire, mais il n’en est pas moins totalement cohérent dans sa volonté de peindre les difficultés de rester soi lorsque l’on perd des proches.

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7/10

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– Photographie et réalisation simples mais efficaces. M’a fait penser à du Kim Ki-duk mais en moins WTF, plus apaisé.
– Elle est pas mal cette petite Bae Jung-hwa.
– Un dernier quart d’heure qui pourra surprendre et déplaire. Perso, j’ai aimé.

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– Le « evil bush » de Bae.
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Roxy : The Movie - 9/10

Messagepar Olrik » Dim 08 Nov 2015, 12:06

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Roxy : the Movie
(Frank Zappa - 1973/2015)

Les zappaïens l’attendaient comme le Graal, plus de quarante ans après sa captation le voici. Le film de trois concerts en 1973 au Roxy Theater, à Los Angeles. Zappa est toujours accompagné de son groupe, les Mothers of Invention dans une formation considérée comme peut-être la meilleure, avec Ruth Underwood aux percussions, Napoleon Murphy Brock au saxo et à la flûte, Chester Thompson et Ralph Humphrey aux batteries, les frères Fowler à la basse et au trombone. Un album live est prévu (ce sera Roxy & Elsewhere) mais pour l’occasion, Zappa prévoie aussi de filmer les trois soirées dans la perspective de sortir plus tard un film. Hélas, le projet ne verra jamais le jour faute d’argent mais aussi tant le montage avec les différents rushs s’avère être un putain de casse-tête.

Quarante plus tard, grâce à des fonds réunis par la Zappa Family Trust et à la volonté de ressusciter un moment clé de la geste zappaïenne, nous avons enfin droit à une immersion en HD et son 5.1 au spectacle total et virtuose que constituaient les concerts de Zappa à l’époque. Non qu’ils ne l’étaient pas avant ou après mais, lorsque l’on connaît un peu la disco du génial moustachu, même si les goûts et les couleurs peuvent différer, on reconnaît généralement une perfection particulière aux performances des années 70.

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Du coup c’est avec une certaine fébrilité que j’ai inséré la galette dans mon lecteur. J’avais déjà vu plein de vidéos de concerts, mais toujours avec un sentiment d’inachevé, du fait de la brièveté des extraits, de la pauvreté de l’image (genre rips d’enregistrements TV sur des VHS) ou d’un son qui me plaisait moins (j’ai bazardé tous mes cd des concerts des années 80).

Après avoir appuyé sur la touche PLAY, je n’ai pas mis cinq minutes à entraver que ce concert…
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Ça allait être le pied !


Que les connaisseurs du maître se rassurent : nulle déception ne viendra émailleur leur visionnage de Roxy : The Movie. C’était à craindre car l’exemple du Live at the Bowl des Doors, ressorti il y a deux ans en grande pompe, avait refroidi les ardeurs de plus d’un : images magnifiques, bonne performance musicale, mais qu’est-ce qu’on se faisait chier ! Qu’est-ce que c’était statique ! Ce que Morrison donnait l’impression de chanter avec un balai dans le cul ! Ici rien de tel. Certes les quatre mecs derrière les caméras ont un peu des moufles. Le focus est souvent foireux, les images un peu floues et les effets de zoom sentent l’amateurisme mais on s’en fout. Les caméras vont au plus près de la scène, se mêlent aux musiciens, sont mobiles, parfait pour restituer le dynamisme foutraque des concerts de Zappa. Ce qu’on perd en terme de qualité d’image, on le compense largement en terme de jouissance live. Il serait bien cliché de dire ici « c’est comme si vous y étiez » mais c’est vrai que du début à la fin on reçoit un déluge visuelle et auditif qui nous donne la sensation de ressentir les moindres détails. La complicité entre les musiciens d’abord :

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Check la main au cul de Ruth Underwood pour évacuer le stress !


Evidemment leur haut niveau technique, la scène dégueule d’instruments et passer d’un instrument à un autre ne semblent pas vraiment leur poser de problèmes :
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Un des moments de bravoure du concert, lorsque les trois percussionnistes jouent ensemble et se mettent à échanger d’instruments au cours du morceau.


Qui dit technicité, dit solo de guitare made in Zappa. On aura donc droit à de la pédale wah-wah (marque de fabrique de Zappa AVANT le maître Hendrix) et au prodigieux doigté de Frank :
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Euh… le doigté se trouve à gauche, pas à droite.


Grande technique donc, mais cela sans jamais se départir d’une grande facilité, d’un naturel qui permet de rendre tout cela agréable et non pesant (impression que j’ai pu avoir dans des lives ultérieurs). Faire preuve de virtuosité tout en déconnant, échanger des coups d’œil complices, obéir aux fameux gestes de leur chef d’orchestre, se laisser maquiller en pleine performance et bien sûr faire les clowns puisqu’être un musicien de Zappa suppose une implication totale et une restitution parfois gestuelle des délires textuels des chansons, tout cela achève de nous faire sentir la nature particulière des spectacles de zappa et nous fait comprendre pourquoi le public est assis plutôt que debout. On est quelque part entre le théâtre et le concert de rock, à la fois devant des musiciens et des acteurs et passer son temps à se dandiner serait sans doute un peu ridicule.

Ce qui ne veut pas dire non plus que l’on reste passif car, last but not least, le concert était attendu aussi pour les fameuses participation avec le public. Toujours rageant d’écouter un live de Zappa et de se dire « mais bordel ! Qu’est-ce qu’ils sont en train de faire sur scène ? ». D’autant plus frustrant que la pochette de Roxy & Elsewhere affichait une photo du concert qui vendait du rêve mais qu’il fallait se contenter d’imaginer ce qui pouvait se passer. On a donc enfin droit au Be Bop Tango. On peut voir à quoi ressemblent Carl, Rick et Jane mais aussi qui est cette Lana qui dit « je ferai tout ce que tu me demanderas de faire Frank », à quoi ressemble Brenda, une strip teaseuse professionnelle ou encore de voir la gueule de cette « cheap bubble machine » que découvre Frank, un peu déconfit :
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Une bulle toutes les cinq secondes ! BWAHAHA !


Tout cela pour préparer 5 ultimes minutes de blues et de grand n’importenawak :
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Pour reprendre la formule en titre de plusieurs double cd consacrés à des lives de Zappa, « you can’t do that on stage anymore ».


A ce moment, l’inconditionnel ne se dit pas non plus que ça valait le coup d’attendre 40 ans mais c’est presque ça. On a retrouvé la pièce du manquante du puzzle avec beaucoup de retard, certes, mais cette découverte n’en est finalement que plus jouissive. Et pour les béotiens qu’ils se disent ceci : si vous ne connaissez pas Zappa mais que vous aimez le blues, de rock, les solos de guitare, le sens du spectacle, la virtuosité, l’humour , les strings et de grand n’importe quoi, tentez Roxy : the Movie, peut-être la meilleure porte d’entrée pour explorer la galaxy Zappa.


9/10

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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Jed_Trigado » Dim 08 Nov 2015, 12:42

J'en avais jamais entendu parler de ce truc, mais c'est clair que les concerts de Zappa c'est quelque chose niveau déconne. T'as vu 200 Motels ?
"Je mets les pieds où je veux Littlejohn et c'est souvent dans la gueule." Chuck Norris

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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Dim 08 Nov 2015, 12:58

Jed_Trigado a écrit:T'as vu 200 Motels ?

Non. Ce n'est pas l'envie qui m'a manquée mais l'occasion. Mais là, après Roxy, c'est un peu du Zappa sous perfusion à la maison, je l'écoute matin, midi et soir et je ne doute pas que 200 Motels va bientôt passer à la casserole. :mrgreen:
Le docu Uncle Meat me tente bien aussi. Le souci c'est la qualité très pauvre de ce que l'on trouve sur le net (qualité VHS). Après Roxy, il serait bon que les ayants droit s'attaquent à d'autres restaurations de bobines.
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Dim 08 Nov 2015, 13:07

Sinon, tu connais ?
http://www.amazon.fr/Frank-Zappa-linven ... ords=zappa
Trois gros pavés fourmillant d'anecdotes. Très envie d'acquérir le premier.
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Jed_Trigado » Dim 08 Nov 2015, 13:22

Olrik a écrit:
Jed_Trigado a écrit:T'as vu 200 Motels ?

Non. Ce n'est pas l'envie qui m'a manquée mais l'occasion. Mais là, après Roxy, c'est un peu du Zappa sous perfusion à la maison, je l'écoute matin, midi et soir et je ne doute pas que 200 Motels va bientôt passer à la casserole. :mrgreen:
Le docu Uncle Meat me tente bien aussi. Le souci c'est la qualité très pauvre de ce que l'on trouve sur le net (qualité VHS). Après Roxy, il serait bon que les ayants droit s'attaquent à d'autres restaurations de bobines.

La qualité VHS pour 200 Motels, il me semble que c'est normal, vu que Zappa fut l'un des premiers a utiliser la vidéo comme mode de tournage. Après pour le reste, j'en sais rien (idem pour les livres).
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Dim 08 Nov 2015, 13:42

C'est vrai, j'avais oublié, tournage en vidéo puis transfert sur pellicule. Même pas sûr d'ailleurs que la version DVD soit meilleure :
http://sotcaa.org/editnews/200-Motels-On-DVD.html
Sinon chouettes émissions ici :
http://www.franceculture.fr/emission-co ... e-et-autre
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Dim 08 Nov 2015, 20:19

J'ai un DVD pirate de 200 Motels sans st, et la qualité était à peu près correcte. Menfin, je ne suis vraiment pas difficile là-dessus.
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Mar 10 Nov 2015, 18:35

pabelbaba a écrit:Menfin, je ne suis vraiment pas difficile là-dessus.

Pour la qualité de l'image, je crois qu'il ne faut pas trop l'être concernant 200 Motels. Par contre, pour les s-t, ça m'emmerderait de le voir sans. Je me démerde avec les s-t anglais mais là, avec le langage parlé tout en références de Zappa, j'aimerais bien en profiter pleinement avec des s-t traduits. A prioi j'ai trouvé une source qui fera l'affaire...
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Pink - 8/10

Messagepar Olrik » Mar 10 Nov 2015, 18:36

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Pink
(Jeon Soo-il – 2011)

Ça commence à sentir la déglingue dans cette petite ville ouvrière coréenne. Des irréductibles se battent afin d’empêcher les destructions massives de maisons pour moderniser l’endroit, et le dernier oasis dans le quartier pauvre où se déroule l’intrigue semble être le bar « Pink » dirigé par Ok-Ryeon, une quinquagénaire célibataire qui doit par ailleurs s’occuper de son fils autiste, Sang-gook. Elle est aussi aidée par Soo-Jin, jeune femme jolie mais guère expansive, un lourd secret semblant la ronger…

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On continue dans la joie et la bonne humeur la rétrospective Jeon Soo-il avec ce Pink qui, comme son titre ne l’indique pas, va plonger le spectateur dans un univers fait de couleurs quasi désaturées et où le rose promis par le titre renvoie non pas à des scènes de cul mais au nom et à l’enseigne flashy du bar… que l’on ne verra jamais en action (sauf à la fin, mais de manière peu satisfaisante).

On l’aura compris, Pink est du même acabit que la Petite Fille de la Terre Noire ou que El Condor Pasa. Soo-Jin n’est par exemple pas sans évoquer ce que serait devenue Yeong-lim de la Petite Fille. Ou alors on peut y voir une sorte double adulte. Comme la petite gamine elle se trouve flanquée de ce garçon attardé dont elle s’occupe volontiers, et comme elle son petit univers comprend un adulte qui va devenir un poids mort : Ok-Ryeon va devoir faire un séjour en prison à cause d’un sitting de protestation liée aux destructions de maisons. Là s’arrête cependant la comparaison puisque Soo-Jin est tout sauf portée sur l’action (enfin, sauf lors d’une scène, et pas n’importe laquelle), la prise en charge de soi pour tenter d’éviter le malheur cloaqueux dans lequel elle s’enfonce. L’horizon semble désespérément bouché. Traumatisée par un spectre dont on comprend la véritable nature à la fin, la jeune femme semble incapable d’établir le moindre contact réconfortant. Les chansons d’un beau folkeux semblent l’apaiser, mais il est frappant de voir combien la proximité avec le jeune homme ne débouche sur rien, pas même une malheureuse parole échangée.
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Gros usage chez Soo-il des compositions utilisant les encadrements de portes ou de fenêtres. Les personnages donnent souvent l’impression d’être enfermés ou jamais totalement réunis.


Et on ne parle même pas d’une quelconque libido qui pourrait permettre de lâcher les soupapes. Les corps sont sensuels mais la sexualité débouche sur un certain vide (exactement comme dans El Condor Pasa avec la liaison entre le prêtre et la sœur de la victime). Celle de Soo-Jin ne va pas plus loin que de prendre son bain avec le fils autiste tandis qu’Ok-Ryeon offre les vestiges de sa beauté à un gros flic, dans une maison sur le point d’être détruite. Le coït, déjà un brin sinistre, achèvera d’être grotesque avec l’irruption malencontreuse de Sang-gook :
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– Maman, c’est quoi cette bouteille de lait ?
– F… file ranger ta chambre !!


Précisons aussi qu’Ok-Ryon allaite volontiers son fils. Chose curieuse lorsque l’on prend en considération la Petite Fille ou El Condor Pasa, films dans lesquels les personnages de mères consolatrices font cruellement défaut. Ici, il y en a une mais c’est incarner une maternité qui, plutôt que de se tourner vers l’avenir, se rattache obstinément à un passé qui n’est plus. Sang-gook n’est plus un petit garçon, et son quartier, en voie de décomposition avancée, n’a guère d’autre issue que la destruction.

Après, il ne faut pas s’imaginer que Pink serait, à l’image du fils de Ok-Ryeon, un film autiste. Comme pour la Petite Fille, on ne tombe pas dans le piège du misérabilisme et le film sait faire évoluer sa mélancolie qui semble suinter à chaque scène (les scènes de pluie n’y sont pas non plus étrangères) en un sentiment d’espoir (cette fois-ci on pense à la fin d’El Condor). Si les personnages apparaissent bien souvent « enfermés » (concernant un des protagonistes, attendez-vous à la fin à une scène mi-comique, mi-atroce), ils sont aussi montrés, souvent, libérés de toute entrave. C’est Ok-Ryeon qui pisse dans un tunnel, qui allaite son fils de manière touchante, sans que le spectateur crie au rapport incestueux, ou encore Sang-gook qui court à poil sur la vase, Soo-jin qui s’offre à un marin-pêcheur juste après une tentative de suicide ou, tout simplement, Soo-jin et Ok-ryeon dans ce beau plan :
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Le tout dernier plan du film est particulièrement énigmatique. Le spectateur sera d’un côté horrifié par l’ironie cruelle qui touche un des personnages, de l’autre bercé par la douce ballade du folkeux qui, un peu à la manière d’un chœur antique, commente la situation de ces êtres et de ce quartier en perdition. Pink est certes le portrait d’un univers en ruines mais, par l’habile réseau de correspondances qu’il tisse, donne aussi à voir un monde où le passé peut espérer survivre à travers une mutation cyclique, la jeune Soo-jin allant peu à peu devenir le double d’Ok-Ryeon.

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8/10

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– Toujours un véritable plaisir visuel.
– Richesse des compositions mais aussi richesse des symboles et des motifs sans que cela soit non plus abscons.
– Un jeu tout à l’économie de moyens mais suffisant pour dessiner deux beaux portraits de femmes.

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– Pas totalement satisfait par la cause du traumatisme de Soo-jin. Et pas totalement convaincu de son utilité. Mais bon, je pinaille un peu là.
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Tartuffe - 7,5/10

Messagepar Olrik » Jeu 12 Nov 2015, 19:19

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Tartuffe
(F.W. Murnau – 1926)

Un jeune comédien s’aperçoit que son riche grand-père est manipulé par sa domestique qui est aux petits soins avec lui uniquement pour être son unique héritière. Voulant ouvrir les yeux de son aïeul, le jeune homme se fait passer pour un montreur de film ambulant et diffuse au domicile du vieil homme une adaptation du Tartuffe de Molière…


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Rediffusé la semaine dernière sur Arte dans une version restaurée, Tartuffe de Murnau s’avère être une tentative convaincante d’adaptation de la célèbre pièce de Molière. D’abord par la mise en abîme qu’elle met en scène mais aussi par le traitement simplifié et expressionniste de l’intrigue de départ. Durant cinquante minutes, dès l’arrivée de Tartuffe chez Orgon, l’ombre ne va cesser de le disputer à la lumière. Demandant à ce que les bougies soient éteintes pour éviter le gaspillage, on se retrouve avec quelques bougies portées par les personnages qui, en créant un jeu d’ombres avec les différentes ferronneries de la luxueuse demeure d’Orgon, vont créer un réseau de lignes tissant symboliquement une toile d’araignée que la belle Elmire va essayer de briser.
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L’araignée en question ne pouvait pas manquer d’être terrifiante. Murnau retarde habilement l’apparition de la bête et quand elle apparaît enfin à l’écran, on n’est pas déçu. Incarnée par le massif Jannings, l’acteur fétiche de Murnau et l’un des monstres sacrés de l’époque, difficile de ne pas sourire devant cette trogne hypocrite qui plisse les yeux lorsqu’elle lorgne une bague au doigt d’Orgon :

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ou bien lorsque ses yeux tombent sur la poitrine d’Elmire :

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RHÂÂ LOVELY !


Le mouvement de caméra subjective allant du visage d’Elmire à sa poitrine m’a paru osé pour l’époque. Totalement cohérent en tout cas par rapport à l’œuvre de Murnau. Car Tartuffe/Elmire, ce sont un peu les avatars d’Ellen et de Nosferatu. Si Elmire au moins ne meurt pas à la fin, elle n’en est pas moins une héroïne active en usant de son charme pour mieux distraire et perdre le monstre : Nosferatu, ivre du sang de sa belle victime, en oubliera la notion du temps et périra à cause du soleil levant tandis que Tartuffe, ivre d’alcool et de lubricité, oubliera un espace bien plus petit qu’une fenêtre mais qui lui sera tout aussi fatal :
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le trou de serrure par lequel Orgon découvre le véritable visage de sa fausse idole.

Le spectacle sera lui aussi d’une jolie veine expressionniste tant Jannings (à qui on a pu reprocher parfois de faire dans le cabotinage) éructe, grimace et laisse éclater une gestuelles qui était auparavant engoncée grotesquement dans un habit sombre :
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Bref on ne s’ennuie pas. On s’amuse de retrouver les moments clés de la pièce originelle (la scène du sein d’Elmire), on savoure une mise en scène chiadée qui donne à voir l’impact négatif de la présence de Tartuffe sur son environnement, enfin on jubile devant les métamorphoses et la chute d’une bête néfaste aussi bouffonne que répugnante. Le Tartuffe de Murnau se veut une œuvre rigoureuse mais en même temps légère, et sa structure imbriquée prenant à témoin le spectateur ainsi que le grand-père qui va ouvrir les yeux sur la nature réelle de sa domestique, n’est pas sans illustrer malicieusement le pouvoir des images et la force d’un art s’apprêtant à supplanter la littérature. L’arrivée triomphale du comédien sur sa charrette de projectionniste ambulant, arrivée accompagnée des cris de lardons en délire et tout acquis à la cause du cinématographe, sonne comme un souffle nouveau qui a de quoi effrayer la vieille mégère à sa fenêtre. « Allez vous-en ! Nous n’avons pas besoin de cinéma » lance-t-elle au malicieux petit-fils :
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C’est trop tard, toujours comme pour Nosferatu, la fenêtre donne à voir un élément extérieur qui va assurer sa perte et illustrer une fonction méconnue du cinéma : la fonction solaire, remède radical à l’obscurantisme que souhaiterait bien préserver certains fâcheux.

7,5/10


Le film est visible encore quelques jours sur le replay d’Arte, profitez-en :

http://www.arte.tv/guide/fr/001039-000- ... autoplay=1
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mar 17 Nov 2015, 20:23

Je te laisse deviner pourquoi je poste la bande-annonce d'un film produit par Pang Ho-cheung sur ton topic...

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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Mar 17 Nov 2015, 21:36

0:19 bien sûr ! Je reconnaîtrais cette paire les yeux bandés (à condition de tâter pour vérifier évidemment) !
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mar 17 Nov 2015, 22:06

Elle te passe le bonjour depuis la première japonaise du film.

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