Film après film, Alexander Payne continue de creuser son sillon dans le genre dramatique non sans omettre d’y apporter une touche de comédie toujours bienvenue. Parlons-en immédiatement, et c’est d’ailleurs le principal reproche qu’on pourrait lui faire ici, son style est tellement identifiable dans le cinéma contemporain qu’il peut finir par lasser.
Même s’il y a toujours un effort de varier les sujets abordés, sa filmographie donne le sentiment de décrire des tranches de vie de personnages qui pourraient tous exister dans un seul et même film choral. Ici, il nous conte la vie de Matt King, avocat à Hawaï qui, suite au terrible accident de sa femme, plongée dans un coma dont elle ne sortira pas, se retrouve du jour au lendemain avec ses deux filles, âgées de 10 et 17 ans sur le dos.
Alors qu’il ne s’était jusque là que peu préoccupé d’elles, il se doit de gérer le train-train quotidien et notamment leur éducation, sujet complètement abstrait pour lui. Au cours de la première demie heure, très laborieuse, on craint le pire. Ses gamines semblent plutôt têtes à claques et il doit gérer la vente d’une immense parcelle de terre vierges pour le compte de sa famille, qui lui est totalement étrangère. The Descendants est tout prêt de la sortie de piste, jusqu’au moment où sa fille aînée lui révèle que sa femme le trompait, chose qu’il ignorait.
Et là, le temps d’une course à pieds et en tongs (pas pratique) pour aller tirer les vers du nez à un couple d’amis sur l'identité dudit amant, le film revient miraculeusement en piste et prend une tout autre dimension, nous happe et ne nous relâche qu'à son terme, le coeur léger. Exit les approximations de cette longue introduction, on retrouve la patte du Alexander Payne qu’on apprécie, joli numéro d’équilibriste entre le drame et la comédie et véritable vivier d’émotions douces amères.
Au gré d’un road movie en compagnie de Matt King et de ses filles, dont le prétexte est de découvrir qui est l’amant de sa femme (qu’est ce qu’il fout là Matthew Lillard, mauvais comme un cochon ?), on se laisse porter au rythme des paysages et de la musique hawaïenne à la rencontre d’une belle galerie de personnages. Véritable voyage initiatique pour le personnage principal, interprété brillamment par un Georges Clooney qui laisse au vestiaire le charme et les œillades au profit d’une sobriété et d’une justesse étonnante, qui va se rapprocher irrémédiablement de sa progéniture (mention spéciale aux deux jeunes actrices, sans qui la réussite du film ne serait possible), The Descendants trouve parfaitement sa place dans le coeur du public.
La réalisation sensible de Payne sied parfaitement au périple rédempteur de la petite troupe qui apprend à se connaître et à s'aimer. Loin des fantasmes de l'imaginaire populaire, Hawaï est un personnage à part entière qui procure encore beaucoup de rêve (le rythme de vie de certains de ses habitants, les terres vierges que possèdent la famille de Matt King) mais aussi beaucoup de désillusions ( le paysage est également altéré par des constructions massives et la mort n'est pas plus douce ici qu'ailleurs)
A mi chemin entre l'humour très prononcé de Sideways (qu'il faut que revoie, j'avais adoré et beaucoup ri à l'époque) et le penchant plus dramatique de Monsieur Schmidt, ce nouvel opus d'Alexander Payne donne une furieuse envie de dire à ses proches à quel point on les aime.
7.5/10