[Dunandan] Mes critiques en 2013

Modérateur: Dunandan

Armée des 12 singes (L') - 9/10

Messagepar Dunandan » Mer 29 Mai 2013, 19:42

L'armée des 12 singes

Réalisé par Terry Gilliam

Avec Bruce Willis, Brad Pitt, Madeleine Stowe, Christopher Plummer, David Morse

Fantastique, USA, 2h09 - 1995

9/10

Résumé :
Nous sommes en l'an 2035. Les quelques milliers d'habitants qui restent sur notre planète sont contraints de vivre sous terre, à la suite d'un virus ayant décimé 99% de la population. Les survivants mettent tous leurs espoirs dans un voyage à travers le temps pour découvrir les causes de la catastrophe et la prévenir. C'est James Cole qui est désigné pour cette mission.

Dans la lignée des autres films de Terry Gilliam, la frontière entre réalité et imaginaire est poreuse. Avec un véritable talent pour l'économie des effets et de l'ellipse utile, il est difficile lors de la première vision de démêler les deux. Les effets spéciaux sont sobres, utilisés seulement pour dépeindre un futur pris de court qui reprend une technologie faite de bric et de broc, laissant la part belle à un scénario extrêmement riche et nuancé. Chacun de ses plis déploie en effet les obsessions du réalisateur, avec une grosse emphase sur le Big brother tout puissant, contrôlant chaque geste de ses cobayes-observateurs, et révélant ainsi une lutte +/- invisible entre minorité et majorité, entre folie et rationalité technocratique.

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Or, par le biais de la SF, c'est notre propre futur qui est interrogé, et la vision qu'il nous est offerte n'est pas rose. Tout ce qu'on voit de lui est une société hiérarchisée proche d'une dictature, à la manière de Brazil, qui envoie des candidats sans leur laisser le moindre choix pour élucider les causes de la propagation virale ayant eu lieu auparavant. Mais il n'est jamais clair si ce futur existe vraiment ou n'est que le produit de l'imagination du personnage principal (Bruce Willis, génial dans la peau de ce protagoniste instable et parfois comme un enfant à la vue de ce monde qu'il redécouvre). Tout le début portant sur l'asile de fous multiplie les pistes dans ce sens, tandis que sa psychiatre (Madeleine Stowe, dans l'un de ses meilleurs rôles) incarne le passage entre rationalité et crédulité. Il rencontre aussi un fou pas si fou, Jeffrey Goines (Brad Pitt, dans un rôle bien disjoncté), qui nous met sur une autre voie que la normalité formatée injectée selon lui par la société de consommation.

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Ainsi du début à la fin, Terry Gilliam compose avec les regards de chacun de ses personnages, tour à tour détenant des morceaux du puzzle final (James est d'ailleurs envoyé pour cela : collecter des indices tel un détective, malmené par les autorités qui réduisent sa prémonition à un pur cas d'étude), ou manipulés par une telle subjectivité. Qui et quoi croire ? D'autant plus qu'une aura paranoïaque plane toujours au-dessus d'eux, par une musique aux assonances troublantes, un cadre souvent fermé (l'asile, l'aéroport, le bidon-ville ...), ou les voix d'outre-tombe non-identifiées. Vient en plus se rajouter une théorie globale du complot, induite par la spécialité du psychiatre (la folie et l'apocalypse) qui expose des coïncidences entre prophéties et catastrophes mondiales, et par le discours excessif mais cohérent de Jeffrey. Plus fort encore, dès le début, il y a cette impression qui réside, à la fois pour le spectateur et les personnages (notamment par le flashback entêtant de James Cole), de voir le même film se dérouler, mais avec des yeux différents : la bobine demeure la même, mais l'intrigue contient tant de pistes différents qui ne sont jamais anodines, que notre propre regard sur le film peut évoluer d'une vision à l'autre.

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Pour terminer, ce film parvient à construire une petite romance maudite entre James et sa psychiatre, qui est la seule éclaircie d'espoir au sein de cette représentation pessimiste d'une modernité non consciente de ses maux (par exemple, la piste animalière, même si elle s'avère être un trompe-l'oeil, avec en prime des piques amusées contre ces révolutionnaires doux-dingues, révèle de manière détournée une tendance fallacieuse de l'homme contre son environnement naturel). Elle fonctionne sur la base de quelques scènes seulement (dans la voiture avec les chansons qui passent à la radio et qu'interprète un James ému, ou après le cinéma où elle se transforme en Grace Kelly), et dans un mouvement de conversion du psychiatre vers James, qui passe elle aussi de l'autre côté (sa rationalité ayant échoué de lui livrer les clés), et laissant donc un peu de crédulité, de folie, mais aussi de l'urgence dans sa perception des choses.

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Bref, Terry Gilliam réalise un grand film de SF avec une économie de moyens impressionnante, en reposant avant tout sur un scénario d'une densité exceptionnelle, qui interroge notre perspective sur la réalité à partir du décalage quasi constant entre micro-détails et évènement global. Sont questionnés également les concepts de libre-arbitre et de cause à effet, de façon un peu différente que Bienvenue à Gattaca qui l'abordait par le biais de l'ADN, alors que l'on passe ici par le voyage temporel et la folie : l'impossibilité paradoxale de changer le futur (car c'est déjà arrivé), et notre incapacité intrinsèque à le changer (car se trouvent en nous les germes de notre propre destruction).

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Avec un scénario labyrinthique qui confine à la folie sur la fin du monde et un casting qui permet d'y croire, Terry Gilliam signe ici l'un de ses chefs-d'oeuvre, et livre un regard pessimiste sur notre réalité.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Dionycos » Mer 29 Mai 2013, 20:19

:super: :super: :super:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Creeps » Mer 29 Mai 2013, 20:54

Bien bien :D
J'aurais été étonné d'autre chose en même temps !
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Dunandan » Jeu 30 Mai 2013, 02:02

BILAN DU MOIS DE MAI :


17 films vus, dont : 11 des Etats-Unis, 3 du Japon, 2 de Chine, 1 de France

TOP :

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BOUSE :

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar angel.heart » Jeu 30 Mai 2013, 11:04

Je me suis refais L'armée des douze singes la semaine dernière et ça claque toujours autant.

Je l'ai même revu à la hausse ( je mets également 9/10 ).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Dunandan » Jeu 30 Mai 2013, 12:07

Je suis bien d'accord, c'est le genre de film qui mûrit à chaque vision :super: (pour la peine j'ai rajouté 2 jolies captures :mrgreen:)
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Monde parfait (Un) - 8,5/10

Messagepar Dunandan » Ven 31 Mai 2013, 22:48

Un monde parfait

Réalisé par Clint Eastwood

Avec Kevin Costner, Clint Eastwood, Laura Dern

Policier, USA, 2h18 - 1993

8.5/10

Résumé :
Texas, 1963. La cavale d'un dangereux voleur récidiviste et de son otage, un jeune témoin de Jehovah qui, le temps de cette folle équipée, va devenir son ami.


Simplement et sans prétention, cette enquête policière aux allures de road movie prend le temps nécessaire pour étoffer ces personnages de manière à éviter toute réduction facile. En arrêtant quasiment le temps, Eastwood retrouve aussi cette beauté du western dont nous y retrouvons la mentalité et les codes, mais où les évadés cherchent moins à fuir qu'à réparer les blessures affectives du passé. Nous retrouvons enfin le souffle humaniste de Clint, qui nous touche au coeur en effleurant la zone grise de Butch par l'entremise de son jeune kidnappé, qui se revoie enfant par ses yeux. Double quête initiatique donc, d'un père qui veut guérir ses démons et d'un fils qui apprend à grandir, voici l'un des plus beaux films du vieux cow-boy.


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Le gros thème du film, on l'apprend un peu du titre, c'est la possibilité d'un "monde parfait". Pure ironie bien sûr. La charpente du film repose sur un trio. D'abord le shérif (Clint Eastwood, qui a toujours une sacrée présence même s'il apparaît plus en retrait), vieux loup dans ses manières, qui se voit imposer une bizarrerie moderne par son service, une caravane bourrée d'instruments de communication qui finit par retarder lourdement son enquête. Se retrouve avec lui une bande d'enquêteurs défendant des points de vues divergents sur l'affaire (plus ou moins radicaux et bureaucratiques, ou ouverts sur la complexité humaine). On apprend ainsi que Butch (impérial Kevin Coster qui joue tout en nuances, avec un petit côté James Stewart) n'a pas eu une vie facile. Son cas est ambigu, laisse entrevoir une enfance difficile, et révèle les carences du système pour limiter les dégâts (le Shérif l'a emprisonné pour un délit mineur et se sent ainsi lié à lui). Enfin, Buzz (le gamin joue vraiment bien, avec un grand naturel et sans sur-jeu malgré tout ce qu'on lui fait subir) est témoin de Jéhovah, alors les jeux et les activités d'enfant, il ne connaît pas trop. Lui aussi vit un peu dans un monde merdique, que le marginal Butch aura tôt fait d'ouvrir en termes de possibilités.

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Très vite la chasse à l'homme passe au second plan, pas très palpitante au fond (hormis une brève altercation entre Butch et les forces de l'ordre, bien ridiculisées au passage), et laisse largement la place à la relation père/fils entre Butch et le gosse qui prend un tour initiatique. La confiance entre eux sonne juste, tour à tour malsaine (quand il laisse le pistolet au gosse, on ne sait pas ce qui va arriver) ou comique (les scènes avec la serveuse ou le zizi, qui ont l'air bêtes comme ça, montrent que Butch le traite comme son égal). Butch met à l'épreuve cette confiance, en révélant parfois l'hypocrisie des uns et des autres, tantôt avec ironie, tantôt en laissant apparaître sa violence contenue face aux différentes autorités paternelles qu'il rencontre (la scène avec les blacks est bien tendue) . L'autre aspect de cette relation porte sur l'apprentissage de la liberté que lui offre Butch de le suivre ou pas. Ce dernier agit comme un père de substitution qui laisse grandir son fils pour qu'il devienne un homme assumant ses actes. Il le pousse aussi à s'amuser en jouant parfois avec les limites (j'adore la petite scène d'Halloween qui montre que chaque enfant y a droit). Ce temps de répit, le shérif et ses acolytes l'ont aussi au milieu de la compagne, goûtant un peu le temps qui passe, à demi résignés par la vélocité de leur proie, mais aussi révoltés contre ces bureaucrates inconscients de la réalité du terrain. C'est devenu rare ce genre de films qui s'autorisent de telles bouffées d'air en laissant vivre leurs personnages, sans presser le rythme, tel un western d'antan.

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Si je n'y vois pas un chef-d'oeuvre (tempo quand même un peu trop lent ; une partie avec les flics trop fonctionnelle, surtout là pour montrer que la justice est souvent biaisée par des intérêts politiques), l'écriture du personnage de Butch est brillante, et sa relation avec le gamin sonne toujours juste, à la fois drôle et émouvante. La personnalité de Butch est vraiment complexe, elle ne se lit pas au premier regard, d'une liberté débridée et amorale, capable d'une confiance authentique, mais aussi de tourner au quart de tour s'il se retrouve face à son trauma infantile. Par ailleurs, si la réalisation est sobre et presque sans musique (c'est surtout un film de personnages et du coup c'est approprié), elle compte de jolies compositions de plan sans esbroufe qui mettent l'emphase sur l'émotion (notamment la première image qui dit tout symboliquement, ou la scène du champ avec le collègue de Butch qui révèle l'ambiguité de ce dernier). Puis si le script est d'une grande simplicité, il est toujours dans le "vrai" dans l'exploration des sentiments. Enfin, le film devient de plus en plus poignant, jusqu'à cette fameuse fin (où les rôles changent, le "bourreau" rencontrant le "coupable", qui devient à son tour une "victime"), nécessaire et ironique, qui retourne toujours autant le coeur, et qui montre que c'est peut-être ce monde qui n'est pas fait pour Butch, finalement incompris dans son être profond. Mais il a pu au moins sauver le gamin de sa fatalité à lui. En tous cas , malgré mes petites réserves, il s'agit bien là de l'un des meilleurs films sur le passage de l'enfance à l'âge adulte et sur la paternité que j'ai vu jusqu'à présent.

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Un road-movie qui sort des sentiers battus, centré sur la relation entre le fugitif et le gosse. A travers le passage à l'âge adulte, Eastwood y traite aussi ses thèmes de la manière humaniste qu'on lui reconnaît : la violence et la justice.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 31 Mai 2013, 22:54

Je suppose que t'as noté Mud sur ta liste? Sinon, t'as vu the Yards? :D
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Dunandan » Ven 31 Mai 2013, 22:56

Pas encore (je manque de temps pour voir tout ce que je voudrais), c'est prévu pour la semaine prochaine :super:

Mud, j'ai entendu que ça ressemblait au Monde parfait ?
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Alegas » Ven 31 Mai 2013, 23:03

Ouais vite fait dans certains thèmes mais le Nichols explose le Eastwood. :mrgreen:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 31 Mai 2013, 23:05

Disons que le thème de l'enfance y est brillamment traité, y a des icônes au casting. On peut les mettre l'un à côté de l'autre sur les étagères.

Alegas, va faire exploser ta note dans ce cas!
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Val » Ven 31 Mai 2013, 23:07

Alegas a écrit:Ouais vite fait dans certains thèmes mais le Nichols explose le Eastwood. :mrgreen:


FAUX !
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Dunandan » Ven 31 Mai 2013, 23:08

Alegas a écrit:Ouais vite fait dans certains thèmes mais le Nichols explose le Eastwood. :mrgreen:


Roh il est très bien le Eastwood, mais c'est vrai que ça reste finalement simple en termes de traitement (je n'ai pas dit simpliste). En tous cas Mud me tente bien vu ce que vous en dites :bluespit:
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Alegas » Ven 31 Mai 2013, 23:30

Non mais il est sympa le Eastwood mais je pige pas qu'on le place au rang de chef-d’œuvre. Mud à la seconde vision ça passera surement à 8 voire plus.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2013

Messagepar Scalp » Ven 31 Mai 2013, 23:32

Je référence pas, la note est merdique.
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