[Olrik] Mes films qui tuent la gueule en 2020

Modérateur: Dunandan

Re: [Olrik] Mes films qui tuent la gueule en 2020

Messagepar pabelbaba » Mer 22 Jan 2020, 19:00

En fait j'ai vu MMDD avant. :mrgreen:
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Allez, Mark, c'est Sophie qui te demande de revenir!
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Re: [Olrik] Mes films qui tuent la gueule en 2020

Messagepar osorojo » Mer 22 Jan 2020, 19:02

J'aurais bien débattu, mais 2015... c'est trop loin pour mon cervelet de papy. N'est pas Mark qui veut :(
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Si Versailles m'était conté - 5/10

Messagepar Olrik » Sam 25 Jan 2020, 12:16

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Si Versailles m'était conté
Sacha Guitry - 1954


Je n’ai pas fait exprès de voir ce film quelques jours après avoir revu L’Arche Russe. Comme pour ce dernier, on a droit à une chiée d’acteurs et à une plongée dans un lieu prestigieux, ici Versailles. Là s’arrête cependant le rapprochement car pour ce qui y est de l’apport à l’histoire du cinéma, tout oppose ces deux films. Si Versailles m’était conté est une œuvre populaire mais cinématographiquement nulle tandis que l’Arche Russe est une œuvre achevée au dernier degré mais réservée à une certaine catégorie de cinéphiles. Les deux ont pour but de faire une leçon d’histoire, mais si le film russe le fait sur un mode poétique, le blockbuster français de l’année 1954 (6 986 788  entrées) le fait sur un mode didactique un rien plombant. Dès le début, voir Guitry se poser sur un burlingue pour feuilleter un album tout en le commentant d’une voix gourmée, on sent qu’à la longue, le spectacle promet d’être terrible.
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Sacha Guitry, professeur d'histoire terreur des petites têtes blondes.

Ça n’a pas raté. Et pourtant, je ne dédaigne pas les vieilleries naphtalinées avec moult costumes. Au début j’y ai trouvé un certain charme, le charme de ces productions d’antan avec des dialogues semblant sortir de toute une littérature historique populaire. Mais le charme s’est étiolé petit à petit et j’avoue que la deuxième partie a été regardée avec un œil plus que distrait.

On voit assez ce qui a pu contribuer au succès de ce film en 1954. Tout d’abord la promesse pour le spectateur terré dans sa province d’être plongé dans un lieu prestgieux. Sans doute cela a-t-il constitué une expérience sympathique sur les grands écrans d’alors. Pour un œil moderne en revanche, il faut bien avouer que toutes ces dorures, tout ce style rococo en technicolor n’est plus du meilleur effet.  Il y a un effet carton pâte qui donne parfois plus l’impression que le film a été tourné en studio plutôt qu’à Versailles (ce qui pourtant a été le cas). Remarquez, sous acide ou sous cocaïne, je ne dis pas que le film puisse avoir un côté « trip ultime » à la 2001.
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Dans cette composition luxuriante se cache un Jean Marais. Sauras-tu le retrouver ?

Le spectateur de l’époque a pu être aussi intéressé par le casting tout de même un peu hallucinant que le film proposait. Gérard Philippe, Edith Piaf, Jean-Louis Barrault, Bourvil, Gino Cervi, Jean Marais, Tino Rossi, Jean Richard, Raymond Souplex, Charles Vanel, Orson Welles, Brigitte Bardot, Annie Cordy et une pléthore d’autres tombés dans l’oubli depuis mais sûrement connus à l’époque. Pour le spectateur moderne, c’est tout de même une curiosité et un amusement de repérer tous ces visages mais là aussi, le jeu a du mal à tenir la route deux heures quarante durant. Et quand on découvre le gros Orson Welles grimé en Benjamin Franklin…
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Gasp !

… on a presque envie de crier grâce !

Enfin, il y a tout simplement la manière d’amener cette leçon d’histoire. La leçon d’histoire est au début assez amusante mais très vite la succession de tableaux finit par lasser. Quand arrive la Pompadour et sa généreuse plastique, on se dit que ça va enfin s’animer avec du croustillant…
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Allez ! Faut pécho ! Trousse-moi cette gueuse, elle n'attend que ça !

Mais las ! comme c’est un spectacle familial, les salaceries de Louis XV (joué par un Jean Marais plutôt pas mal dans le rôle) tournent court. Finalement on se dit qu’il manque à ce film le parti pris de Dumas, à savoir se concentrer sur des personnages historiques confidentiels plutôt sur les grands personnages historiques, et « violer l’histoire pour lui faire de beaux enfants » (l’expression est de lui). En somme, on pourra préférer les films d’aventures de l’époque plutôt que ce machin indigeste et ne donnant pas forcément envie de voir sa suite, sortie l’année suivante : Si Paris m’était conté.

5/10
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Rocky - 8,5/10

Messagepar Olrik » Dim 26 Jan 2020, 12:00

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Rocky
John G. Avildsen - 1976


Ce qui rend Rocky encore attachant plus de quarante ans après sa réalisation ? Avant toute chose sa représentation de la misère. C’est tout le paradoxe d’un film qui nous vend une histoire de champion  en quête d'un titre mais dont le propos réel n’est rien d’autre que d’une quête intérieure qui se réalisera à travers la conquête d’une femme et d’une dignité retrouvée. La boxe ? Elle n’a finalement droit qu’à une portion congrue, le temps d’un hideux combat en ouverture, d’un premier footing calamiteux (après une heure dix de film !), d’une scène d’entraînement plus glorieuse puis d’un combat haletant. Le reste ? Ce ne sont que les déambulation dans une Philadelphie qui ne fait pas envie (et qui pourtant fascine à travers les plans de James Crabe) d’un paumé - un « bum » -, des scènes navrantes de recouvrements sur les docks, le quotidien des employés dans un abattoir, un futur beau-frère grossier, alcoolique et terriblement maladroit (et en même temps drôle , le « voilà ce que j’en fais de ta dinde ! » est purement magique), un appartement crasseux et sordide et une petite amie dont la timidité au début donne l'impression d’un sérieux retard mental. La séduction du « bum » pour essayer de la conquérir est souvent effroyable et gênante, surtout lorsqu’il la raboule dans son appartement : marcel pour montrer ses muscles, animaux dans l’aquarium, luminosité dégeulasse et pourtant, pourtant, difficile de ne pas être touché lorsque l’on voit ces deux êtres s’embrasser fiévreusement à pleine bouche. Difficile encore de dire s'il s'agit d'amour ou juste d'un désir de s'affranchir d'une solitude aliénante. Le film précisera les contours de cette relation.

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Car Rocky, c’est finalement la reprise sur un mode réaliste de l’archétype de la princesse et du prince charmant sur fond d’American way of life. Ou du moins une apparence d’American way of life puisque cette dernière n’est pas complète (ce sera le propos du deuxième opus), le film s’achevant finalement sur un échec sportif. Un échec factuel s’entend, Rocky ayant été déclaré perdant sur décision des juges. Mais la réussite est là cependant, elle ne se matérialise par un bibelot doré qu’il va pouvoir attacher à la taille mais par la grandeur de ce qu’il a réalisé, grandeur qui fait courir vers lui la femme qu’il aime alors que la salle vibre d’applaudissements.

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A ce moment-là, le spectateur regarde avec le même émerveillement que doit ressentir un gosse à la fin d’un conte de fées. Rocky a eu droit à son merveilleux, ce cadeau descendu du ciel hallucinant : avoir le droit d’affronter le champion du monde. Il y a la conquête de cette princesse qui au début n'est qu'une Cendrillon souillon attardée mais qui, une fois ses lunettes ôtées, se transformera et ne sera pas sans charme. Enfin il n'y a non pas les trois fées marraines mais ses trois parrains : d’abord Paulie qui fera l’entremetteur de façon tellement outrancière, qui agira tellement comme le bon gros con qu’il est, qu’Adrian n’aura d’autre choix que d’accompagner Rocky pour un premier rencard (à cet instant c’est tout plutôt que de rester dans la maison avec cet abruti de Paulie). Ensuite l’usurier Tony Gazzo (chouette personnage malgré les apparences), compatriote americano-italien qui se prend d’amitié pour son jeune employé (pourtant maladroit dans sa manière de recouvrer les dettes) et qui lui file un présent : un peu d'artiche pour sortir Adrian. Cela donnera lieu à la scène de patinage, deuxième étape vers la conquête d’Adrian. Enfin il y a bien sûr Mickey, le double vieillissant de Rocky. Il a sa carrière de boxeur derrière lui et on devine qu’il a eu la même carrière que quantité de boxeurs avant et après lui : prometteuse mais jamais concrétisée par un titre prestigieux. En voyant Rocky et la chance qu’on lui offre, il voit sans doute l’opportunité d’exorciser ses regrets et décide de lui mettre le pied à l’étrier en lui infligeant un entraînement spartiate mais susceptible de permettre d’affronter vaillamment Creed. Rancunier, reprochant à Mickey de venir le voir alors que c’est auparavant, quand il était dans une merde noire, qu’il aurait eu besoin de réconfort, Rocky lui opposera une violente fin de non recevoir… avant de se reprendre le temps d’une scène où on le voit dans la rue courir après le vieillard, discuter dix secondes, lui serrer la main et recourir en sens inverse jusqu’à chez lui. J’ai toujours trouvé cette scène particulièrement touchante. Tout Rocky y est résumé. Un écorché vif cabossé intérieurement comme c’est pas permis, mais parfaitement capable de trier les torchons et les serviettes dans les échantillons d’humanité qu’il côtoie tous les jours.

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A l’opposé de ces alliés, il y a le dragon Appolo. Il vit non pas dans une grotte mais dans un gymnase, confortablement installé sur une faramineuse quantité d’or issue d’une American way of life parfaitement réussie. Et il est tout ce que n’est pas Rocky : il a le verbe haut, est arrogant, sûr de lui et de son image. Finalement, si Mickey est son double âgé, image d’échec dans la vie qu’il conviendra d’éviter, Appolo est son double inversé auquel il conviendra de casser la gueule. En vainquant ces deux (en rembarrant Mickey avant de s’allier avec lui, Rocky retrouve un peu de sa dignité après l’humiliation au début du film), Rocky pourra enfin passer à un stade supérieur.

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Là-dessus, il faut reconnaître que la magie des scènes d’entraînement est toujours imparable. Voir Rocky préparer son élixir de force (ces cinq œufs engloutis dans un verre, au bord de la gerbe), à quatre heures du matin, a toujours de quoi impressionner des rétines de gosses (je confirme avec Olrik the 3rd qui a regardé la scène avec des yeux en billes de loto). De même que la montée de l’escalier à travers la steadycam de Garret Brown (une des premières utilisations de ce joujou), le footing populaire entrecoupé d’intense scènes d’entraînement, irrésistible crescendo gonnaflyesque qui donne alors presque envie de croire que l’impossible va être possible. Et puis il y a ce combat dont le réalisme tranche brutalement avec celui du traitement du quotidien miséreux de Rocky et des gens qu’il rencontre. Les combats dans Rocky, c’est finalement du pur réalisme magique. C’est invraisemblable, cela défie les lois de la biologie, et ça marche. Accompagnés des violons hystériques de Bill Conti, les coups pleuvent sur des faciès transformés en plaie sanguinolente. Rocky se transforme peu à peu, devient méconnaissable, comme si le cabossage intérieur était peu à peu expulsé pour apparaître sur la surface de son corps. C’est toute l’émotion de la scène finale avec la contemplation d’un être à la fois sublime et grotesque qui a enfin chassé ses vieux démons et qui peut entendre avec l’ivresse son prénom scandé par la foule mais surtout crié par celle qu’il aime et qui alors lui assure une bonne fois pour toutes son amour. Rocky, c’est un peu comme Ruy Blas finalement. Juste la consécration d’un nom à travers une bouche féminine. Dans Rocky II, ce sera par contre par les parpaings dans la tronche mais ça, c’est une autre histoire.

8,5/10

 

 
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Re: [Olrik] Mes films qui tuent la gueule en 2020

Messagepar maltese » Dim 26 Jan 2020, 17:18

Super critique :super:
Et je te rejoins particulièrement pour la scène où Rocky va rechercher Mickey dans la rue, peut-être la meilleure scène du film et de la saga, formidablement touchante.
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Re: [Olrik] Mes films qui tuent la gueule en 2020

Messagepar Olrik » Dim 26 Jan 2020, 19:04

Merci.
Oui, j'ai toujours trouvé cette scène poignante, avec la silhouette de ce petit vieux qui retourne dans un anonymat que l'on devine douloureux et le geste magnifique de Rocky, incapable de garder sa rancune très longtemps, le tout sans entendre ce qu'il lui dit. Tout simple mais un joli moment de cinéma.
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Doctor Sleep - 4/10

Messagepar Olrik » Lun 27 Jan 2020, 21:01

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Docteur Sleep
Mike Flanagan – 2019


"Un Shining vaut mieux que deux Docteur Sleep"
(quelques spoils inside)

Reconnaissons-le d’emblée, il fallait être soit inconscient, soit sévèrement burné (soit les deux) pour proposer une suite à Shining. Après le plantage de 2010 faisant suite à 2001, on pensait que ça en aurait calmé plus d’un, mais il faut croire que non. Mike Flanagan, fort de la bénédiction de Stephen King et surtout de l’acceptation par ce dernier de reprendre des éléments du film, évidemment plus populaire que la série, a tenté le coup et, sans aller jusqu’à dire qu’il a réussi, est au moins parvenu à pondre un truc acceptable, ce qui n’est déjà pas mal compte tenu du côté casse-gueule d’un tel projet.
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Casse-gueule parce qu’on emboîte le pas à Kubrick et forcément, on sait d’emblée que la comparaison sera en défaveur de l’inconscient qui entreprend ce projet. Ensuite parce que les fans du film de Kubrick ont souvent méprisé le roman de King et inversement, les adorateurs du roman ont toujours trouvé le film à côté de la plaque. Le problème étant posé, on imagine combien ça a dû brainstormer sévère dans les cerveaux de Flanagan et de son scénariste pour réaliser une œuvre qui contenterait tout le monde. Et d’une certaine manière, ils y sont arrivés ! Il paraît que Flanagan se flatte d’avoir fait un film qui plaît à la fois à King et à la famille Kubrick. On veut bien le croire. King, révolté de voir combien Kubrick s’en battait l’oeil de sa chaudière qui fout le feu à l’hôtel à la fin du livre, a dû bien bicher en voyant enfin l’Overlook dévoré par les flammes. Et les amateurs de Kubrick ont dû apprécier ces fondus enchaînés, ces plans aériens, cette étrange présence donnée aux objets, ces effets sonores et ces morceaux évoquant et parfois reprenant l’ambiance musicale de Shining. Et se replonger dans l’Overlook, lieu iconique du cinéma fantastique s’il en est, n’est pas la moindre des bonnes surprises que réservent le film, une véritable petite madeleine même si, même si… elle ne nous reste pas l’estomac mais nous laisse clairement sur notre faim.
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Un déluge de citations pire que le fleuve Pénée détourné par Héraclès.


Me rangeant du côté des admirateurs du film (pas lu le roman et connaissant les réserves de Kubrick à son sujet, je n’en ai pas forcément envie. Quant à Docteur Sleep, je l’ai lu, j’en garde un souvenir brumeux, pas un grand King à mon avis), je pensais que je n’allais pas tenir un quart d’heure. Et puis finalement la curiosité et un certain plaisir l’ont emporté. On tenait là un film tenant de l’hommage à une œuvre matricielle et essayant en même temps de s’en démarquer en développant les pouvoirs psychiques des personnages disposant du « shining » ou en intégrant des scènes de baston (gunfight ou autre). Donc globalement, les deux heures trente se suivent sans trop de mal. Mais au bout du compte, cette manière de ménager la chèvre et le chou donnent à la fin l’impression d’un film tiède, une sorte de copie propre mais sans génie de la part d’un élève studieux et désirant plaire à ses maîtres. Pour la personnalité, on repassera. Tout comme pour la peur.
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D’ailleurs, en parlant de tiédeur, le Danny incarné par Ewan McGregor se pose là.


C’est le grand souci : englué dans son univers de citations, Flanagan en oublie de créer quelque chose de personnel susceptible de faire s’accrocher le spectateur aux accoudoirs de son fauteuil. Celui-ci est sans doute intrigué de voir tous les vieux fantômes et les objets de Shining réapparaitre. Ici la vieille folle dans son bain, là les jumelles, là encore la machine à écrire de Torrance. Flanagan va jusqu’à réutiliser la scène d’ouverture en la modifiant numériquement :

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Quelques filtres numériques et le tour est joué. Evidemment, on a droit en même temps à une resucée de la version de Wendy Carlos de la Symphonie Fantastique

Idem pour la scène dans la salle du bal en usant du même travelling latéral et des mêmes plans. Un peu plus loin, c’est carrément la dispute entre Wendy et Jack sur l’escalier de la grande salle qui est reproduite avec Danny et la méchante du film (guère terrifiante elle aussi, un vrai ratage celle-là) :
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Calme-toi Mike, ça devient un peu too much là.

Tout cela est bien sympa et suscite un peu de curiosité, mais on est tellement à l’affût de ces citations qu’on en oublie d’avoir peur. Et on n’est pas loin de rire franchement quand arrive cette scène :
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Non ! Arrêtez ! Laissez-moi, on est en train de tomber dans le nanar là !

Le temps de quelques secondes, l’Overlook devient le théâtre d’un Muppet Show macabre qui, associé aux super pouvoirs psychiques des personnages, bien dans l’ère du temps finalement, bien conventionnels, achève de faire de ce film un produit de consommation convenablement réalisé mais qui sera vite oublié. Une adaptation de King, une de plus. Pour ce qui est d’un nouveau film dans la lignée des Shining, Carrie et autre Christine, c’est autre chose.
4/10
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Crumb - 8/10

Messagepar Olrik » Dim 09 Fév 2020, 13:18

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Crumb
Terry Zwigoff – 1994


A la sortie de ce documentaire en 1994, Robert Crumb a positivement détesté le résultat. Pourtant tout sourire et décontracté tout le long du film, ayant toujours eu l’habitude de se répandre, de se mettre en scène dans ses comics, on aurait pu croire que le visionnage du film réalisé par un de ses amis l’aurait ravi mais non. Il y a peut-être le syndrome « Fritz the Cat », c’est-à-dire la réalisation d’une œuvre qui échappe à son contrôle, aggravée ici par le fait que le personnage mis en scène n’est pas un personnage de fiction mais lui-même.

Cet agacement est bien curieux car Crumb a accepté de faire ce film et semble tout le long amusé de faire le provocateur à l’aise, le sourire en bandoulière. Il faut croire que sa légendaire myopie a contaminé sa perception du projet. Sous l’œil de la caméra, il s’est embourbé dans une situation de révélation de soi sans voir ce qu’elle pourrait avoir de gênante livrée au grand public.

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Crumb aurait-il été agacé par cette révélation intime ?

A vrai dire peu importe ce qu’en pense Crumb, le résultat est déconcertant, effrayant et passionnant. D’abord parce que Zwigoff nous plonge au sein de la Crumb family. Pas celle de Crumb en tant que père et époux. Les scènes dans sa maison en compagnie de sa femme Aline, de son fils et de sa fille nous montre un Crumb apparemment comme un paisible père de famille. Pour ce qui est celle de Crumb en tant que fils et frère, par contre, c’est autre chose. La mère est une obèse avachie sur le sofa, le frère cadet Maxon est un artiste mendiant qui fait le fakir (il s’impose de rester assis chaque jour sur une planche à clous deux heures durant) et qui a connu plusieurs séjours en asile psychiatrique. Quant au frère aîné, Charles, eh bien c’est un peu le Syd Barrett de la famille. Complètement déglingué à la sortie de l’adolescence, il est un peu le diamant noir de la tribu, l’artiste maudit très perturbé qui est resté auprès de sa mère pendant des décennies, incapable de sortir du cocon maternel pour faire sa propre vie. Le documentaire nous montre des exemples de planches qu’il a produites et en les voyant, on se dit qu’il a été (il s’est suicidé l’année de la sortie du film) un double génial de Crumb mais un double qui se serait laissé étouffer par sa folie et qui n’aurait pas su utiliser son art pour s’extraire d’un climat familial glauque et aliénant.

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La mère obèse, le grand frère fou et le petit frère malade, bienvenue chez les Crumb !

Le film abuse peut-être de ces scènes à côté desquelles l’émission Strip-tease apparaîtrait comme un modèle de raffinement. On est chez les white trashs et franchement, au bout d’un moment on se dit qu’on n’est pas loin du bad trip. Mais en faisant deviner ce qu’a pu être la jeunesse de Crumb, on se dit aussi que cela explique aussi le côté « no limits » de son œuvre. Pas de barrière mentale chez Crumb, toutes les névroses plus ou moins refoulées, donnant l’impression d’un auteur profondément réac’ et en même temps libertaire, fait pour bombarder de l’intérieur les ridicules des Américains.

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Crumb en train d’extérioriser verbalement sa colère.

Parmi les névroses, il y a le racisme mais aussi et bien sûr le rapport du dessinateur aux femmes. Car faire un documentaire de Crumb sans évoquer l’obsession des gros culs et des gros nibards, ce ne serait pas sérieux. Une scène amusante nous le montre absolument aux anges car convié à une séance photo avec actrices pornos qu’il peut tripoter partout… sauf qu’à la toute fin on le voit au sol telle une larve sous les donzelles dominatrices. Ce n’est pas grave, il a malgré tout l’air heureux, montrant ainsi combien l’amour et la haine, le désir et la soumission sont indissociablement liés dans son rapport à l’obsession de sa vie.

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Enfin, il y a le dessin. Voir la bête en train d’exécuter ses minutieux dessins n’est pas le moindre des plaisirs dans ce documentaire. Le dessin du grand frère sombrait dans une folie obsédée à l’idée de remplir le moindre centimètre carré de papier. Chez Crumb, il y a ce souci obsessionnel de la hachure. Lui aussi est atteint d’une compulsivité graphique mais là où celle de Charles a tendu vers un repli sur soi allant jusqu’à l’aliénation (la découverte dans le film de ses « écrits » est assez angoissante), celle de Crumb se tourne vers le monde pour y chasser les ridicules. Et à la fadeur épuisée qu’exprime le visage et la voix de Charles, s’oppose le timbre à la fois flegmatique et enjoué de celle de Robert, un sourire mordant comme ses caricatures et deux gigantesques culs de bouteille donnant la voir la contradiction d’un cyclope binoculaire, un monstre qui à part dessiner et fantasmer sur les gros culs de certaines femmes ne sait faire qu’une chose : regarder.
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