Les avis de vos dernières lectures

[Mr Jack]

[osorojo]

Tsunami mexicain, Joe R. Lansdale - 7/10

Un poil calé sur les rails des automatismes de la série, à savoir coups du sort en pagaille et résolution à coup de flingues, mais ça reste toujours sympa et surtout le style fluide de Lansdale se boulotte sans forcer. Sa facilité à créer du personnage patibulaire pittoresque rend la lecture toujours enthousiasmante.

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Une mort qui en vaut la peine, Donald Ray Pollock - 8.5/10

Bon ben après Knockemstiff qui m'avait fait forte impression et surtout Le diable tout le temps qui fut une claque terrible, Donald Ray Pollock confirme. Une mort qui en vaut la peine est un sacré bouquin, caractérisé par un style dingue et peuplé d'une galerie de personnages tous aussi soignés par leur auteur. Tout y est sacrément noir, glauque et désespéré, mais curieusement ce sont de belles notes d'espoir qui restent en tête à la fin de la lecture. Quel voyage en tout cas.

[Scalp]

Lansdale j'arrête après 3 tomes, ça tient que sur le duo le reste c'est du serial pas très inspiré.

[osorojo]

T'as essayé Pollock ?

[Scalp]

Yes j'avais lu le Diable. Très bon.

[Mr Jack]

Fini Infinite Jest. Difficile de donner un avis sur un livre pareil. J'en sors comme d'un film de Lynch (MD, Lost Highway), essoufflé par l'expérience, par les histoires dans les histoires dans les histoires, par les réflexions d'une profondeur inégalée. Une réflexion danse sur l'addiction au sens large. Un truc metaphysique un peu fou, un espèce de labyrinthe réflexif. J'ai adoré m'y perdre.

[Waylander]

Lu le roman RAMBO et c'est un chef d'oeuvre. J'adore le film, mais une fois en plein cœur du roman je me suis dit " ah ouais merde ils ont quand même vachement lissé le bouquin". Spilers:

-Rambo est beaucoup moins gentil que dans le film. Il tue PLEINS de flics et des innocents.
-Il est atteint par la guerre du Viet-Nam certes, mais il a des pulsions contradictoires et c'est assez développé sur ce plan (on a ses pensées par moment)
-Le livre est découpé en 3 parties, chacune en chapitres et généralement, chaque chapitre est une alternance entre le point de vue du flic Teasle et Rambo. Sur ce point, les personnages sont donc bien plus approfondis.
- Les personnages sont bien plus ambigus (ex: dans le film j'adore Rambo, dans le roman je préfère de loin Teasle).
- Le roman est aussi bien plus hardcore, très violent, le coté survival est bien plus poussé et la fin est radicale (c'est simple, les deux persos meurent à 3 secondes d'intervalles).
- Le seul truc vraiment absent du roman et culte dans le film : le final entre Rambo et Trautman + le fameux "c'était pas ma guerre". Au-delà de tout ce que je viens de citer, le film est quasi une transposition. Le seul défaut du film à mon sens, c'est de faire de Rambo un héros qui ne bute personne façon Batman, victime des traumas de la guerre alors que le roman est plus subtil que ça, ne serait-ce que parce que Teasle est lui aussi un héros de guerre. Concernant le style, c'est simple, efficace, tout coule et ça se lit super bien.

[Val]

[justify]

Yoga / Emmanuel Carrère (2020)

Un début d'explication sur pourquoi le livre semble aussi bancal dans sa construction.

Peu d'espoir de lire un jour la version "uncut".

[Mark Chopper]

Je me disais bien que la transition abrupte entre la fin du stage de yoga et le début de la dépression était curieuse...

[Mr Jack]

Fini The Pale King, de DFW. Toujours aussi excellent.

"J'ai appris ça dès mes 22 ou 23 ans (...) c'est ce qui m'a donné une longueur d'avance, de comprendre cette vérité à un âge où la plupart des gens commencent à peine à soupçonner les bases de la vie d'adulte -la vie ne vous doit rien ; la souffrance peut prendre une quantité de formes ; personne ne prendra plus jamais soin de vous autant que votre mère ; le coeur humain est un crétin.

J'ai appris que le monde des hommes tel qu'il existe aujourd'hui est une bureaucratie. C'est une vérité criante, bien entendu, même si on peut beaucoup souffrir de l'ignorer.

Mais plus encore, j'ai découvert la véritable aptitude requise pour réussir dans une bureaucratie. Je veux dire réussir pour de vrai : être bon, se distinguer, servir. J'ai découvert la clé. La clé, ce n'est pas l'efficacité, ni la probité, l'intuition ni la sagesse. Ce n'est pas la ruse politique, les aptitudes relationnelles, le QI pur, la loyauté, la vision ou tout autre qualité que le monde bureaucratique nomme vertu qu'il évalue. La clé, c'est une certaine capacité qui sous-tend toutes les autres, un peu comme la capacité de respirer et de pomper du sang sous-tend toute pensée et toute action.

La clé est la capacité à gérer l'ennui. A fonctionner de façon efficace dans un environnement qui exclut le vital et l'humain. Pour ainsi dire à respirer sans air. La clé c'est la capacité innée ou bien conditionnée, à trouver l'autre versant de la routine, du mesquin, de l'insignifiant, du répétitif, de l'inutilement complexe. En un mot, être inennuyable.

C'est la clé de la vie moderne. Si vous êtes immunisé contre l'ennui, absolument rien ne vous sera impossible."

[Mark Chopper]

Gros boulot de l'éditeur sur celui-là, ça n'a pas dû être simple. Dans un registre bien plus facile d'accès, La Pièce de Jonas Karlsson est un excellent roman sur la bureaucratie.

[Mr Jack]

Ouais chapeau pour tout rassembler dans un tout cohérent. J'ai adoré le moment où Wallace te raconte une histoire sans queue ni tête, enchaîne avec un truc sans aucun rapport, où les mots perdent leur sens dans une phrase sans fin. Et chapitre suivant : "ici l'auteur (...) ce livre est vrai, tout ceci est vrai." Du meta provocateur comme j'aime.

Je note pour Karlsson.

[Mark Chopper]

Sérotonine / Michel Houellebecq (2019)

J’ai adoré Houellebecq, de ses débuts jusqu'à La Possibilité d’une île (2005), mais j’avoue avoir lâché l’affaire en 2010 tant La Carte et le territoire m’avait déçu (pour ne pas dire consterné) – on sentait bien que l'auteur, las de ne pas décrocher le Goncourt tant convoité, avait décidé de livrer un roman en mode Canada Dry : du Houellebecq avec filtre en somme, beaucoup trop lisse...

Mais, cette année, j'ai eu envie de rattraper mon retard : après la lecture de Soumission (2015) en janvier dernier, je viens de découvrir Sérotonine (2019). Et si le premier m’a, lui aussi, relativement déçu, tel n’est pas le cas du petit dernier.

Aurélien Bellanger, sur France Culture, avait présenté cet opus à sa sortie comme un remake d’Extension du domaine de la lutte (le premier roman de Houellebecq), et il avait bien évidemment raison : avec cette histoire d’ingénieur agronome dépressif, Houellebecq radote, c'est indéniable, mais au moins il le fait bien...

Certes, il aurait pu nous épargner des provocations faciles (la scène où le héros découvre que sa petite amie japonaise a tourné une vidéo zoophile : non, vraiment, c’est trop, on n’y croit pas et je ne parle pas du personnage de l’allemand ornithologue pédophile), mais ces fautes de goût mises à part, l’auteur n’avait pas été aussi méchamment drôle depuis longtemps (rien que la scène du médecin généraliste qui prescrit littéralement des escorts à son patient dépressif, c’est magique) et tous les passages sur le ‘‘plan social’’ du monde agricole montrent un Houellebecq très inspiré...

Et surtout, surtout, même si on peut lui reprocher sa paresse à force de se répéter (on est loin, pour citer un auteur que j’ai beaucoup lu cette année, d’un Coetzee qui se renouvelle à chaque livre), quel plaisir de se plonger dans un roman si bien écrit qu’on le dévore en deux jours…

Par contre, attention aux dépressifs : je crois que Sérotonine est entré dans le top 3 des romans les plus déprimants de ma vie de lecteur. Le personnage, qui n'a plus goût à la vie, se laisse peu à peu mourir et rencontre, au fil de son errance, les rares personnes qui ont compté pour lui... et toutes et tous, détruits par leurs échecs, peuvent donner envie de se tirer une balle.

[Mark Chopper]

Le Grand Paris / Aurélien Bellanger (2017)

Au cours du premier confinement, j'ai alterné les romans d'Emile Zola et de J.M. Coetzee (et j'ai subi l'interminable Anna Karénine de Tolstoï, vers la fin). Pour le second, si l'on excepte quelques bricoles sans intérêt signées Cécile Coulon et Hiroki Takahashi, j'ai, surtout, relu les trois premiers romans d'Aurélien Bellanger. Val et moi avons souvent parlé de cet auteur, ces dernières années, et ces relectures ont confirmé tout le bien que je pense de lui : malgré certains défauts, qu'il tend à gommer en vieillissant (l'influence houellebecquienne pas tout à fait digérée et une certaine tendance au lyrisme qui peut produire des longueurs), il est pour moi le meilleur jeune auteur français en activité.

Le plus ambitieux, assurément.

Et Le Grand Paris reste, à ce jour, son œuvre la plus aboutie. Synthèse réussie de ses deux premiers romans, La Théorie de l'information et L'Aménagement du territoire, il nous fait suivre comme dans le premier un personnage d'arriviste balzacien (son narrateur, Alexandre Belgrand, a tout d'un Rastignac moderne, provincial monté à Paris pour réussir) et s'intéresse comme dans le second à une ville en pleine mutation, capable de susciter une adoration quasi religieuse.

L'histoire suit donc un jeune étudiant, urbaniste de formation, amené à côtoyer un philosophe influent... Un penseur qui va lui permettre, petit à petit, de se rapprocher d'un candidat à la présidentielle surnommé le Prince (alias Nicolas Sarkozy, jamais nommé... ses monologues dans le roman sont particulièrement savoureux). Une fois admis dans l'entourage du président, il sera amené à concevoir le projet du Grand Paris, véritable révolution urbanistique, et briguera la présidence de l'EPAD (c'est dingue comme cet acronyme est devenu gênant aujourd'hui)...

Contrairement à la plupart des romans français contemporains qui me donnent l'impression d'être des "petites choses" insignifiantes et immédiatement oubliables, simples manifestations d'ego incapables de distinguer le monde au-delà de leur nombril, Bellanger fait revivre à mon sens le grand roman du XIXème...

Il le fait dans un cadre contemporain, en mêlant petite (le parcours de son héros) et grande (la France des années Sarkozy, du temps où il était ministre de l'Intérieur jusqu'à sa chute) Histoire...

Le tout avec une prose qui gagne en puissance livre après livre. Et le mieux, c'est que je le sens capable de faire encore plus fort à l'avenir.

[Val]

Je garde précieusement mon exemplaire dédicacé, avec en prime un croquis du Grand Paris par l'auteur.

Je n'ai toujours pas lu ses deux premiers romans figure toi, mais j'ai un peu peur d'être déçu et de n'y trouver qu'un brouillon des livres suivants (en particulier Le Grand Paris, que je trouve supérieur au Continent de la douceur).