
Kagemusha, Akira Kurosawa (1980)
En dépit de mon affection particulière pour le genre du film de samouraïs, ce Kagemusha m'a globalement laissé de marbre. Il faut reconnaître une qualité évidente : le boulot de titan mis en oeuvre pour les costumes et la reconstitution historique. En effet, de mémoire aucun film couvrant cette époque n'est parvenu à un tel niveau de réalisme. Mais sinon, quel rythme d'escargot! Pourtant l'histoire est simple, le problème étant qu'elle est étirée à l'extrême sur toute la durée du film : un chef de clan qui, pour assurer la réussite de conquête de ce dernier, décide d'engager un double. Des espions vont mettre à l'épreuve cette supercherie, et l'entourage proche également. Se déroulent ainsi autour de cette idée de base, des intrigues de château d'un côté (aussi bien de l'intérieur qu'à l'extérieur avec les ennemis du Seigneur du clan, notamment son fils illégitime, jaloux d'ambition), et de l'autre les troubles identitaires du double. Ce qui pourrait être intéressant si c'était emballé de manière un peu plus folichonne.




Le premier problème et pas des moindres, c'est qu'il est difficile de trouver une motivation solide au personnage principal. Au début, il le fait par obligation, et il est intéressant de voir qu'il joue à un jeu et en fait parfois un peu trop, risquant de briser sa couverture (par exemple, en encourageant de manière enthousiaste ses soldats, et plus généralement en mettant sa bonne humeur et sa spontanéité à contribution de sa composition). Ce sont ces petits moments d'émotion et de respiration qui permettent de s'attacher à lui. Mais ensuite, il se confond avec son rôle sans trop d'explication, et devient beaucoup plus monolithique. Alors il est vrai que cela cadre avec celui qu'il est censé doubler, immuable comme une montagne, mais cinématographiquement, c'est parfois un supplice de voir quelqu'un faire la gueule tout le temps, avec 2-3 mouvements à l'heure (l'émotion fait heureusement parfois mouche à travers ses yeux où on peut lire ses contradictions).


Autre soucis, la mise en scène. C'est presque du théâtre filmé, à savoir statique, cérémonial. Cela sert parfois l'exigence de réalisme de cette époque japonaise où le ritualisme était de rigueur. Mais du coup l'intrigue avance tout doucement, en dépit d'enjeux assez simples, et cela devient vite assommant. Heureusement qu'il y a de magnifiques séquences pour briser un peu la routine, issues soit de la capacité de Kurosawa à tirer le meilleur des environnements naturels, soit de sa passion pour la peinture illustrant ainsi la vision cauchemardesque du personnage principal : ses tourments identitaires (devient-on une simple ombre de celui qu'on incarne ? Une représentation des choses parfois subtilement illustrée par un simple jeu d'ombres), soit l'horreur de la guerre (la dernière séquence est vraiment spéciale et rappelle le pacifisme du cinéaste, car au lieu de montrer directement l'affrontement, on voit seulement les tirs d'arquebuse, le regard effondré du clan qui voit son armée décimée, et la vision d'horreur qui s'affiche comme un tableau de la Renaissance).




Ainsi ce film possède indéniablement des qualités, que ce soit l'esthétique, ou le fond de l'intrigue, développant d'un côté l'histoire d'un souverain respecté et remplacé par un rustre devant apprendre les manières et découvrant naïvement les arcanes du pouvoir, et de l'autre l'observation assidue des faits et gestes de cet usurpateur par des espions qui cherchent à découvrir la vérité sur lui. Encore faut-il subir ce rythme lourd, et surtout cette mise en scène figée, et des acteurs qui font la gueule pendant les 3/4 du temps (surtout passée la première heure et demie où les intermèdes d'émotion et comiques ont presque entièrement disparus). Cela mérite quand même une seconde vision maintenant que je sais à quoi m'en tenir pour me focaliser sur les subtilités d'un film à mi-chemin entre Shakespeare et les expérimentations visuelles du maître. Mais une chose est certaine : je préfère largement le Kurosawa des années 50-70, une parfaite période pour lui à un poil de cul près.








Le premier problème et pas des moindres, c'est qu'il est difficile de trouver une motivation solide au personnage principal. Au début, il le fait par obligation, et il est intéressant de voir qu'il joue à un jeu et en fait parfois un peu trop, risquant de briser sa couverture (par exemple, en encourageant de manière enthousiaste ses soldats, et plus généralement en mettant sa bonne humeur et sa spontanéité à contribution de sa composition). Ce sont ces petits moments d'émotion et de respiration qui permettent de s'attacher à lui. Mais ensuite, il se confond avec son rôle sans trop d'explication, et devient beaucoup plus monolithique. Alors il est vrai que cela cadre avec celui qu'il est censé doubler, immuable comme une montagne, mais cinématographiquement, c'est parfois un supplice de voir quelqu'un faire la gueule tout le temps, avec 2-3 mouvements à l'heure (l'émotion fait heureusement parfois mouche à travers ses yeux où on peut lire ses contradictions).


Autre soucis, la mise en scène. C'est presque du théâtre filmé, à savoir statique, cérémonial. Cela sert parfois l'exigence de réalisme de cette époque japonaise où le ritualisme était de rigueur. Mais du coup l'intrigue avance tout doucement, en dépit d'enjeux assez simples, et cela devient vite assommant. Heureusement qu'il y a de magnifiques séquences pour briser un peu la routine, issues soit de la capacité de Kurosawa à tirer le meilleur des environnements naturels, soit de sa passion pour la peinture illustrant ainsi la vision cauchemardesque du personnage principal : ses tourments identitaires (devient-on une simple ombre de celui qu'on incarne ? Une représentation des choses parfois subtilement illustrée par un simple jeu d'ombres), soit l'horreur de la guerre (la dernière séquence est vraiment spéciale et rappelle le pacifisme du cinéaste, car au lieu de montrer directement l'affrontement, on voit seulement les tirs d'arquebuse, le regard effondré du clan qui voit son armée décimée, et la vision d'horreur qui s'affiche comme un tableau de la Renaissance).




Ainsi ce film possède indéniablement des qualités, que ce soit l'esthétique, ou le fond de l'intrigue, développant d'un côté l'histoire d'un souverain respecté et remplacé par un rustre devant apprendre les manières et découvrant naïvement les arcanes du pouvoir, et de l'autre l'observation assidue des faits et gestes de cet usurpateur par des espions qui cherchent à découvrir la vérité sur lui. Encore faut-il subir ce rythme lourd, et surtout cette mise en scène figée, et des acteurs qui font la gueule pendant les 3/4 du temps (surtout passée la première heure et demie où les intermèdes d'émotion et comiques ont presque entièrement disparus). Cela mérite quand même une seconde vision maintenant que je sais à quoi m'en tenir pour me focaliser sur les subtilités d'un film à mi-chemin entre Shakespeare et les expérimentations visuelles du maître. Mais une chose est certaine : je préfère largement le Kurosawa des années 50-70, une parfaite période pour lui à un poil de cul près.




En dépit de défauts qui plombent le film (rythme lent, peu d'enjeux, mise en scène statique), on peut trouver son compte dans la précision historique, le style visuel, et les intrigues de château développant des thèmes propres au cinéaste (double, guerre, pouvoir).