Memories Of Murder de Bong Joon-Ho
(2003)
Pas revu depuis cinq ans et je revois le film clairement à la hausse. Troisième film sud-coréen que je découvrais (avec
Old Boy et
The Host) et j'avais été assez décontenancé à l'époque étant donné que je m'attendais à un film de serial-killer. Le revoir à nouveau me permet donc de remettre les points sur les i,
Memories Of Murder étant tout simplement l'un des chef d’œuvre du cinéma coréen en plus d'être l'un des meilleurs films de serial-killer jamais réalisés, au même titre qu'un film comme Se7en. Ce qui fait la force du film de Bong Joon-Ho, c'est bien entendu sa volonté d'offrir au spectateur quelque chose de jamais vu. Ainsi, en plus d'être un mélange pour le moins étonnant de drame profond et de comédie hilarante (de loin la grande force du métrage et particulièrement caractéristique du cinéma de son auteur),
Memories Of Murder est avant tout un film sur l'échec, l'échec d'une enquête qui n'aboutira jamais (le film retrace l'histoire vraie de la première apparition d'un serial-killer en Corée du Sud qui ne sera jamais capturé) mais aussi et surtout l'échec de la volonté de deux hommes que tout oppose mais qui devront s'entraider dans un but commun. Ainsi, via une fausse piste qui renforcera la surprise du métrage (pendant un bon tiers, on s'attend vraiment à se retrouver devant un complexe rat des villes/rat des champs, cela est même directement cité dans un dialogue du film), Bong Joon-Ho offre au spectateur un film au script incroyablement dense, beaucoup plus intelligent qu'il n'y paraît, que ce soit sur le fond ou sur la forme. En plus d'être un film d'enquête,
Memories Of Murder est avant tout une peinture sociale de la Corée du Sud dans la seconde moitié du 20ème siècle. Séoul, symbole de la modernité au sein du pays, n'est jamais montrée et se contente d'être cité au profit du paysage rural coréen. Difficile de ne pas être touché devant ce portrait d'un pays souffrant d'un mal-être constant (c'est clairement encore le cas aujourd'hui) et qui subissait à l'époque des changements fondamentaux, passant d'un petit pays du tiers-monde à l'une des patries les plus importantes de l'Asie orientale.
Ainsi,
Memories Of Murder est avant tout un film fait de frustration, que ce soit pour le spectateur (qui n'aura jamais la certitude de l'identité du tueur) ou pour les personnages. En confrontant un flic aux méthodes pour le moins particulières (créant les faux-coupables et les fausses preuves pour faire croire à l'efficacité de la police locale) et un jeune inspecteur représentant l'idéal du futur coréen (utilisant les techniques occidentales et se référant à la justice pure), le film propose une opposition certaine qui fait la force du métrage puisqu'elle finira par se confondre au fil du temps, atteignant une apothéose dramatique dans un climax final qui en surprendra plus d'un. Sur la forme, le film est aussi une accumulation de contradictions, opposant des scènes volontairement comiques (la storyline du sans-poils) à des séquences de tension jouissant d'une maîtrise technique irréprochable (la scène de la jeune fille devant les champs en pleine nuit aurait clairement de quoi être étudiée dans les cours de cinéma). Sans atteindre la perfection et l'inventivité technique de son confrère Park Chan-Wook (même si l'on retrouve cette même volonté d'étirer le temps par les plans fixes, et puis il faut voir ces travellings latéraux géniaux), Bong Joon-Ho se révèle être l'un des réalisateurs à suivre de la nouvelle vague coréenne, notamment via son style unique de raconter ses histoires et surtout sa volonté de proposer quelque chose d'unique dans le cinéma mondial (
Memories Of Murder ou
The Host sont vraiment des films uniques dans leur genre). Un très grand film, ni plus ni moins.
NOTE : 9/10