[Alyosha] Mes critiques en 2014

[Alyosha]

Mes critiques 2014.

"Variété des variétés, tout est variété,
(Surtout les chansons de variétés)
Tout est utile, tout fait ventre
(Surtout ce qui se mange)."

Antonio de Iremia

[Alyosha]

Lone Ranger
Gore Verbinski, 2013 – 8/10

Film caillassé par la critique, désastre financier, Lone Ranger a pourtant une vraie personnalité, des éléments qu’on ne pourrait trouver nulle part ailleurs. Et n’est-ce pas pour cela qu’on regarde et qu’on aime certains films ?

Par exemple, contrairement à la plupart des blockbusters où la violence est édulcorée ou passée hors champ, Lone Ranger a une indéniable noirceur, assumée frontalement, qu’il s’agisse de la violence bestiale du méchant ou du cynisme des financiers auxquels il est allié. Point plus intéressant : cette noirceur est ancrée dans une dimension mythologique. L’indien Tonto (Johnny Depp) voit dans le méchant l’incarnation du Wendigo, une divinité cannibale et dans le héros John Reid dont il fera le justicier masqué du titre, le retour sur terre d’une divinité positive, seule apte à triompher du Wendigo. Cette dimension mythologique a constamment un double visage, à la fois sérieux et complètement décalé, Tonto en particulier étant un personnage ambigu, à la fois ridicule et douloureusement sincère. « Décalé », ai-je écrit et non pas comique ou ridicule. Je m’explique : jamais cette dimension mythologique n’est ridiculisée jusqu’à être sabordée. Même dans les moments où elle semble la plus douteuse, elle maintient tout de même une sensation de vraie étrangeté, qui intrigue. La même atmosphère étrange en fait qui caractériserait les scènes de l’antre de Davy Jones dans le troisième Pirate des Caraïbes.



Lone Ranger est aussi un film profondément jouissif. Et là encore (bis repetita !) n’est-ce pas pour ça aussi qu’on regarde et qu’on aime des films ? Vraie jouissance méta : le film accumule les références westerns mais ce ne sont jamais des clins d’oeil appuyés, des allusions goguenardes ou des coups de coude « tu l’as vue, ma grosse référence ? » Un exemple parmi d’autres : la musique, géniale, se rapproche souvent des thèmes d’Ennio Morricone pour Sergio Leone, sans jamais les reproduire. Quelques notes semblent annoncer le thème de Il était une fois dans l’Ouest mais partent ensuite dans une autre direction. Jouissance enfin du mouvement, de la vitesse, de l’acrobatie. A ce titre, la dernière séquence est dantesque. Le héros saute à cheval de train en train, Tonto tournoie au-dessus des rails. Tout est abracadabrant et assumé comme tel. Tape-à-l’oeil est assumé comme tel. C’est complètement irréaliste, mais on s’en fout. Le cinéma est art, jouissance de la vitesse et du mouvement. En cela aussi, Lone Ranger est formidable.

[Alyosha]

Desperado 2 - Il était une fois au Mexique
Robert Rodriguez, 2003 - 8/10

Johnny Depp est un personnage de cartoon. Robert Rodriguez fait de très beaux posters. C’est un peu court pour une critique : je vais développer un peu.



Johnny Depp est un acteur aux multiples talents, etc. etc. Ce qui frappe dans Il était une fois au Mexique, c’est l’aspect cartoonesque qu’il parvient à revêtir. Tout en gadgets improbables, en pas gracieux presque dansants, en déguisements impromptus, on dirait un looney tune, mais marchant au rythme d’un flegme étrange. Mélancolique et roublard tout à la fois, cynique parfois, croquant les dialogues goguenards, mais pas à pleine dents, plutôt avec une sorte de réserve presque dégoûtée. Johnny Depp est définitivement le meilleur acteur du film, à moins que ce ne soit son personnage, l’agent Sands, qui en soit le héros le plus passionnant.



L’image qui reste à la fin du film, c’est justement celle de l’agent Sands, costumé et ganté de noir, jambes et bras minces bizarrement pliés, deux flammes de sang noir coulant de sous ses lunettes noires, prêt au combat. Tout le film ne semble fait que pour arriver à cette image de poster. C’est grandiose, mais sans la solennité d’un grandiose qui se croirait vraiment grand. C’est comme quand un gamin joue à être un héros. Il se voit immense, d’une classe à couper le souffle. Et en même temps il sait n’être rien de plus qu’un enfant. En ce sens il n’est jamais sérieux et c’est aussi pour cela que son immensité est inattaquable : il n’y a aucune idole à démasquer, aucun orgueil à démanteler. Idem pour Il était une fois au Mexique. L’illusion se sait perpétuellement illusion et c’est pour cela qu’elle est aussi jouissive.

[zack_]

Et bien ça commence bien ici! Aujourd'hui j'ai vu une promo sur un coffret Rodriguez, et finalement tu viens de me faire regretter de ne pas l'avoir pris. Faudra que je me tente sa trilogie, les seuls films non vus dans sa filmo

[francesco34]

Moi j'ai un faible pour les délires de Rodriguez, j'aime assez ce Desperado 2 (celui que je préf de la trilogie).
Sinon bienvenue dans la section critiques Alyosha

[padri18]

Belle critique de Lone Ranger, j'avais trouvé la séance ciné divertissante mais sans plus, néanmoins je pense pas que l'échec au box-office soit justifié.

Pour Desperado 2 par contre, en fait tu parles quasiment pas du film mais de Johnny Depp, ce qui laisse penser... Serais-tu une Johnny Depp Biatch ?

[puta madre]

j'aime assez ce Desperado 2 (celui que je préf de la trilogie).

Vu juste une fois et j'avais aimé le côté gros délire assumé du film, le seul que j'apprécie de cette trilogie.

[Alyosha]

Merci pour vos retours !
Ouaip, comme francesco et puta madre, je trouve aussi que Desperado 2 est plus réussi, plus assumé que Desperado - j'y reviendrai peut-être. (Pour El Mariachi, je ne me prononcerai pas : pas encore vu !)
A padri18 : j'avais pas remarqué, mais c'est vrai que ça tourne pas mal autour de Johnny Depp ! Comme quoi, je suis une biatch qui s'ignore...
Ceci dit, je pense que ce qui est valable pour Depp est valable pour d'autres acteurs, dans d'autres films de Rodriguez. Ce qui guide Planète Terreur, c'est l'image de Rose McDowan en rouge et noire avec sa jambe mitrailleuse. Machete est orienté vers le moment où Michelle Rodriguez va renaître sous les traits d'une walkyrie borgne gainée de cuir. Et le film tout entier naît du visage couturé de Danny Trejo, machettes aux poings (ça fait une image d'accouchement un peu weird, mais j'crois que vous voyez l'idée :P).

[Dunandan]

En gros El Mariachi, c'est Desperado mais en moins bien ... ^^ (c'est un remake à demi assumé).

Pour revenir à Johnny Deep, je crois que l'un de mes rôles préférés, c'est celui de Ed Wood (et le film tout court est très bien).

[Alyosha]

Je prends bonne note de la remarque et de la suggestion ! (Pas encore vu Ed Wood) Merci Dunandan !

[Alyosha]

Faster, Pussycat ! Kill ! Kill !
Russ Meyer, 1965 – 8/10

Punk, survoltage, bruit et fureur. La séquence prégénérique de Faster, Pussycat ! Kill ! Kill !, presque abstraite, est une merveille de montage et un trou noir de nihilisme, à l’image du reste du film. Un monologue sur la violence sur des lignes de lumière tremblantes puis, tout à coup, des corps de filles court vêtues qui s’abattent sur l’écran plutôt qu’elles ne dansent, entrecoupées de visages masculins exprimant grotesquement un instinct bestial : bouches tordues, presque baveuses, et l’un d’eux qui gueule « go baby go ! » C’est ce cri beuglé, superposé à la musique, qui va donner son rythme saccadé à la séquence, jusqu’à ce que tout son soit englouti par le rire bigger than life d’une des trois héroïnes au volant de sa voiture et que le titre du film éclate à l’écran.

Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! nous fera suivre la trajectoire de trois danseuses qui tuent presque sans raison un chauffeur de voiture et enlèvent la fille qui l’accompagne, avant de chercher à se faire oublier dans un ranch, tenu par un vieillard en fauteuil et ses deux fils – un jeune naïf et un colosse demeuré, qui cachent un magot sur lequel les trois walkyries vont chercher à faire main basse.

Faster : vitesse des bagnoles. Pussycat : filles sexy. Kill ! Kill ! violence possiblement putassière. Dans le titre, ça a l’air con comme un levier de vitesse et pourtant, au-delà de toute complaisance, ça effleure des abîmes d’enfer, de dégoût, de noirceur. Le film y gagne une portée presque métaphysique. Dans le néant du désert surgit l’animalité. Pire : la violence et la mesquinerie humaines, sous les yeux impuissants des rares personnages innocents, forcément laissés sur la touche.

Punk, oui.

[zack_]

C'est le topic de la tentation ici! Un Russ Meyer qui me donne envie, vivement les vacances

[puta madre]

Je l'avais vu alors que j'étais assez jeune et j'avais été déçu car je m'attendais à quelque chose plus généreux en boobs (le film étant vendu principalement sur le décolleté de ses actrices). Faudrait que je le revois en l'évaluant avec d'autres critères

[Alyosha]

The informant !
Steven Soderbergh, 2009 – 8/10

Connaissez-vous le Flibidi de Patagonie ? Le Flibidi de Patagonie sort du ventre de sa mère tout recroquevillé dans sa coquille (une carapace faite d’écailles brunes et noires agencées en damier) et il ne bouge pas de ladite coquille pendant les quinze premières années de son existence. (Mes parents m’en ont offert un : eh ben, j’aurais préféré un chat.) Et puis après ces quinze ans de retraite monacale, un beau jour, il se déplie (il ressemble alors à une petite mangouste) et commence à bondir partout dans la maison façon tornade en se figeant parfois brutalement pour fixer un coin de table avec de grands yeux doux et étonnés.

The informant !, c’est pareil. Pendant une bonne partie du film, on suit en s’endormant à moitié une histoire d’entente économique illégale et d’employé qui veut balancer ses patrons. Oui, oui, c’est intéressant. Oui d’accord. Et tout à coup ça devient complètement dingue :

on se rend compte que l’employé est encore plus menteur que ses patrons. Un menteur compulsif en fait, dont les dissimulations sont toujours plus démentes que ce qu’on aurait pu imaginer. Et c’est immensément drôle parce que le menteur en question est un naïf complet, toujours profondément convaincu de son bon droit, de sa bonne foi, voire de son héroïsme.

Dans le rôle principal, Matt Damon est génial (et il a des yeux de Flibidi).

The informant ! fait rire, d’un rire de démence, un peu comme Docteur Folamour quand la mécanique de la guerre froide s’emballe complètement et broie jusqu’au plus puissant des puissants sans que personne n’y puisse rien. Comme en plus ce rire porte sur la folie du système économique actuel, c’est un rire de révolte contre un fatum imposé par certains : un rire libérateur.

[Alyosha]

A Putamadre : J'avais découvert Faster Pussycat, Kill ! Kill ! un peu pour les mêmes raisons :S et c'est ce qui fait un des intérêts du film, je trouve. Il est un peu le contraire de ce qu'on attendrait d'un Russ Meyer : un érotisme non pas fantasque mais morbide ; non pas des héroïnes joyeusement dépoitraillées mais des quasi-vierges guerrières, n'usant de leurs charmes que de manière froidement calculée. Alors j'hésite. C'est peut-être du Russ Meyer pris à contre-jolipied (amis fétichistes, bonsoir). A moins qu'il y ait toujours eu cette dimension morbide même dans les plus débridés des Russ Meyer (je pense à Up / Mega Vixens par exemple).