[Dunandan] Mes critiques en 2012

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 25 Mar 2012, 15:29

Non mais des fois je l'ai vu tôt exprès celui-là :mrgreen:

Après coup j'ai regardé sur des forums, et effectivement il y a deux modèles de réception : soit t'acceptes le rythme tout mou comme une qualité, soit tu trouves que le film aurait pu être abrégé de trois quarts d'heures (comme moi) ...

Et puis il y a des raccourcis énormes dont j'ai oublié de parler, enfin tu verras, tu pourras peut-être aimer la film, qui c'est ...
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Dim 25 Mar 2012, 15:31

Faut que je pense à le mater, histoire de finir les Gosha ( j'ai bientôt vu toute sa filmo )
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 25 Mar 2012, 15:35

Par contre, je te préviens, le master n'est pas fameux, et la bande-son comporte des bruits.
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Kingdom of heaven (Directors Cut) - 10/10

Messagepar Dunandan » Dim 25 Mar 2012, 21:04

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Kingdom for Heaven, Ridley Scott (2005)


Si le montage présenté au cinéma s'avérait décevant, cette version longue proposant 40 min de plus qui efface de nombreux défauts de cette première version. D'abord l'histoire s'avère bien plus fouillée et moins cut, rendant par exemple plus acceptable l'évolution fulgurante du chevalier-forgeron (je pense notamment au maniement des armes). D'autre part, l'expérience sensorielle est sublimée avec des enchaînements plus fluides et de magnifiques nouveaux morceaux. Cette nouvelle monture permet donc de composer les défauts de cette fresque épique propres aux gros blockbusters : dialogues sur-lignés un peu lourds et un Orlando Bloom transparent.

Kingdom of Heaven, comme ce fut le cas dans Gladiator (du même réalisateur), nous propose un cadre historique posé d'emblée, simple mais efficace. Tout de suite, on comprend le contexte général, le fil directeur du film, sans même avoir étudier l'histoire. Il s'agit à la fois d'une force et d'une faiblesse : sans rentrer dans les détails, on peut se rendre compte que l'Histoire a été simplifiée, avec des traits grossis, des stéréotypes. Mais ça fonctionne, car malgré les raccourcis et les anachronismes de toutes sortes, le réalisateur ne prend jamais le spectateur pour un con. Il fait le parfait mixte entre divertissement général et message à passer.

Ainsi, nous retrouvons un visage de la chrétienté à l'ère des croisades assez haut en couleurs, contrasté mais avec seulement trois variantes principales. D'abord les mauvais, avec un prêtre voleur et menteur, un autre homme d'Eglise opportuniste et cherchant à éviter le martyr quitte à sacrifier des innocents, et enfin des chevaliers-templiers tuant au nom de Dieu, se cachant derrière pour satisfaire une joie primaire et barbare. Du côté des bons, nous découvrons un fossoyeur qui agira contre sa propre réputation, le Roi de Jérusalem prônant comme son adversaire un message de paix et de tolérance, le chevalier-forgeron qui semble absorber les bonnes "expériences des autres" à partir du dicton selon lequel il doit s'améliorer pour améliorer le sort du monde (Par exemple : Jérusalem = Royaume de la conscience, idée venant de son père ; nous sommes ce que nous faisons, ...), bref il est le chevalier blanc, parfait contre-point du chef des Templiers. La princesse, personnage semblant sortie tout droit des contes des Mille et une nuits au charisme extraordinaire, se situe selon moi un peu à mi-chemin : étant une femme, elle doit agir en fonction des circonstances pour le bien de son peuple et de son fils, exactement comme la fille de l'Empereur dans Gladiator. Il ne faut pas oublier les autres chevaliers accompagnant le chevalier-forgeron jusqu'à Jérusalem, qui ont tous une raison d'y aller, mais jamais pour la gloire de Dieu : de bons gars simples, solides, authentiques, qui agissent par delà le bien et le mal conventionnels. De l'autre, l'Islam a un portrait moins contrasté que celui de la chrétienté, modèle de tolérance et de paix, tuant s'il le faut mais jamais par joie. Il y a quelques exceptions, mais rapidement encadrées par leur chef Saladin.

Il y a une belle réflexion autour de l'idée de noblesse. Il est vrai que le chevalier-forgeron monte un peu trop vite les échelons : d'abord simple chevalier, puis baron, et plus tard protecteur de Jérusalem. Mais ce type d'évolution reflète bien l'état d'esprit de la chevalerie où les actes l'emportent sur le sang. Puis j'ai beaucoup apprécié le moment où le chevalier-forgeron n'hésite pas à travailler avec ses serviteurs dans ses terres pour rendre cette dernière cultivable, apportant ainsi beaucoup d'humanité à son personnage. Bon par contre l'idée physique de la noblesse (coeur & tête), c'est du papier-coller de Braveheart. Par contre, l'acteur Orlando Bloom est selon moi toujours une belle endive avec une barbe et des pectoraux nouvellement acquis pour les besoins du film, mais heureusement il y a tant de personnages secondaires intéressants - servis par un excellent casting - qui lui rendent la réplique que finalement il se noie bien dans la masse. D'autre part, malgré une grande simplicité du récit, ce dernier est incroyablement fouillé, nuancé, que ce soit par les images ou par les dialogues, qui donne envie de se plonger dans chacune de ses nombreuses sous-intrigues. Par exemple, le discours du chevalier-forgeron réduisant Jérusalem au peuple, puisque ces terres n'appartiennent finalement à personne de droit (un message d'une actualité incroyable), ou encore l'alternative existentielle laissée aux "chefs" résumée par le jeu d'échecs ("pousser" des hommes sur le plateau pour vaincre au final malgré les pertes, ou faire des choix parfois difficiles à faire et qui sortent de l'opportunisme présenté par ce modèle de stratégie ?).

Sur le plan formel, un véritable choeur d'images et de musiques différentes s'anime devant nos sens, nous livrant une vision du Moyen Age pittoresque avec ces chants religieux ou médiévaux de toutes sortes, ces plans magnifiquement composés, ces décors et costumes d'une très grande richesse. Des éléments qui débordent du fil narratif directeur pour faire vivre le background au-delà de notre raison (je pense à toute la première partie - et particulièrement le passage de l'aménagement des terres du chevalier-forgeron - qui ne propose que 2-3 combats relativement courts, offrant tout l'espace à la mise en place de l'univers du film). En termes de film épico-historique, il n'a pas d'égal. Et j'aime la manière dont Ridley Scott traite l'Histoire, en se servant beaucoup du genre de la tragédie pour donner de la chair aux personnages : les stéréotypes, appuyés par la beauté des images et de la musique, deviennent finalement des vecteurs d'émotion. De toutes manières, dans toute histoire de ce genre au cinéma, il y a toujours des bons et des méchants, même si ce n'est pas conforme à la réalité la plus exacte.

Enfin, les combats. Heureusement que dans la version longue, on nous indique que le forgeron a levé les armes au moins une fois, sinon ça aurait été vraiment trop facile de l'entraîner avec seulement quelques passes. Il a donc une base solide, et il faut juste qu'il se perfectionne pour se mettre au niveau. Le premier combat est une belle petite claque, montrant des guerriers qui se battent jusqu'au dernier souffle, avec une violence rarement atteinte dans le genre. Les batailles de fin sont aussi très bien, bien qu'on montre un chevalier-forgeron un peu trop à l'aise dans son rôle de stratège, car ses références demeurent quand même assez faibles. Dans l'ensemble, ça demeure très réaliste dans l'exécution, sauf pour la scène où il parvient à faire tomber toutes les machines de siège en quelques minutes.

LE film épique par excellence. Malgré la transparence du personnage principal, quelques raccourcis historiques, et une ou deux scènes peu crédibles, il s'agit de l'un des meilleurs films du genre. Le parfait cinéma de divertissement qui ne nous prend pas pour des cons.


Maj du 1er juin 2020 : quand on passe à la note maximale, c'est bien souvent lorsqu'on accepte les défauts au point qu'ils deviennent insignifiants à nos yeux, et là c'est bien le cas. Grandiose, grandiloquant, puissant, lyrique, spirituel. L'un des meilleurs DC à ce jour tant l'exercice touche au sublime (on redécouvre surtout Balian et Sybella dont les parcours sont rendus bien plus étoffés et intéressants, le passage dans le jardin et la recherche de l'eau pour irriguer les terres, absent de mémoire de la version cinéma, est même l'un de mes préférés).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Kakemono » Lun 26 Mar 2012, 02:06

Je trouve ce film très bon (8/10), la DC apporte vraiment un énorme plus. Mais j'y vois pas le grand film que tout le monde voit, je suis pas autant transporté que je devrais l'être.

Belle critique comme d'hab. :-P
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Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban - 8/10

Messagepar Dunandan » Lun 26 Mar 2012, 03:04

Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban

Réalisé par Alfonso Cuaron

Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson, Gary Oldman, David Thewlis

Fantastique, USA, 2h05 - 2004

8/10


Résumé :
Sirius Black, un dangereux sorcier criminel, s'échappe de la sombre prison d'Azkaban avec un seul et unique but : retrouver Harry Potter, en troisième année à l'école de Poudlard. Selon la légende, Black aurait jadis livré les parents du jeune sorcier à leur assassin, Lord Voldemort, et serait maintenant déterminé à tuer Harry.


Alors que le second épisode procédait déjà à une touche plus noire, plus adulte, ce troisième épisode marque un tournant véritablement gothique dans la saga, se rapprochant un peu du style burtonien. Alfonso Cuaron, réalisateur du fabuleux Fils de l'homme, apporte réellement sa patte artistique. Il y a une atmosphère inquiétante, crépusculaire ou nocturne (je n'ai remarqué aucun plan lumineux, au mieux nuageux). Après la carence affective et la célébrité, le thème principal de cet opus est selon moi la peur, comme en témoigne l'un des cours de magie basé sur la détournement de nos terreurs infantiles par le biais du rire. Et d'autres signes montrent l'aspect plus adulte de l'aventure : celle-ci débute pour la première fois avec un départ imprévu de la maison de Harry Potter, ce dernier étant ainsi lancé vers l'inconnu avant son arrivée à l'école. Puis, le nouveau bestiaire semble beaucoup plus dangereux que d'habitude, constitué de créatures de la nuit (bus qui ressemble énormément au bus-chat de Mon voisin Totoro ; loups-garous ; présence fantomatique qui absorbe tout sentiment heureux jusqu'à l'âme même de son détenteur) ou d'animaux imprévisibles (le griffon).

L'aventure procède très simplement, essentiellement portée par l'inquiétante évasion de Sirius Black, soit-disant ennemi mortel de Harry Potter, mais aussi et peut-être surtout par l'évolution psychologique de ce dernier, devenu un véritable adolescent avec ses crises et ses inquiétudes. Il ne s'agit pas de l'histoire la plus riche ou la plus importante pour le destin d'Harry Potter. Mais ce qui compte ici, mis à part la réussite de l'ambiance, parfaite combinaison du côté féerique de ces aventures et de leur côté sombre, c'est d'abord le phénomène de paranoïa construit autour de ce personnage incarné par l'excellent Gary Oldman, puis le nouveau professeur, "invité" le plus charismatique depuis le début de la saga, et assez important pour l'intrigue puisqu'il passe de longs moments à discuter avec Harry Potter sur son passé et ses parents. Tous les autres personnages, mis à part le trio héroïque, sont relégués cette-fois au second plan de l'histoire.

D'autre part, les nouveaux artefacts sont vraiment excellents : après la cape invisible, viennent la boule magique du medium, le livre (cannibale) sur les monstres, la carte secrète de Poudlard indiquant les faits et gestes de chacun, et une montre magique dont je tairai les propriétés pour ceux qui n'aurait pas encore regardé l'épisode, et qui renouvelle complètement la narration durant les vingt dernières minutes.

Le seul véritable point noir du film est la fin. Elle semble vraiment trop légère, trop "light" comparée à l'ambiance distillée pendant près de 2h00. N'ayant vu que les cinq premiers épisodes, je peux déjà affirmer qu'il s'agit de mon préféré de par sa personnalité singulière.

Un excellent Harry Potter dont la qualité revient avant tout à son ambiance lugubre et nocturne, plus près de celle d'un Burton en forme que d'un Harry Potter "classique".
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Kareem Said » Lun 26 Mar 2012, 12:01

Va falloir que je m'y mettes à Kingdom, la meilleure édition Bleu est la UK ?
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Lun 26 Mar 2012, 13:46

oui.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Kakemono » Lun 26 Mar 2012, 14:11

Dunandan, comme je te le disais ce 3ème opus de HP est mon préféré. Je le trouve très éloigné des autres opus pour plusieurs raisons. Tout d'abord la présence de Cuaron derrière la caméra assure au film une mise en scène inspirée, presque "magique" qui colle merveilleusement bien cet univers, remplie de petites trouvailles visuelles, loin du plan plan des autres épisodes (on ne retrouve pas cette mise en scène particulière dans les autres films même si Yates se démerde pas trop mal ). L'histoire de cet opus n'est pas forcément des plus passionnantes (c'est du HP hein faut pas l'oublier) mais elle est rythmée et suffisamment intéressantes pour être accrocheuse (c'est pas des histoires de cœur ou du camping pendant 2h). Et faut pas oublier le bonus Gary Oldman.
Bref, ce HP est un peu a part dans la saga est c'est surement pour ca que je l'apprécie plus que les autres.
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Ange ivre (L') - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Mar 27 Mar 2012, 03:06

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L'ange ivre, Akira Kurosawa (1948)

Je découvre avec surprise que le cinéma japonais contenait déjà une représentation négative des yakuzas avec ce film. Mais ils n'étaient pas encore devenus un genre à part entière (chose qui ne se produira qu'à la fin des années 60). Ici, le sujet est plus universel, à savoir l'histoire d'un voyou qui, rattrapé par l'exubérance de son mode de vie (alcool, cigarettes), voit son mal se transmuer en maladie concrète, la tuberculose. Autrement dit, sa misère morale devient un mal physique. Le yakuza alcoolique et fêtard est magistralement incarné par Toshiro Mifune et offre l'un des tous premiers rôles marquants à ma connaissance en lui donnant un côté bestial et imprévisible (une interprétation qui dépassa ce que Kurosawa attendait de lui). Son personnage est réellement tragique, il semble même parfois sortir de l'écran. Le premier rôle est tenu par Takashi Shimura, autre immense acteur de l'époque qui ne démérite pas ici, mais sa qualité de jeu est en grande partie soufflée par la présence de Mifune.

ImageImageImage


Le cadre filmé est un lieu-commun d'Akira Kurosawa : les bas-fonds du Japon, image du pays d'après-guerre complètement dévasté, ressemblant aux futurs décors de Dodes’kaden. Autrement dit, il se préoccupe des petites gens, les excentrés de la société, dont l'humanité rejaillit de plus belle du fait de leur misère. Le lieu de vie des personnages est un véritable cloaque, un vaste espace clos dans lequel circule toute l'action du film. Cette petite ville est dominée par une image, l'eau stagnante d'une petite mare se remplissant remplit peu à peu de déchets de tous genres semblant refléter la pourriture qui guette tous les personnages, dont l'exemple le plus frappant est Matsunaga (Tes poumons sont plus sales que le bourbier dehors dit le docteur), puis par une très belle musique interprétée par un guitariste, d'abord jouée par un inconnu puis par l'un des adversaires du malade, comme si l'espoir et la mort travaillaient de concert. Ainsi, au niveau de l'atmosphère, réalisme et onirisme ne cessent de se frotter l'un à l'autre.

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Le récit est très simple, et peut se décliner à trois niveaux. Le premier, le patient et son médecin, thématique qui sera repris dans Barberousse. Le médecin, bourru mais profondément humaniste, désire réellement aider ce yakuza en perte de vitesse. Malgré un rapport conflictuel qui ne cessera jamais entre eux (dramaturgie empruntée à Dostoïevski), on peut sentir une relation authentique, d'homme à homme, éloignée des rapports conventionnels attendus entre un médecin et son patient. Mais le docteur est loin d'être un saint, du moins en apparence, puisqu'il boit à volonté comme le yakuza (d'où le titre), prenant même la part de ce dernier, qui ne peut pas consommer d'alcool à cause de sa maladie. Bref, un personnage semblant sortir de La belle vie (Capra), un ange aux ailes brisées, au coeur d'or mais menacé par la misère ambiante. Le second niveau, parallèle au premier, porte plus spécifiquement sur les yakuzas, représentés essentiellement par Matsunaga, véritable maladie morale et sociale. Or, Matsugana paraît inquiet sur la conséquence logique de sa maladie, impliquant un changement important de rythme et donc d'existence. Un rêve (l'une des meilleures scènes du film) illustre parfaitement la difficulté pour lui de simplement prendre le temps de guérir son corps : il se découvre lui-même dans un tombeau, puis est poursuivi par son fantôme, comme s'il n'y avait pas d'autre lignes de fuite pour lui, condamné à jouer son rôle, malgré l'espoir que représente une femme qui lui offre la possibilité de partir ailleurs. D'ailleurs, l'ironie de l'histoire, c'est que malgré son respect du code, son Boss ne le respecte pas pour autant, et place ses pions de telle manière que les apparences soient sauves, et qu'en même temps ses intérêts individuels soient satisfaits. Et probablement aussi qu'il apprécie cette existence cool, qui l'autorise à s'habiller comme les gangsters des films de John Ford, et à posséder toutes les femmes qu'il désire. Autrement dit, à travers la déchéance du yakuza, se profile l'éternelle lutte entre le corps (maladie) et l'esprit (se complaire dans l'apparence et son rôle social). Enfin, troisième niveau, celui dont j'ai déjà parlé : la société. Le médecin ne se contente pas de guérir physiquement les corps, mais aussi l'esprit de ses patients. Alors que le yakuza représente la fracture entre ces deux aspects, et dont l'alcool semble être une manière comme une autre de noyer ses soucis, une petite jeune toute souriante, que l'on aperçoit que deux fois, semble incarner ce tournant d'espoir, qui d'ailleurs n'habite pas ce cloaque, véritable lieu de maladie et de corruption. Ce sous-texte social, avec la gestion des rapports conflictuels entre les individus dans l'espace, sera vraiment la marque du cinéaste, plus que les autres aspects du film, davantage inspirés par le cinéma américain.

Image


Je connaissais jusqu'à lors seulement les films de samouraï de Kurosawa, et je découvre ici ce qui constituera la base dramatique de films plus connus tels que Les 7 samouraïs, avec ces personnages mus par une force auto-destructrice qui peut s'affaisser en un instant, et les conditions sociales qui les sous-tendent sans pour autant apporter une justification à leurs actes, car finalement un seul mot "positif" surgit à la surface, déclaré par le médecin qui semble projeter les propres mots du réalisateur : volonté. En conclusion, l'Ange ivre est un film profondément humaniste, d'un réalisme cinglant, et pourtant tout aussi bien onirique (la fameuse mare, métaphore du mal et de la misère humaines, et le rêve, abritant la peur de la mort sociale), dont il faut accepter le statut "naphta" (beaucoup de plans fixes et de dialogues, peu d'action, composition de l'image travaillée - par exemple : les corps penchés ou tordus pour figurer le caractère "ivre" des personnages -) pour en apprécier tout le jus.

Le premier film personnel de Kurosawa portant sur les réalités sociales japonaises de l'après-guerre, malgré des influences américaines encore très présentes. Une excellente entrée en matière pour découvrir ce metteur en scène à ses débuts en tant qu'auteur.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Mark Chopper » Mar 27 Mar 2012, 09:16

Je te trouve radin sur la note... Deux acteurs au top et une qualité très rare pour un film de Kuro : moins de 2 h 00 !
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Mar 27 Mar 2012, 13:51

Je note au ressenti ... Mais voilà ça pourrait monter un peu les prochaines fois que je le reverrai. Je n'ai pas trouvé de défauts particuliers au film, mais je n'ai pas été "saisi" par le film. 7.5 c'est quand même une bonne note chez moi. A partir de 8/10 c'est éligible (d'ailleurs quelques films vont voir leurs notes baisser au passage à cause de ça ...) à mon TOP 200 :mrgreen:
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Ile nue (L') - 9/10

Messagepar Dunandan » Mar 27 Mar 2012, 23:02

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Je ne connaissais pas Kaneto Shindô avant, j'ai donc avancé en terrain vierge. Conformément à la présentation du film, il n'y a aucune ligne de dialogue. Nous suivons le quotidien de paysans qui cultivent leur terre : portage d'eau, ramage jusqu'à l'île, escalade de la colline, arrosage, repas quotidiens, ensemencements, nettoyages. Tout y passe.

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Il est assez intéressant d'apprendre en détails le travail sur la rizière, mais la grande particularité du film est surtout la qualité de sa mise en scène. Le début donne déjà le ton, avec sa musique et ses plans aériens qui nous présentent l'île comme personnage à part entière : ce sera simple, léger. Les sous-titres indiquent en quelques mots l'enjeu pratique : rendre une terre aride, fertile. Or, il fallait un sacré génie pour rendre intéressante une histoire aussi répétitive, réaliste et épurée, ce qui est le cas ici. Ce qui m'a d'abord saisi, c'est le sens du rythme, que j'ai perçu non pas d'abord comme une sorte de fatalité subie par les personnages, mais au contraire comme un retour essentiel aux sources, avec des gestes répétés à l'infini qui font adhérer les personnages à une sorte d'harmonie avec leur environnement naturel : le rythme naturel sur lequel les personnages se règlent devient leur propre style de vie. Chacun des gestes, traits du visage, ou effort, est restitué dans sa lenteur essentielle, lancinante. Sans même parler, les personnages parviennent à nous transmettre toutes leurs émotions. Cependant, le cadre n'est pas tout rose, comme le montre cette unique scène où la perfection du rythme n'est pas respectée par la femme, qui reçoit une franche correction par son mari au lieu de recevoir un support moral.

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De son côté, la photographie offre une véritable ode à la nature, sublimant le réalisme du quotidien de manière poétique. Nous suivons le déroulement de journées et de saisons entières, comme si nous y étions, accompagnant les personnages dans leur labeur quotidien. Ainsi, le changement de luminosité ou de saison est capturé à l'image, ainsi que chaque aspect de l'île. Rarement un film est allé aussi loin dans le sentiment de déconnection des bruits de la société, à peine altéré par quelques fêtes saisonnières qui ne durent qu'un faible instant.

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L'absence de dialogues permet aux sons de l'environnement naturel de remplir l'espace : la terre assoiffée de l'eau frémissante apportée par les paysans, le vent et les marées balayant le paysage, les bruits d'animaux. Et la très belle musique du film accentue l'impression répétitive du travail tout en lui apportant une certaine légèreté. Je trouve qu'il y a un réel équilibre entre silences et sons ou musique.Le rythme réglé du travail des paysans n'est rompu que par deux événements majeurs. Le premier est positif, bien qu'apparemment anodin : les enfants pèchent un poisson vivant. La famille est alors en liesse, les sourires illuminent leurs visages graves, grâce à ce petit événement qui devient grand à leurs yeux, par contraste avec la grande répétitivité de leurs journées. C'est le seul moment où la société les rattrape un peu, représentée par ces quelques brèves images de télévision qui montrent des corps fous et tordus. Le second événement est au contraire triste, nous parlant de maladie qui dérègle le rythme habituel en apportant une tension nouvelle, à laquelle la musique répond. Ainsi les coups de rames du père qui va chercher de l'aide de l'autre côté du rivage deviennent plus intenses, en rupture avec le déroulement quasi naturel des gestes habituels. Le dénouement tragique apporte une réelle touche de fatalisme. Face au drame, il n'existe qu'une fausse alternative : tout laisser tomber ou continuer à travailler.
Un magnifique film contemplatif, qui transcende une histoire simple, épurée, et sans dialogues par un gros travail de mise en scène, de photographie, et de rythme. Un pur moment de cinéma.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar angel.heart » Mar 27 Mar 2012, 23:10

C'est malin, j'hésite à me le prendre maintenant.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Mar 27 Mar 2012, 23:13

Seulement si t'es prêt à supporter le rythme (poétique) d'un travail à la rizière.
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