[Olrik] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Ni vu, ni connu - 8/10

Messagepar Olrik » Mer 07 Oct 2015, 18:03

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Ni vu, ni connu
(Yves Robert – 1958)

Au village de Montpaillard, le garde-champêtre Parju a fort à faire pour empêcher le braconnier Blaireau de braver les interdictions de chasse et de pêche. En fait, c’est bien simple, il n’y arrive pas et passe son temps à se faire ridiculiser au grand dam du maire, scandalisé de voir que la notion de respect de l’autorité est une vaste blague chez ses administrés. Pendant ce temps, la charmante et malicieuse Arabella de Chaville fait tourner la tête à Armand Fléchard, son jeune professeur de piano qui brûle de l’épouser…

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Revoir un film que l’on a vu lorsque l’on était un lardon présente toujours le risque d’être déçu, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un de Funès, c’est-à-dire un film forcément apte à séduire un jeune public mais beaucoup moins capable de susciter l’indulgence lorsque les anciens gamins ont grandi. De Ni vu ni connu, je me souvenais du fameux « Viens ici Fous-le-camp ! », du concours de pêche ou encore de la scène du marché dans laquelle de Funès refourgue ses poissons à des clientes au nez et à la barbe (ou plutôt à la moustache) de Parju. Revoir ces scènes, c’était courir le risque de les démythifier, de leur ôter l’aura comique particulière que mes jeunes pupilles leur avaient autrefois conférée.

Deuxième risque : celui de découvrir toutes les autres scènes oubliées (l’amourette entre le personnage de Claude Rich et celui de Noëlle Adam, le mois de prison purgé par Blaireau…) et d’être là aussi déçu. Après tout, si ces scènes avaient été oubliées, c’est peut-être parce qu’il y avait une bonne raison.

Enfin il y a le personnage de De Funès. Pas l’habituel personnage colérique et autoritaire qui nous est immédiatement familier. Non, ici c’est plutôt le finaud, le Scapin de service qui ne sera jamais ridicule ou dominé par la situation, mais qui au contraire la dominera et ridiculisera ses adversaires (le garde-champêtre, le maire, le directeur de la prison et même Maître Guilloche qui lui est pourtant un allié potentiel). Bref est-ce vraiment de Funès ? Peut-il fonctionner aussi bien que celui de ses succès ultérieurs ? Là aussi, le désappointement rôde.

Reste que, à toutes ces questions, il n’y a qu’une réponse à apporter : Ni vu ni connu n’a rien perdu de son charme et demeure certainement un des meilleurs de De Funès. Dès le générique nous montrant une marionnette avec la gueule de De Funès en train de filer la bastonnade à un gendarme moustachu, on comprend de quoi il s’agit : c’est du plus pur théâtre populaire qui nous attend, celui de guignol, le sympathique brigand qui fait bicher son jeune public parce qu’il gagne toujours et qu’il botte le cul de celui qui incarne les limites. Or, les limites, c’est forcément étranger à une âme d’enfant. D’où la fascination lors de cette scène de pêche dans laquelle Blaireau, tout en respectant les limites, les règlements du concours, va faire exploser celui-ci de l’intérieur en y injectant ses propres règles, sa propre manière de faire. De même lorsqu’il essuie l’unique revers du film : quand il purge sa peine à la prison, très vite il utilise le règlement intérieur (pas très dur, il est vrai) à son avantage pour devenir le véritable maître des lieux. Bref, de Funès en mode guignol malicieux, ça fonctionne parfaitement.

Et il n’en va pas autrement des gags, du comique de situation (le pauvre Parju qui poursuit Blaireau dans sa barque sabotée, ou encore la flicaille cachée dans la maisonnette de Blaireau). Ricaner de la simplicité naïve des gags serait faire fausse route. On est devant des petites saynètes visuelles, totalement dans la tradition du muet, faites pour toucher celui que le poids des ans n’aurait heureusement pas définitivement éloigné d’une tradition populaire de la farce. Et l’idylle Armand/Arabella de devenir du coup parfaitement cohérente. Dans toute bonne farce qui se respecte, il y a forcément un jeune couple d’amoureux qu’il faudra bien marier à coups de Deux Ex Machina et de coups de main fortuits d’un Blaireau/Scapin. Et une fois le rideau tombé, je gage qu’Armand saura aussi bien honorer son épouse que les sous-entendus égrillards du film. En tant que membre honorable du « club de la fine gaule » et habitant à « Montpaillard », le contraire serait bien décevant.

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8/10

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– de Funès à son meilleur ?
– Une jolie galerie de personnages.
– "Les champi, les champipi, les champignons !"
– "54 !"


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- A moins de faire partie de la catégorie des BKRiens aigris shootés aux mauvais films à gogo, réellement, je ne vois pas comment y trouver le moindre défaut. Peut-être l’absence d’une scène de nu avec Noëlle Adam ?
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Auteur: Dunandan

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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar maltese » Mer 07 Oct 2015, 19:57

Amen, c'est toute mon enfance ce film, faudrait que je me le reprogramme à l'occasion.
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar lvri » Mer 07 Oct 2015, 21:34

Visionnage sur blu-ray ? Visiblement, le master est de très bonne qualité ?
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Mer 07 Oct 2015, 22:06

Yep, résultat du bon travail de remasterisation par Gaumont sur ses vieux classiques.
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar lvri » Jeu 08 Oct 2015, 08:53

Merci pour le retour ! Commande sur Amazon de ce pas ! :super:
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Hannibal » Jeu 08 Oct 2015, 08:56

D'accord avec cette bonne critique! :super:
Mark Chopper a écrit:La mode des années 2010 consiste à faire des suites de merde qui permettent de réévaluer des purges.
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Septième Juré (Le) - 9/10

Messagepar Olrik » Mar 13 Oct 2015, 17:25

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le Septième Juré
Georges Lautner - 1962

Grégoire Duval, pharmacien installé dans une petite ville de province, voit sa vie basculer un dimanche après-midi. Tombant sur une jolie fille prenant un bain de soleil sur le bord d’un lac, il s’en approche, essaye de l’embrasser de force et, paniqué face aux cris qu’elle se met à pousser, l’étrangle. Très vite, il comprend que son silence le sert puisque la police locale a tôt fait d’emprisonner le petit ami de la victime, coupable idéal puisque un témoin affirme l’avoir entendu se disputer avec la jeune femme quelques instants avant sa mort. Mais tout se complique lorsque Duval apprend qu’il va devoir faire partie des jurés lors du procès. Bourrelé de remords, le pharmacien va tout faire pour essayer de l’innocenter…

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Dès le générique, on écarquille les yeux : c’est vraiment un film de Lautner ? Puis, alors qu’il faut bien se rendre à l’évidence lorsque son nom apparaît et que le fabuleux premier quart d’heure défile sous des yeux aussi éblouis que médusés, on se demande pourquoi Lautner n’a pas continué dans cette veine plutôt que de faire dans la comédie. Pas que je méprise les comédies de Lautner, hein ! mais enfin, devant tant d’ambition cinématographique, ambitions sans faille du début à la fin et qui n’est pas sans faire jeu égal avec les films noirs de Clouzot, on se prend à rêver sur ce qu’aurait pu être la filmo de Lautner si la part du comique (ici restreinte au personnage de Francis Blanche, de Raymond Meunier et aux réparties cinglantes des dialogues concoctés par Pierre Laroche) avait été limitée au profit de cette vision acide et cruelle de l’humanité.

Bon, tout cela pour dire que le Septième Juré fait une très forte impression. D’abord à cause de Blier qui joue une sorte d’anti-Homais désabusé. Rien que voir sa silhouette déambuler dès les premières minutes dans la nature est déjà étrangement touchant. Les plans en contre-plongée, en contre-jour, légèrement tiltés, tout concourt à faire sentir le malaise du personnage qui a tout pour être heureux, et qui pourtant ne l’est pas.

Et quand retentit en voix off la voix de Blier, voix égrenant des jugements parfaitement lucides et impitoyables sur lui-même et sa triste condition de petit notable, c’en est fait : on est sidéré par la noirceur et la beauté du personnage et on n’aura de cesse d’être derrière lui, un peu comme pour le Raskolnikov de Crime et Châtiment. On espère qu’il trouvera une issue à sa situation inextricable mais sans trop d’illusions puisque l’on pressent que son accomplissement passera par une déchéance (elle sera terrible).

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Bon, par contre la victime est quelque peu… différente de l’horrible vieille de Crime et Châtiment.


A cela ajoutons la galerie croquignolette de personnages gravitant autour de lui, galerie toute balzacienne qui ne cherche surtout pas à camoufler les petites verrues de ces bonnes gens empressées de porter au pilori un jeune homme coupable de mener une vie libérée et de s’être tapée une jeune fille libérée (on la soupçonne d’avoir parfois un peu monnayer ses charmes) tranchant impitoyablement avec les rondeurs de leurs bobonnes ou de leur sécheresse d’âme (la femme de Duval est sur ce point exceptionnelle).

Bref aux antipodes des Tontons Flingueurs, le Septième Juré est un petit chef-d’œuvre de film noir de la fin des années 60. Et associé au genre du film de procès, on terminera en ajoutant qu’il est loin d’être ridicule dans ce domaine. Qui dit juré, dit évidemment 12 Homme en colère. On se gardera bien de faire un comparatif qui n’aurait pas de sens tant les deux films sont conçus différemment (avec l’idée du huis clos pour 12 Hommes qui permet d’ajouter en intensité), mais il est savoureux d’avoir en tête la silhouette longiligne et élégante d’Henry Fonda et de la superposer à celle de Blier qui étincelle lui aussi lors des scènes de procès.

L’un est un pur chevalier blanc, l’autre aussi mais parce qu’il est doublé d’un meurtrier. Dans les deux cas, le spectateur porte le même regard fasciné devant leur incarnation humaine faite d’élégance fiévreuse et de grandeur d’âme.


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9/10

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– Enorme photographie de Maurice Fellous.
– Les mesquineries d’une petite ville de province.
– Un Blier impérial.

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– Peut-être une réserve sur le choix de Francis Blanche pour incarner le procureur. Sa bouffonnerie dénote avec l’atmosphère sérieuse. Mais après tout, chez Dostoïevski aussi il y a des bouffons.
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Mar 13 Oct 2015, 17:33

Il est super Francis Blanche pourtant.

Bon, ok, avec sa barbe, sa coiffure et sa pipe, c'était le portrait de mon père... Mais quand même! :D
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mar 13 Oct 2015, 17:39

Encore une comparaison fantasmée, on s'en doute :mrgreen:

Bon, qui est motivé pour poser une cinquième critique ?
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Mar 13 Oct 2015, 17:49

Disons que pour moi Blanche est tellement assimilé aux Barbouzes et aux Tontons que je trouve qu'il tombe ici un peu comme un cheveu dans la soupe. Mais c'est bien qu'il soit là, sans lui et le patron abruti du bistrot, la gravité du film aurait pu devenir pesante. Lautner use en tout cas de ces personnages avec une intelligente parcimonie.
Un paternel sosie de Blanche ? Ça doit être fun de l'avoir en face de soi lors des repas familiaux. :D

@ Mark : poster une critique sur un film déjà critiqué trois fois, j'évite mais là, devant tant de perfection, j'ai craqué. Bref je plussoie : plutôt que de poster bêtement sur le fil "avis de feignasse" (pitié les mecs !), sortez-vous plutôt les doigts du rectum, matez ce film et offrez-lui une critique dithyrambique !
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Alegas » Mar 13 Oct 2015, 17:54

Je me le choppe à l'instant, je le regarderais à l'occasion.

Olrik a écrit:Bref je plussoie : plutôt que de poster bêtement sur le fil "avis de feignasse" (pitié les mecs !), sortez-vous plutôt les doigts du rectum, matez ce film et offrez-lui une critique dithyrambique !


Mais tellement, ça m'énerve un peu de lire des avis rapides ou simplement des bonnes notes et qu'il n'y ait pas de critique derrière. Je pense pas être le seul à faire ça, mais quand j'écris une critique de film, c'est avant tout pour donner envie (ou non) aux autres de le mater aussi.
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Mar 13 Oct 2015, 17:54

Pour les repas, ouais... la tête de Francis Blanche et le tempérament de Gabin, ça déconnait pas trop en fait. :eheh:
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Mark Chopper » Mar 13 Oct 2015, 17:57

Olrik a écrit:Un paternel sosie de Blanche ? Ça doit être fun de l'avoir en face de soi lors des repas familiaux. :D


Fais gaffe : Pabel confond Roy Scheider et Thomas Ian Nicholas. Pire encore : il déteste les boobs de Christina Lindberg :chut:

(Cet homme n'a plus toute sa tête hélas :vieux: )
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar Olrik » Mar 13 Oct 2015, 18:12

@ Pabelbala : putain, je veux bien le croire, surtout s'il dégainait les mêmes mornifles que le Pacha ! L'adolescence a dû être rude !

@ Alegas : Ha Ha ! Comment ?! Deux lignes expédiées pour exécuter un film de troisième division (ou juter sur un chef-d'oeuvre) ne te font pas envie ?! T'es dur ! :D

@ Mark : Ah là, effectivement. Détester les boobs de sainte Christine, la suédoise qui a limite ridiculisé ceux de Reiko Ike dans Sex and Fury, pour le coup, ça mériterait presque une baffe Gabin style. :D
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Re: [Olrik] Mes critiques en 2015

Messagepar pabelbaba » Mar 13 Oct 2015, 18:14

Je rectifie, on ne parle pas de boobs mais de tétons.

Rien à voir. :chut:
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