[Olrik] Mes pelloches distinguées en 2017

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Re: [Olrik] Mes pelloches distinguées en 2017

Messagepar Olrik » Dim 03 Déc 2017, 23:35

osorojo a écrit:T'aurais mieux fait de continuer la filmo de Jean-Marie Pallardy :mrgreen:


on y retournera un jour mais pas tout de suite, onze mois étant encore trop peu pour encaisser le choc esthétique.
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12 Hommes en Colère (1997) - 5/10

Messagepar Olrik » Dim 17 Déc 2017, 18:52

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Pas évident de passer après un chef d’œuvre. Je ne sais pas si Friedkin s’est fait la réflexion mais c’est en tout cas ce que ce dit le spectateur qui aurait vu le film de Sidney Lumet. Pour le spectateur candide qui ne l’aurait pas vu, pas de souci, la version de 1997 est tout à fait regardable, et même plaisante. Bon script, bon dialogues et acteurs dans l’ensemble convaincants. Mais encore une fois, pour l’initié, c’est une autre paire de manches tant la version de Friedkin ne soutient à aucune moment, quels que soient les aspects du film (jeu d’acteur, photographie, dramaturgie…), avec la version de Lumet. Cela reste toujours agréable à regarder, mais il faut compter à chaque minute le petit constat sur un détail, sur une réplique, sur un ajout contestable ou une manière différente de faire, qui n’en finit pas de tirer le film vers le bas et de donner envie que le supplice s’achève au plus vite.

Parmi les défauts qui me paraissent les plus évidents, il y a d’abord celui du casting. Si tous les acteurs s’en sortent honorablement, je n’ai pas été du tout convaincu par le vieillissement des trois principaux jurés, à savoir le n°8 (Davis, joué par Fonda dans l’original, Jack Lemmon dans cette version), le n°3 (Lee J. Cobb / George C. Scott) et le n°4 (E. G. Marshall / Armin Mueller-Stahl). George C. Scott à quarante ans aurait sans doute tout déchiré. Mais à soixante-dix, c’est beaucoup moins convaincant. Dans le même rôle, Lee J. Cobb en avait 46 tandis que Fonda était âgé de 52. Deux hommes dans la force de l’âge qui pouvaient à la fois rassurer et attirer à eux les plus âgés (ce qui est clairement le cas dans la première version, avec le vieil homme, le n°9 qui change de vote rapidement, sans doute rassuré de voir qu’il se trouve juste aux côté d’un type avec une envergure argumentative et protectrice), et convaincre les plus tendres (le n°2). A ces deux personnages s’ajoutaient le n°4, joué par E. G. Marshall, alors âgé de 43 ans, qui en termes d’intelligence apparaissait comme le principal rival du personnage de Fonda. Au milieu de ces trois quadra/quinquagénaires, les autres personnages parvenaient malgré tout à briller, en particulier le n°9, le doyen du groupe qui par sa sagacité inattendue et sa vue perçante pouvait apparaître comme une sorte de « voyant », de Nestor apte à guider sa troupe vers la victoire (sa dernière intervention est d’ailleurs décisive).

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Bref, avec la version de Lumet, on se retrouve avec une salle de délibération aux allures de maison de retraite. Les acteurs ne sont pas mauvais, loin s’en faut, mais tout cela manque singulièrement d’énergie, et ce ne sont pas les braillements de George C. Scott, un brin pathétiques, qui changent quoi que ce soit à cette impression. Certes, la jeunesse est bien présente à travers d’autres personnages. Et elle est même parfois virulente, limite intimidante (en particulier le n°7 joué par Tony Danza et le n°10 interprété par Mykelti williamson). C’est un des principaux traits d’ailleurs qui permet de marquer une nette différence avec l’original. On pourra apprécier cet aspect, même si les performances de l’excellent Jack Warden et d’Ed Begley suffisaient amplement à instaurer un climat de tension hostile. Surtout, aussi détestables que leurs personnages pouvaient apparaître, on ne parvenait pas totalement à les mépriser, enclins à les remercier de nous offrir cette aventure humaine stimulante et inoubliable, emplie de cris, de fureur, mais aussi, au final, d’un espoir en l’homme. Dans la nouvelle version, l’énergie du n°10 est ici complètement dévoyée pour en faire un personnage profondément enraciné dans son racisme. Dans la version de 1957, le personnage changeait d’avis lors d’une scène saisissante où l’on voyait tous les personnages quitter la table un à un pour lui tourner le dos alors qu’il était parti pour une nouvelle logorrhée emplie de haine envers « ces gens-là ». Même le n°7 resté assis, le je-m’en-foutiste de la bande, esquissait un mouvement pour ne pas à le voir bien en face. Déstabilisé, conscient peut-être de son fourvoiement dans ses convictions nauséeuses, découvrant en tout cas son immense solitude dans la société, le personnage abdiquait et changeait d’avis quant à la culpabilité du jeune homme quelques minutes plus tard. Ceci apparaissait à l’origine dans la pièce de Reginald Rose (1)(rappelons qu’il s’agit à l’origine d’un script pour un téléfilm, script par la suite transformée en pièce). Eh bien Lumet s’en démarque en faisant du personnage un afro-américain musulman intolérant et engoncé dans sa haine. Dans la fameuse scène où il doit se trouver isolé, il n’abdiquera pas. Il continuera de penser que le jeune homme est bien coupable mais, tout à son mépris envers les onze autres jurés, il donnera un avis de non culpabilité pour clore l’affaire en ce qui le concerne.

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On peut trouver cette manière de clore le cas du n°10 plus convaincante. Mais on peut la trouver aussi plus dommageable dans la mesure où elle annihile la noblesse qui drapait les dix dernières minutes de l’original. Le n°10 pouvait s’agiter et éructer, le lent travelling arrière faisant découvrir neuf des onze jurés se lever un à un lentement pour lui tourner le dos avait une gueule certaine. Quand les mots haineux décourageaient toute dialectique, il ne restait plus que la dignité, le silence, et un esprit de corps afin de préserver une certaine idée de noblesse dans l’humanité. Leçon qui se passait de toute agitation superflue (dans la version de Friedkin, on voit le n°5 partir dans les toilettes en claquant la porte et en frappant un mur avec ses petits poings… scène démonstrative bien inutile) et qui permettait de penser qu’en écrasant le n°10 qu’elle avait porté, que ce dernier avait été converti in extremis.

Bref il s’agissait d’une scène à la fois simple et forte, aspects que l’on n’a plus dans la version de 1997. Et elle est aussi symbolique d’ailleurs d’une autre différence, celle concernant la cinématographie. Comment se démarquer de la mise en scène au cordeau de Lumet et de la photographie en N&B très soignée de Boris Kaufman ? Facile ! On va faire une version en couleurs et filmer caméra à l’épaule pour donner un effet de cinéma-vérité. Encore une fois, le résultat n’est pas vilain mais lorsque l’on compare à l’original, il est dur de s’en satisfaire. Ce qui est fabuleux dans l’original, c’est sa capacité à révéler de nouveaux détails à chacun de ses visionnages. Tout y a été pensé pour faire sens. Le moindre plan, le moindre éclairage, la moindre expression fugace font sens. A un premier niveau il y a les paroles échangées. A un second, il y a tout ce qui concerne le background de chacun, des facettes de leurs personnalités, de leur origine sociale, et le fractionnement en innombrables plans particulièrement étudiés permettait de saisir tout cela, quitte à transformer le réalisme en un symbolisme un peu anti-naturel mais forcément marquant pour les rétines.

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Avec la caméra tremblotante de 1997, on perd énormément de cette subtilité. Juste un exemple : lors de la scène du premier vote, celui à main levée, la version de 1957, en plan fixe, permettait de faire sentir d’emblée qui étaient les indécis qui se laissaient finalement embarquer par la vague dominante du camp des « coupable » (problème inhérent à ce style de voté). Dans la version de 1997, rien de tout cela. La caméra est en mouvement, va jusqu’au n°1, empêchant de voir qui lève la main avec du retard, cela pour le petit effet de nous montrer de face le n°8 qui, seul contre tous, décide de lever la main pour son choix de non culpabilité. Dans la version de 1957, le jeu du brutal champ/contrechamp, avec le plan large nous montrant Fonda face à tous les regards braqués sur loi était tout autant – sinon plus – saisissant.

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Et l’on pourrait multiplier les innombrables cas de détails pertinents passés à la moulinette de cette caméra documentaire et brouillonne. J’attendais ainsi de voir comment la scène où l’on voit le n°8 aider le n°3, vaincu et démoralisé, à mettre son veston. Chez Friedkin, on est tenu à distance, on ne voit pas les expressions. Chez Lumet, on est plus près. N°8 touche discrètement le dos de n°4 qui est prostré. Pas de tape amicale, ce serait déplacé. Juste un effleurement. N°4 comprend, se lève et se laisse faire mais ne peut se retenir de regarder le visage de n°8 pour voir si ce dernier ne cache pas une provocation derrière son geste aimable. Il ne croisera pas son regard, le personnage de Fonda, exemplaire jusqu’à la fin, ne cherchant pas à embarrasser avec un regard dans les yeux qui pourrait être mal interprété.
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Tout cela, le spectateur le voit, il l’apprécie, et est mûr pour, à l’image finale de la scène finale avec le n°8 et le n°9 se passant à l’extérieur du palais de justice, prendre une bonne bolée d’air frais au sortir du film, fatigué et en même temps revigoré par une expérience cinématographique et humaine mettant la barre très haut, et frappant forcément de stérilité toute tentative ultérieure de remake.

Version de 1957 : 10/10

Version de 1997 : 5/10

(1) Parcourir cette pièce est d’ailleurs intéressant pour voir les ajouts ou les retraits de répliques qu’a pu faire Lumet pour son film. Parmi les ajouts intéressants, remarquons la scène dans laquelle le n°8 interroge le n°4 afin d’avoir des informations sur le film qu’il a vu trois jours auparavant, interrogatoire faisant couler sur son front une goutte de sueur, lui qui qui quelques minutes auparavant déclarait ne jamais transpirer.
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