[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Journal intime - 6,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 07 Oct 2015, 05:30

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L’odyssée de Vespa.

Reprocher à ce film son nombrilisme a quelque chose d’un peu malhonnête tant son titre annonçait la couleur avec la plus grande franchise. Nanni Moretti se filme, parle de lui en voix off et déambule dans Rome sur sa Vespa. C’est souvent assez beau, porté par une B.O. éclectique et de haute volée, et assaisonné de petites séquences insolites qui parviennent à renouveler l’attention, comme la prise à parti du chauffeur au feu rouge, qui semble clairement représenter le spectateur que monopolise le cinéaste, ou le caméo de Jennifer Beals, objet de toutes les convoitises.
L’intérêt du film ne se cantonne pas à cette audace de n’avoir rien à raconter, sinon à livrer, apparemment sans fil conducteur, ses pensées et ses errances. C’est aussi dans cette restitution et dans l’illusion de vérité que se jouent les enjeux de cette entreprise originale : Moretti s’amuse avec nonchalance, et travaille à gommer tout signe d’artificialité dans sa tonalité, cherchant presque l’illusion d’une caméra cachée. Il ne s’agit pas de faire un faux documentaire, mais de permettre à la poésie une irruption plus prégnante, qu’elle soit d’ordre comique ou contemplative : danser dans une boulangerie, interroger des touristes américains sur la suite d’Amour, Gloire & Beauté, ou interrompre sa logorrhée au profit de virées musicales.
Moretti n’épargne personne, et surtout pas lui-même : s’il se permet une vision satirique de la société italienne, notamment dans sa tournée des îles à la recherche d’un havre de travail, il écorche aussi bien le règne de l’enfant roi, la bêtise de la hype que la vanité des intellectuels.
Le projet est original, le ton rafraichissant. Reconnaissons tout de même qu’on sait gré au réalisateur de ne pas excéder les 100 minutes, particulièrement dans la dernière partie consacrée à ses problèmes de santé, règlement de compte assez pénible et sans intérêt, nous laissant sur une note d’ennui et d’indifférence qui gâche quelque peu le plaisir initial qu’on avait pu ressentir.
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De l'autre côté du mur - 7/10

Messagepar Nulladies » Sam 10 Oct 2015, 05:47

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Another brick off the wall.

Comme tout film historique, De l’autre côté du mur doit commencer par opérer un choix : sous quel angle restituer la période qui l’intéresser. Pour évoquer le Berlin de 1975 et le passage d’une mère accompagnée de son enfant de la RDA à l’Ouest, c’est sur les individus que décide de se pencher Christian Schwochow. Rivée à son personnage, la caméra fait dans un premier temps des embardées assez vaines, soulignant avec un peu trop de zèle son désir de s’inscrire dans un regard naturaliste, avant de s’apaiser pour laisser la possibilité à un véritable récit d’émerger.
Son intelligence réside dans la capacité qu’a le réalisateur à concilier fond et forme : dans ce climat paranoïaque de la guerre froide, les exilés de l’Est sont avant tout des espions potentiels, et leur attachement à ce qui fut leur patrie est toujours suspecte. Saturé d’ellipses et de non-dits, le film progresse en nous perdant. Les personnages secondaires comme la principale, subtilement incarnée par Jördis Triebel, sont avant tout opaques : attachés à ce désir d’intégration, déchirés ou mystérieux, on ne sait pendant longtemps déterminer s’ils sont les victimes d’un système ou les pions consentant d’une nébuleuse illisible. C’est là tout le charme vénéneux du film, dans lequel la survie passe par l’exploitation de l’autre ou la défiance, et où le surgissement d’un attachement, d’une complicité semble faire vaciller les individus pour en révéler brièvement les dernières traces d’une humanité abimée par l’Histoire.
Car s’il se pose comme un possible thriller d’espionnage, ménageant la possibilité de twists, De l’autre côté du mur en joue habilement pour désactiver ces pistes au profit d’un regard d’une grande empathie. Ce qui compte, c’est le deuil et la vie, le passé qui ne passe pas, et l’avenir qu’on aimerait voir serein. Le regard d’un enfant et la confiance, après les années de Stasi, qu’on peut éventuellement renouveler. En ce sens, passer de l’autre côté du mur ne se fait pas sans encombre, et c’est cette délivrance, ce délestage des briques traumatiques que restitue ce film délicat et sensible.
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Bombon el perro - 4/10

Messagepar Nulladies » Sam 10 Oct 2015, 05:49

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I wanna kill your dog.

On commence à repérer de loin ces films fleurant bon le fair trade, le Max Havelaar du cinéma indépendant mondialiste. Destinée microscopique d’un individu attachant d’anonymat, références à un paysage économique morose, éloge de l’amitié et de l’humanité cachée dans les petits moments du quotidien, tout est là.
On ne va pas tirer à boulet rouge sur cette recette qui peut souvent fonctionner, d’autant qu’elle ici agrémentée de paysages argentins de toute beauté et que film fait montre d’un réel travail dans sa photographie. Le recours à la caméra à l’épaule peut néanmoins s’avérer irritant, voire injustifié dans ses mouvements erratiques, comme si l’amateurisme du cameraman pouvait garantir la tonalité naturaliste du film, de même que ces gros plans sur les visages font un temps penser que le format du DVD n’a pas respecté celui du film originel.
La première partie du film, avant l’irruption du chien éponyme, est assez pertinente et dresse un portrait touchant du protagoniste. Mais l’évolution du scénario, sorte de Little Miss Sunshine canin, est plutôt lourde, rappelant le récent et très pénible Les merveilles, et la tonalité supposée comique (le chien aura-t-il une libido ?) tombe à plat. Ajoutons à cela une musique envahissante et totalement hors de propos, sorte de sucrerie américaine, et l’ensemble achève de ne pas convaincre.
Voyager, c’est bien. Les paysages exotiques, c’est fascinant. Les petites gens aussi. Mais si l’on veut porter à l’écran une singularité, il est tout à fait contreproductif de prendre pour cela les rails d’un récit éculé et de procédés pathétiques inefficaces.
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Last Action Hero - 9/10

Messagepar Nulladies » Sam 10 Oct 2015, 05:50

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Le testament des blockbusters qu’abusent.

A mesure que les décennies passent et que le monstre Hollywood maintient sa mainmise en dépit des Cassandre/Spielberg, Last Action Hero gagne en ampleur dans sa place unique au sein de l’histoire de cet empire malade.
Bilan amusé et plutôt bienveillant de l’industrie à son sommet, le blockbuster joue la carte de la parodie sur un terrain si glissant qu’il finira par lui être fatal. Autoréférentiel, dans la mise en abyme permanente, le film digère tous les codes, non pas pour les dénoncer, mais pour en révéler la charge émotionnelle et mettre en relief les grosses coutures d’une écriture qui fait de la lourdeur son fonds de commerce. Comme dans Total Recall, (ce qui achève de faire de Schwarzenegger un personnage décidemment bien intéressant), les recettes du divertissement primaire sont explicitées et exploitées, conviant le spectateur à cette place aussi privilégiée qu’ambigue : témoin lucide de la recette éculée qu’on lui sert habituellement et en éprouvant toujours autant de plaisir.
Mc Tiernan est un entertainer hors pair, sans doute l’un des plus grands. De Predator à Die Hard, il a toujours su allier le sens de l’action à une exigence visuelle imparable, et ce n’est pas le regard retors sur les ficelles de son milieu qui va l’en dispenser ici. Poursuites mémorables, explosions à la minute, personnages comme autant de clichés, l’alchimie entre comédie et blockbuster est totale. Le recours aux écrans multiples, les références, le grossissement du trait, l’exploitation du second plan pour surenchérir font de cette machine un petit bijou qui gagne sur tous les plans : dans son efficacité purement cinématographique comme dans l’intelligence de son autocritique. (On remarquera d’ailleurs à plusieurs reprises, au détours de certaines répliques, que l’ennemi chez Mc Tiernan est avant tout l’homme politique : l’homme se prétendant du réel et à son service, et qui est en réalité le plus grand des menteurs…) Le soleil est fixe, les figurantes des canons, la bande son bien grasse, les répliques badass : régression totale, le film s’assume comme le cartoon qu’il cite sans arrêt, notamment dans la place récurrente du logo ACME, et les transgressions constantes de Danny, porte-parole à la fois cynique émerveillé du spectateur consentant.
Last Action Hero est assez inépuisable : relever le nombre de références au catalogue hollywoodien serait un travail de titan , disons simplement qu’il constitue la synthèse parfaite sur le sujet, et se délecte de ses mises en abyme avec une intelligence rare, allant jusqu’à faire du protagoniste du Septième Sceau de Bergman un témoin privilégié du final…
Pour prendre la mesure de la finesse du propos, une séquence mérite d’être distinguée : celle de la prise de pouvoir de Benedict. Alors qu’il prend conscience de la possibilité de voyager entre les univers, il s’adresse directement à la caméra, transgression narrative déjà assez intéressante. Mais si l’on regarde attentivement la scène (entre 1’48 et 1’52) on aperçoit dans le reflet des baies vitrée le caméraman. Erreur laissée volontairement ? Cela semble plus que probable, et ajoute une nouvelle couche à ce savoureux mille-feuille réel/fictionnel. Et Benedict de conclure : “If God was a vilain, he’d be me”



La deuxième partie du film, l’incursion dans le réel, reste un festival de piques au système, dans son versant mercantile : l’avant-première de Jack Slater IV est ainsi l’occasion pour Mc Tiernan d’évoquer le tournage démesuré et le service marketing en roue libre, la criminalité à New York ou la vie monoparentale.

Bide magnifique, chant du cygne, contre-champ cynique, Last Action Hero porte en son titre une prédiction impossible : celle de vouloir tourner une page face à un système qui n’est pas prêt à desserrer la mâchoire, et qui aujourd’hui recycle numériquement à tout va, sans même accorder une once de dérision amusée à ses pratiques mercantiles. Les temps sont tristes.
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Aventures de Robin des Bois (Les) - 9/10

Messagepar Nulladies » Dim 11 Oct 2015, 07:26

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Les sentiers de la sédition.

Qu’est-ce qu’un blockbuster en 1938 ?
C’est cela : un technicolor flamboyant où les costumes rouges et verts claquent à l’écran, où les couchers de soleils sont des tableaux et les biens précieux des riches nantis on l’éclat du péché véniel, ou le vin coule comme du sang et les chiens déchirent les chairs délicates tandis que les gueux crèvent la faim dans les forêts de Sherwood. Bois sous lesquels l’eau scintille, les troncs forment des ponts et les chevaux traversent les rivières en gerbes de lumière au crépuscule.
C’est cela : une gestion des foules à nulle autre pareille, entre banquets grandiloquents, obscènes d’opulence dans les châteaux ou insolents de révolte au grand air, tournois aux centaines de figurant, arbres chargés de rebelles et convois officiels transportant impôts et belle au cœur résistant.
C’est aussi le sens du détail, et l’exploitation du moindre accessoire au service de l’action pure : lames luisantes, tables retournées, chaises renversées, escaliers circulaires, créneaux et corridors, tours escarpées : le décor est un terrain d’aventure, un parcours à obstacles sur lequel va bondir notre héros.
C’est surtout un sens du rythme inégalable : la sédition est ici prise avec le sens profond du carnavalesque : non seulement un renversement des pouvoirs, mais aussi une fête. Lorsqu’on dispose d’un comédien ayant la prodigieuse énergie d’Errol Flynn, impossible de faire autrement : le héros bondissant et pétillant qui deviendra à juste titre un renard chez Disney 35 ans plus tard crève la toile. Quitte à mettre à terre l’ordre établi, autant le faire dans un grand éclat de rire, de l’enrôlement des nouvelles recrues à l’humiliation des ventripotents, de la séduction de Marianne à la provocation du tyran. Robin des bois, c’est l’incarnation de l’insolence, dans ses répliques comme dans sa geste, ouragan qui traverse les salles luxueuses des châteaux et emporte tout sur son passage, dans ses flèches aussi acerbes que son regard, qui signent et revendiquent sa désobéissance civile.
Jovialité, hardiesse, souplesse, malice : Robin des bois est le personnage parfait pour ce film parfait, qui ajoute au savoir-faire et à la beauté visuelle ce petit supplément d’âme qui a toujours, mais rarement, hissé les grandes figures vers l’héroïsme atemporel : le panache.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar maltese » Dim 11 Oct 2015, 13:04

Deux critiques postées en un mois, on sent que tu l'aimes ce film :mrgreen:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Alegas » Dim 11 Oct 2015, 13:06

Et moi comme un con je référence. :mrgreen:

(Fais gaffe Nulladies, tu as fais la même avec De l'autre côté du mur :wink: )
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

The Wachowskis


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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Dim 11 Oct 2015, 19:36

Ah merde, je suis désolé les gars. Erreur de manip par rapport à un bug sur Sens Critique...
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Youth - 4/10

Messagepar Nulladies » Mar 13 Oct 2015, 05:46

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Hospice power

De deux choses l’une : celui qui ne connait pas Sorrentino pourra, un temps, être ébloui par sa maitrise formelle et y voir une voie d’accès à son univers ; celui qui en est familier y trouver une série de tics qui masqueront moins longtemps la naïve vacuité de son ambitieuse entreprise.

C’est, quoi qu’il en soit, par l’emballage qu’on aborde sa nouvelle livraison, parce qu’il nous y force et le revendique. A la furieuse vie nocturne romaine de La Grande Bellezza succède l’univers clos et aseptisé d’un hôtel suisse, occasionnant cadrages au cordeau, éclairages moirés et soleil immaculé dans la pureté alpine. Le contraste saisissant entre cet esthétisme exacerbé et l’affaissement des chairs est l’une des belles problématiques qui ouvrent le récit. Dans les spas, sur les chaises longues, dans les séances de kiné, les peaux flasques sont manipulées, drainées, soignées et hurlent muettement la fragilité humaine face à l’immuable beauté minérale des architectures de luxe.
Sur sa première moitié, Youth ne raconte pas grand-chose, sans pour autant générer de l’ennui. La contemplation mélancolique de ces divers crépuscules, par le biais d’artistes s’accrochant à cette antienne d’une production qui pourrait leur conférer une modeste postérité, occasionne des dialogues désabusés piquants et lucides. Sorrentino leur accole en outre toute une galerie de seconds rôles, de l’équipe de scénaristes à la fille du maestro, en passant par d’autres pensionnaires, soucieux de faire de cet hôtel non un hospice, mais un lieu de vie : le vieux footballeur obèse, la star hollywoodienne, miss univers, des enfants, une masseuse, une probable prostituée…
C’est là que les choses se gâtent. Chacun aura droit à sa carte postale contemplative, chacun viendra, en son temps, débiter son aphorisme sur la vie, la fuite du temps ou l’amour, régler ses comptes et « décaper le glacis de ces lieux enchanteurs ». En plus d’être terriblement laborieux, c’est souvent d’une naïveté confondante, voire d’un mauvais goût assumé : Sorrentino ne cesse de courir après les apogées, à grand renfort de musique, de lévitations ou d’apparitions baroques, de dialogues sous forme de quatre vérités qui s’annulent les uns les autres en un maelstrom d’indifférence. Comme dans La Grande Bellezza, on discerne clairement la méthode de travail du cinéaste, qui accumule les idées visuelles et les intentions scénaristiques puis tente de toutes les faire tenir sur une pièce montée très rapidement indigeste.
Les personnages eux-mêmes ne semblaient pas en demander tant : la retraite, ou l’œuvre testamentaire pouvaient se faire dans le calme. Mais la sollicitation ou les refus du monde extérieur, ces ressorts narratifs éculés, viennent remettre le film sur les rails convenus d’une quête dont l’objectif grossier est celui de la fameuse « closure » : il faut régler, avoir des révélations, prendre des décisions, ranger ses petites affaires, le tout dans un chant lyrique et pathétique flirtant plus qu’à son tour avec la mièvrerie.
Pour un film qui ne cesse de clamer l’ascension vers les cimes (par l’escalade, la lévitation, la danse, le chant, la sagesse…), il est tout de même fortement regrettable de constater que, rattrapé par son sujet sur les ravages de l’âge, il y est avant tout question de débandade.
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Charade - 8/10

Messagepar Nulladies » Mar 13 Oct 2015, 05:48

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Drôles de choix pour une rencontre.

Charade, c’est la nonchalance à son apogée. Un polar qui se met à l’unisson de ses personnages, abordant l’intrigue avec autant d’enthousiasme que de flegme, au point qu’on se nait pas qui du personnage ou du comédien se fait plaisir.
Le pistolet en plastique qui ouvre le film sur Audrey Hepburn annonce clairement la couleur : les fausses pistes vont se multiplier, et l’intrigue retorse va clairement accumuler les cadavres, mais en pyjama, multiplier les courses folles dans le métro et visiter un Paris infesté d’espions à tous les recoins.
Sur un ton très screwball, Charade suit aussi la constitution d’un couple irrésistible, celui de la sémillante Hepburn et du ténor Cary Grant, qui n’a pas besoin de jouer plus que d’habitude vu qu’il change d’identité tous les quarts d’heure, occasionnant une nouvelle première fois à la femme qui le convoite. Les dialogues sont percutants, et l’alchimie entre le vieux beau masquant sa raideur sous un charme ineffable et la jeune trentenaire bondissant avec grâce sur tous les twists est d’une efficacité redoutable.
L’hommage à Hitchcock, que ce soit Vertigo pour le combat sur le toit ou Psychose pour la douche, est constant, et participe de cet état d’esprit général : tout le monde a conscience d’être une référence cinématographique, et joue de ce statut pour nous inviter à une soirée décontractée. La facilité déconcertante avec laquelle tout cela fonctionne fait partie de ce talent propre aux américains, y compris sur nos terres…
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Thor : Le Monde des ténèbres - 3/10

Messagepar Nulladies » Jeu 15 Oct 2015, 05:35

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Hologrammes de finesse dans un monde de brutes.

Thor aura eu ce mérite : commencer par une telle bouse qu’on avait toutes les raisons d’espérer que le deuxième volet serait meilleur.
Et de rentrer dans ce cas rarissime où la note se voit multipliée par trois d’un chapitre à l’autre. Certes, c’était facile, mais tout de même, saluons la performance.
Alors voilà, toute la laideur wagnérienne est au rendez-vous, avec les traditionnelles batailles de notre squad versus portnawak, des cornus, des braises, des cailloux, de l’éther, de l’obscur, de la fin du monde et tout. Sur terre, le même humour périmé, et des répétitions permanentes, « C’est mon choix, j’aime une mortelle mais je peux vivre 5000 ans », « Je suis un méchant dans une cellule dont on va bientôt me libérer avant que je trahisse, en fait non, en fait si », etc, etc.
Reconnaissons que les effets sont un peu moins laids qu’auparavant. Certes, l’ambition de donner un peu d’ampleur à tout ça fait fortement perdre au film toute la singularité qu’il pouvait avoir, mais dans la mesure où il n’en avait aucune jusqu’alors, on l’excuserait presque de pomper à ce point Star Wars, des batailles d’aéronefs aux combats, jusqu’à la main tranchée, il fallait oser tout de même.
Mais il y a une astuce : l’hologramme. Et là, le gimmick des scénaristes en panne est franchement douloureux. Encore plus lourd que les masques de latex dans la saga Mission : Impossible, le coup « mais non en fait c’était pas vraiment moi » nous est resservi tous les quarts d’heure, jusqu’au twist final aussi pesant qu’inutile. Grâce à lui, toutes les scènes un tant soit peu intenses sont désactivées. Mais on le sait, tous ces épisodes sans enjeux dans les arcs généraux du MCU se contrefoutent de leur scénario, inféodé aux effets cataclysmiques. Sur ce terrain, l’idée d’un combat qui passe d’une dimension à l’autre dans des vortex, si elle n’est pas foncièrement novatrice, est plutôt amusante dans ses diverses exploitations.
La CGI atteint de tels degrés de perfection aujourd’hui qu’on parvient à voir si des orfèvres sont à son service. Thor est un mauvais film, à n’en point douter, mais plutôt joliment emballé par endroits.
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Aventures du baron de Münchhausen (Les) - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Jeu 15 Oct 2015, 05:38

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Around the world with a play.

La débâcle de la ville en état de siège qui ouvre la première partie du film semble tristement prophétique quant à la destinée de ce film qui sera l’un des grands échecs de Gilliam : trop cher, trop ambitieux, trop mégalomane, il multiplie les liens d’affects entre le réalisateur et son personnage, baron fantasque privilégiant l’imaginaire sur la raison, la fiction sur le réel.
Alors que ces valeurs étaient dans Brazil, son précédent film, au service d’une dystopie effrayante ou des rêves immatures de son fragile protagoniste, Gilliam s’engouffre ici tête baissée dans la littérature d’aventure, convoquant toutes les figures mythologiques (Vulcain et Venus), bibliques (Jonas et la Baleine) ou littéraires (orientalisme des harems, personnages truculents et rabelaisiens, grotesque lunaire digne des écrits de Cyrano de Bergerac) pour un grand œuvre ancestral et atemporel.
Sorti en 1988, le film est aujourd’hui presque équivalent à ce qu’était Méliès à l’époque, et vers lequel les hommages sont d’ailleurs nombreux. Alors que l’image numérique n’existe pas encore, c’est le règne du bricolage, du carton-pâte, et des maquettes, des décors peints et du latex. Assumée, l’esthétique est en raccord avec la mise en place du récit sur une scène de théâtre qui reproduit dans un premier temps les aventures du Baron, et fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Le résultat est visuellement souvent ébouriffant : on retiendra particulièrement l’apparition d’Uma Thurman en Venus de Botticelli et sa danse en lévitation, ou l’accostage sur la lune où l’océan se transforme en sable noir.
Sur le plan du récit, force est de constater que certaines séquences patinent un peu, et que l’humour conjugal entre Vulcain et sa femme ou le couple royal de la Lune n’est pas toujours du meilleur effet, lourdingue et plombé par des répétitions dispensables, tout comme les blagues potache de bien des personnages secondaires. Le rythme manque d’efficacité et on sent bien par moments l’incapacité du réalisateur à couper trop dans toute la riche matière qu’il a eu tant de mal à filmer. Mais la sincérité l’emporte la plupart du temps, et cette apologie du récit qui finit par sauver les auditeurs est touchante de la part d’un des grands artisans, savant fou du septième art qui a depuis (qu’on pense à Zero Theorem) à peu près tout perdu : la crédibilité, l’imaginaire et peut-être le talent, en tout cas les illusions.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar elpingos » Jeu 15 Oct 2015, 10:51

Ha ben, le Baron, c'est aussi un film pour gamins qui parle de sujets graves.
Et l'aspect bricolé fait malgré tout des merveilles : pour l'époque c'était quand même assez impressionnant ...
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Sam 17 Oct 2015, 06:54

elpingos a écrit:Ha ben, le Baron, c'est aussi un film pour gamins qui parle de sujets graves.
Et l'aspect bricolé fait malgré tout des merveilles : pour l'époque c'était quand même assez impressionnant ...


Ha ben, je suis entièrement d'accord.
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Mary et Max - 9/10

Messagepar Nulladies » Sam 17 Oct 2015, 06:54

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Au loin s’en vont les messages

Un film d’animation en stop motion, quasiment noir et blanc et saturé d’anti-héros à qui il n’arrive rien, si ce ne sont les brimades quotidiennes subies par les exclus : charmant programme, et matrice d’un chef d’œuvre.

Soit deux personnages, un juif new-yorkais obèse de 40 ans atteint du syndrome d’Asperger, et une fillette australienne coincée entre sa mère alcoolique et les humiliations de la cour de récréation. Le hasard initial d’une correspondance va mettre en place un échange épistolaire sur 20 ans, matrice géniale pour croquer le portrait vibrant de deux solitudes. Car l’écriture, restituée en voix off, va priver les personnages de dialogues directs et instaurer une double dynamique, graphique et textuelle. Leur confession pose les mots sur un univers restreint, où chaque objet prend une valeur affective, d’un show télé à l’importance démesurée accordée à la nourriture, substituts au désert social. Les mots sont définis, voire réinventés, de façon à dessiner les traits d’un univers généralement muet, dont le spectateur devient le témoin privilégié et ému. Mary et Max s’épanchent, et diffusent d’un continent à l’autre le chant de tristesses qui se transforme en un duo progressivement moins sombre. Graphiquement, l’image prend le relai, d’un pompon rouge venant égayer une chambre sinistre à un regard en surplomb sur la ville, dans une animation superbe où la pâte à modeler restitue à merveille toutes les inflexions de ces sensibilités à fleur de peau. La séquence de la tentative de suicide, ballet macabre et lyrique, est ainsi un des sommets du film.
Au sein de cette noirceur, au gré de ces fréquentes ruptures occasionnées par les crises de l’un ou les déconvenues de l’autre, la poésie s’installe. Il n’y aura point de magie, point de happy end, et la fuite des années n’enclenchera pas nécessairement la maturation ou l’amélioration. Les silences s’installeront, l’absence aura sa part dans cet échange chaotique. C’est précisément dans cette lucidité que se loge la dimension bouleversante de Mary & Max : une empathie pudique, qui prend à bras le corps la vie dans ce qu’elle peut avoir de plus cruel, et la scrute jusqu’à en déceler quelques fragiles étincelles. En dépit de la maladie, des maladresses, de la triste et fatale répétition des mêmes faiblesses, l’homme est un individu qui parle. Et c’est du partage que surgit la couleur, que s’ébauche un lien ténu avec la vie, celle des autres, aussi brisées soient-elles.

Mary et Max restitue cette évidence, avec une pudeur et un sens visuel d’une rare pertinence, et s’inscrit d’emblée parmi les films d’animation indispensables.
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