[oso] Bafouilles confuses, 2022

[osorojo]

Saïgon - L'enfer pour deux flics

Film de Christopher Crowe · 1 h 42 min · 25 mai 1988 — 7/10

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

Pfiou, je ne m'attendais pas à un film aussi désespéré, et surtout à une proposition visuelle si soignée. Malgré son script un peu lambinant qui ne sait parfois pas trop sur quel pied danser, Saïgon [...] est une bobine surprenante qui marque par l'aisance avec laquelle la caméra de Christopher Crowe dépeint l'enfer d'un Vietnam versatile où l'on fait peu cas de la vie humaine : sur le front, les corps tombent comme des dominos, mais en pleine ville également, et peu importe qu'il s'agisse de locaux ou des ressortissants de l'oncle Sam qui, au passage, sont sacrément écornés par un script qui les met rarement en valeur. C'est d'ailleurs la belle surprise du film, son audace de faire de l'état major américain un vivier de suspects dans une histoire de meurtres on ne peut plus sordide.

Heureusement, l'espère humaine trouve en Willem Dafoe et Gregory Hines une fine possibilité de rédemption. Les deux acteurs livrent une partition à mon sens très réussie, consistant en une classe cool flirtant avec la folie pour le second, son acolyte se charge lui de composer la facette plus pragmatique de l'enquête. Sans atteindre l'alchimie qui ferait du film un véritable buddy movie, leur duo est suffisant pour permettre au spectateur de naviguer de manière trépidante dans un Vietnam poisseux en multipliant les points de vue à l'occasion de multiples rencontres, la plus marquante prenant sans aucun doute place dans un hélicoptère en vitesse stationnaire : scène mémorable qu'il est impossible de ne pas évoquer dans une bafouille sur le film, et c'est bien normal tant elle ne sort de nulle part et pourtant fait curieusement sens.

Dommage que l'enquête en tant que telle s'avère être passablement bancale et que sa résolution sans surprise soit si faiblarde, parce que le contexte du film est une belle réussite, ainsi que sa mise en scène : nombreuses sont les séquences qui restent en rétine. Du coup, selon ce que vous y chercherez, un film d'enquête ou plus généralement son ambiance volatile, vous y trouverez plus ou moins votre compte.

[pabelbaba]

Ouais, la scène avec Scott Glenn vaut à elle seule le visionnage.

[osorojo]

Light Sleeper

Film de Paul Schrader · 1 h 43 min · 17 mars 1993 — 7.5/10

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

Sous ses airs de néo-noir dépressif Light Sleeper déroule une réflexion touchante sur l'insaisissable inconnue qui fout inévitablement la pagaille dans l'infernale équation de nos vies. Peu importe que vous soyez du genre prévoyant, laxiste, bonne pâte, vil pêcheur ou plus réservé, le sort saura se jouer de vous comme de John LaTour, incarné par un Willem Dafoe précis, ex-junkie/dealer bien décidé à rester sur les rails pour recoller avec son amour de toujours que l'addiction a éloigné de lui.

Performance au cordeau pour l'acteur, marquant aussi bien par son physique ascétique, dont les muscles secs et saillants semblent converser alors même que leur porteur ne communique plus, que par l'apathie touchante avec laquelle il ne rend jamais les coups qu'il prend, jusqu'à un point de non retour attendu qui laisse toutefois pensif alors que le générique déroule.

Light Sleeper est une bobine aussi nonchalante que son protagoniste, qui monte tranquillement dans les tours sans que l'on s'en aperçoive et laisse ses personnages faire leur travail, à savoir celui de construire une tranche de vie dépressive qui sait toutefois cultiver l'espoir quand bien même il semble désespérément absent du cadre.

Par des jeux de caméra intelligents associés à une science de l'épure qui sied au film, Paul Schrader construit des interactions qui ne manquent jamais d'intérêt, à l'image de la relation en constante mutation qui lie LaTour à sa patronne (Susan Sarandon pétillante, en plein défilé de mode, totalement déphasée avec la direction artistique plus triste qui caractérise le film).
De même qu'en quelques séquences — la première étant une première réunion dans un taxi, et leur apothéose une passion furtive dans une chambre d'hôtel qui offre aux deux âmes perdues un moment hors du temps —, Paul Schrader en dit beaucoup, presque tout même, de la relation qui lie John LaTour à Marianne, son ex-femme, muse insaisissable sur laquelle le sort, toujours lui, s'acharne.

Quant à la fin, je ne sais pas trop quoi en penser, sinon qu'elle a le mérite de ne pas marteler à nouveau un message qui a fait son chemin. Light Sleeper est un petit film un peu déroutant, qui ne provoque ni écarquillement d'yeux, ni émotion démesurée. Et pourtant, il semble juste, mesuré et surtout taillé pour laisser s'exprimer tout le potentiel de Willem Dafoe. Pour ma part, j'ai apprécié la contemplation.

[osorojo]

4h44 Dernier jour sur terre

Film de Abel Ferrara · 1 h 25 min · 19 décembre 2012 — 5/10

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

J'aime pourtant beaucoup le pitch de départ : à 4h44 du matin, la terre disparaîtra de l'univers. Cisco — WIllem Dafoe dans ses standards—, choisit de passer ses derniers moments avec sa compagne, Skye — fragile Shanyn Leigh — en vaquant plus ou moins à ses habituelles occupations, essayant de profiter du moment présent sans trop lui accorder d'importance. Mais au fur que la journée avance, certains démons refont surface, des tentations éteintes qui posent question : si tout est néant demain, à quoi bon se raisonner aujourd'hui.

Pour répondre à cette interrogation, certaines séquences sont intéressantes mais elles se terminent, à l'image du film dans son ensemble, trop prématurément, sans avoir eu l'opportunité d'exprimer les idées qui ont pourtant motivé leur écriture. Abel Ferrara donne l'impression de simplement survoler son sujet en amorçant des passages sympas sans aller plus loin. Sa volonté de brosser différents comportements possibles dans ce contexte de fin du monde est bien là, mais un cruel manque d'idée pour mouvoir les deux protagonistes et leur entourage se fait sentir lorsque l'hystérie se joint à la répétition des jeux intimes que partagent deux corps qui se réconfortent.

J'ai personnellement fini le film passablement éteint, sans réelle émotion.

[Mark Chopper]

Light Sleeper c'est vraiment une bonne découverte. Le chaînon manquant entre Taxi Driver et A tombeau ouvert, tout en spleen urbain.

Cette vision de New York nocturne et encore cradingue

[osorojo]

Clairement, et surtout, c'est un film qui n'en fait pas trop. Ce côté sordide est finalement contenu, suffisamment marqué pour faire son petit effet, mais stoppé à temps pour ne pas sembler exagéré. Une réussite d'ambiance ce petit film.

[Alegas]

Aux cœurs des ténèbres
Hearts of Darkness: A Filmmaker's Apocalypse

Documentaire de Eleanor Coppola, Fax Bahr et George Hickenlooper · 1 h 36 min · 1992 — 7/10

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

Sentiment étrange au sortir de ce documentaire qui m'a fait l'effet quelque part d'être une espèce d'allégorie à la gloire de Coppola et sa folie, signée par la main de sa propre femme que l'on découvre aussi dingue et jusqu'au boutiste que lui (il faut voir son sourire quasi pervers se dessiner sur son visage quand elle se remémore des moments complètement barges en assumant tout à fait que ça l'excitait méchamment).

D'un côté, j'ai apprécié le voyage, mené par la volonté d'Eleanor Coppola de ne pas travestir les travers de son mari qui est du genre à ne rien lâcher quand il a une idée derrière la tête (cf l'épisode du malaise cardiaque de Charlie Sheen). La démesure du tournage, la manière dont le maestro doute de lui en permanence, l'organisation chaotique derrière les plus belles scènes du film, la collaboration burlesque avec les forces armées des Philippines (dont Coppola utilisait les helicos / pilotes en fonction de leurs disponibilités), tout ça fait qu'on écarquille les yeux toutes les 5 minutes. Et puis quand on est fan d'un film, un making-of aussi riche est une friandise que l'on gobe goulument.

Et pourtant, de l'autre, je n'ai pas pu m'empêcher de rester en retrait, de me demander constamment ce qui justifie de consentir à autant de sacrifices, et de pester machinalement devant ce rouleau compresseur américain qui se régale des populations locales qu'il peut se permettre d'embaucher par centaine pour le même prix que ce qu'un travailleur lui aurait coûté sur les terres de l'oncle Sam.

De quoi me sentir un peu gêné d'adorer le film, une péloche certes dingue, mais dont je ne cesse de me demander si elle méritait autant de souffrance, surtout qu'on ne nous relate que celle des privilégiés de l'histoire...

[Mark Chopper]

Mais est ce que Duvall apparaît dans le doc ?

[osorojo]

Sans doute plus que certains caméos foireux qui ont été validax mais c'est pas très important ^^ (il est jeune, ça fait drôle)

[pabelbaba]

[osorojo]

Goldfinger

Film de Guy Hamilton · 1 h 50 min · 1965 · 3/10

♦ ♦ ♦ ♦ ♦ ♦

Découverte de ce qui est généralement cité comme l'un des Bond qui vaut le plus le coup d'oeil, et puis avec l'ami Sean au générique dont j'apprécie le côté bonhomme, je me suis dit banco, c'est l'occase de me faire une petite session rigolote. Ben mauvaise inspiration tant j'ai trouvé le film exécrable à tous les niveaux ou presque. En effet, si l'on excepte son idée amusante qui consiste à faussement s'emparer de Fort Knox et la décontraction insolente de maestro Ramirez, c'est la dégringolade vers la pire de ce que peut produire le cinéma : la mise en scène est poussive, les dialogues débilos, les seconds rôles exécrables et surtout le script est ampoulé au possible...

Quand l'agent Bond ne fait pas bouffer des couleuvres à tout le monde, il se met au services d'idées laborieuses, pour rester gentil : la partie de Golf est longuette et banale, la scène de Poker au début mal exploitée pour rester gentil, l'apothéose étant au choix la baston avec la force de la nature coréenne ou la partie de judo avec Pussy Galore... je passe sur le pseudonyme d'anthologie, parce que cette scène là il faut la voir pour le croire, à base de roulades débiles dans le foin, putain on m'aura tout fait dans ce film pitoyable

Tout ça combiné à mon impatience légendaire, ce fut douloureux. Sans compter, au passage, qu'il y a quand même un sacré problème dans ce film concernant l'image de la femme qui y est dépeinte. Je ne suis pourtant pas sans reproche à ce niveau-là habituellement, disons que j'arrive aisément à séparer la note d'intention de divertissement de la bonne morale, mais là c'est trop... vraiment trop.

Je ne suis pas un gros fan de James Bond en général, mais c'est de loin le pire film de la franchise que j'ai pu voir jusqu'ici, et je n'ai aucune envie, du coup, d'essayer ses autres représentants historiques, pourtant globalement plébiscités par les fans.

Gasp, la douche froide et je pèse mes mots.
Même la musique a fini par me casser les no*x, c'est dire.

[Scalp]

Le seul bon Connery c'est Bons Baisers de Russie, les autres c'est clairement bof.

[Alegas]

[osorojo]

Une chose est sûre, j'aurais mieux fait de revoir Highlander, au moins ça m'aurait rappelé des souvenirs et je me serais bien marré.

Pour les Connery@Bond, je lâche l'affaire, c'est pas pour moi. J'en aurais vu un, j'pourrais faire le relou à la pause café à l'occase.

[Alegas]

Disons que si tu fais la tronche sur celui-là qui est pourtant le Bond le plus représentatif de la formule de l'époque, y'a vraiment peu de chances que tu apprécies le reste, en effet.