par Val » Jeu 14 Nov 2019, 13:50
Je ne souhaitais pas participer à ce débat mais, agacé par les nombreuses idioties que j'ai pu lire ici et ailleurs, j'ai finalement choisi de donner mon sentiment sur tout ça. Ce sera ma dernière intervention sur le sujet, rabâché à de nombreuses reprises depuis des années.
En préambule, il convient de rappeler qu'une opinion est par essence personnelle et que je n'ai jamais le certitude de ce que j'avance. Au contraire, je suis justement en permanence dans le doute et c'est pourquoi je peux parfois sembler cassant envers ceux qui apparaissent perclus de certitudes sur le bien, le mal et tout le reste.
Les nouvelles accusations envers Roman Polanski sont extrêmement graves. Si les faits sont exacts, cela est effectivement épouvantable et impardonnable. Je ne suis pas naïf et je sais qu'un des gros problèmes de notre société est le peu de crédit que l'on accorde à la parole des femmes en général et que celles-ci, lorsqu'elles osent enfin parler des violences auxquelles elles ont été amenées à faire face, se heurtent à mur (entourage, amis, policiers,...) qui renforce encore plus les traumatismes. Que la société s'interroge sur la manière de mieux prendre en compte la parole des femmes et de leur offrir les moyens d'obtenir la reconnaissance puis la réparation de leurs préjudices est salvateur et d'une importance capitale.
Toutefois, et même si cela est dramatique pour les femmes réellement victime d'actes odieux, nous sommes dans cette affaire dans une classique histoire de "parole contre parole". Oui, cela dérange peut-être certains mais il n'y a aucun moyen de savoir qui dit vrai. En l'espèce, j'ai la faiblesse de croire encore dans les fondements de ce que l'on appel un Etat de droit. Si il faut choisir entre la parole des femmes et le respect de la présomption d'innocence, je choisis la seconde option sans la moindre seconde d'hésitation. Cela permettra peut-être à quelques salauds de s'en sortir indemne, mais je crois viscéralement à l'importance d'un tel concept dans une société libre telle que nous le concevons depuis plus de deux siècles. Je n'ai aucun élément me permettant d'affirmer que Polanski est effectivement coupable (il y a certes des témoignages l'accusant, mais il y aussi énormément de témoignages attestant de la nature courtoise et respectueuse du cinéaste).
Ensuite, et je vais pour le coup me mouiller un peu en donnant mon opinion qui, par essence, est personnelle et sujette à débat. J'ai la faiblesse de croire qu'un grand artiste injecte de sa personnalité dans son oeuvre, qu'a travers la fréquentation de son travail, on peut percevoir un peu de ce qui constitue l'humanité de cet artiste. Il est vrai que je suis depuis mon adolescence et la découverte tétanisante du Locataire, un fervent admirateur du cinéma de Polanski. Et je reconnais ne pas réussir à croire qu'un homme ayant produit une telle oeuvre puisse à ce point dissimuler une telle nature. Que celui dont l'oeuvre met en scène des portraits de femmes magnifiques et évoque en permanence comment le monde et la société détruisent les individus soit coupables de telles atrocités me semble fou.
Si toutefois on m'apportait la preuve irréfutable qu'il est bien l'auteur des actes ignobles dont on l'accuse, je serais profondément choqué, comme si un ami m'avait trahi. Cela peut sembler idiot mais je le crois profondément. Mais, encore une fois, je ne nierai jamais l'évidence si cette évidence était justement établie.
Cet argument est effectivement basé que sur du ressenti et n'est sans doute pas très concluant. On peut le renverser facilement et ne pas le partager. Il a au moins le mérite de s'appuyer sur quelque chose (une oeuvre) plutôt que les gens qui ont décidé que Polanski était coupable sans le moindre début de commencement de preuve.
Ensuite, si l'on accepte que Polanski soit coupable (pour faire plaisir à ceux qui le condamnent déjà) : en quoi boycotter J'accuse rendra justice à la femme qui aurait été victime il y a 45 ans ? On voit bien que l'on est face à quelque chose de politique plus que dans une affaire de justice.
Je crois que la société dans son ensemble se sent tellement coupable d'avoir laissé faire des choses ignobles aux femmes pendant des décennies qu'elle est prête à tout pour se trouver des victimes expiatoires, des bouc émissaires au sens de René Girard. C'est comme l'affaire Woody Allen : le cinéaste a été innocenté par la justice il y a plus de 20 ans et, lorsque l'on s'intéresse un peu à l'affaire, on se rend évidemment compte que les accusations sont grotesques. Mais le mal est fait : les gens veulent un coupable et, quand bien même l'innocence a été prouvée, personne n'en tient compte et Woody Allen continue d'être présumé coupable.
Quand à la vieille rengaine antisémite du "on le protège", cela est évidemment faux.
Pour ce qui est des femmes victimes, pas de bol Logan, je connais justement une femme qui a été violé (sans vouloir tombé dans les concours obscènes de qui connaît le plus de victime) et elle est la première à qualifier notre époque d'idiote avec ses chasses aux sorcières.
Enfin, sur une note plus personnelle, je sais très bien pour l'avoir vécu ce qu'est une agression psychologie et physique. Je sais aussi ce que ça fait d'être accusé à tort (de choses nettement moins grave, hein) et de ne pas pouvoir se défendre face à des gens qui ont décidé à l'avance de votre culpabilité. Je sais aussi la diffiiculté qu'il y a parler de ce que l'on a vécu, de la peur de la réaction des autres, du fait que l'on ne sera pas cru, qu'il y aura toujours une petite musique genre "il est sans doute un peu responsable, pas de fumée sans feu",... Donc je ne prends pas ces sujets à la légère.