[Nulladies] Mes critiques en 2016

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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Mark Chopper » Dim 07 Fév 2016, 22:15

Kim Jee-woon a une aura un peu surprenante pour un faiseur...

Alors oui c'est un putain de bon faiseur, mais c'est aussi un mec qui bouffe à tous les râteliers :mrgreen:

Un coup il fait du John Woo, un coup du Leone, un coup du Park Chan-wook, un coup du Commando... C'est bien de se diversifier mais je le sens un peu opportuniste (et foutrement inégal).
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar osorojo » Dim 07 Fév 2016, 22:19

Tous les cinéastes ne peuvent pas être auteurs, c'est peut être pas une fin en soi non plus. Moi j'aime beaucoup ce mec qui semble avoir un tas d'influences qu'il se plait à foutre sur ses bobines. Bon, on ne parlera pas du syndrome j'me fais bouffer par les studios et du dernier rempart, mais un mec qui emballe aussi bien ses films, il peut bouffer à tous les râteliers, ça me pose pas de problème tant que je peux prendre mon pied devant la resucée qui découle de sa démarche.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jed_Trigado » Dim 07 Fév 2016, 22:20

Mark Chopper a écrit:Kim Jee-woon a une aura un peu surprenante pour un faiseur...

Alors oui c'est un putain de bon faiseur, mais c'est aussi un mec qui bouffe à tous les râteliers :mrgreen:

Un coup il fait du John Woo, un coup du Leone, un coup du Park Chan-wook, un coup du Commando... C'est bien de se diversifier mais je le sens un peu opportuniste (et foutrement inégal).

+1

Sauf que pour moi, c'est même pas un bon faiseur, j'ai aimé aucun de ses films.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Mark Chopper » Dim 07 Fév 2016, 22:22

mais un mec qui emballe aussi bien ses films, il peut bouffer à tous les râteliers, ça me pose pas de problème tant que je peux prendre mon pied devant la resucée qui découle de sa démarche


Mais à part Alegas, tout le monde sait qu'on ne verra plus jamais de bons films coréens :eheh:

A part l'ami Bong Joon-ho, c'est un cinéma qui a explosé en plein vol, suite à un cocktail d'américanisation et d'autocaricature. Moins qu'une nouvelle vague en fait, l'équivalent d'un coup de pied dans une flaque d'eau.
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History of violence (A) - 6,5/10

Messagepar Nulladies » Lun 08 Fév 2016, 07:07

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Le coup dans l’escalier.

On sait l’acuité avec laquelle Cronenberg scrute les monstres tapis en nous, et le fait de s’attaquer à la cellule américaine la plus banale a évidemment quelque chose de tout à fait jouissif. Alors qu’il s’ouvre sur une séquence d’une violence glacial, long plan séquence sur le carnage opéré par deux quidams qui rappellent furieusement les deux invités dans la ville des Tueurs de Siodmak, le film bascule dans le mythe tranquille de la famille intégrée à sa petite communauté.
On est dans un premier temps assez circonspect sur les différents fils tirés : une teen story on ne peut plus éculée (le loser fragile face au rustre bellâtre capitaine de l’équipe de foot), un amour maladroitement épicé chez les parents avec madame se déguisant en cheerleader, le tout nimbé d’une musique assez insupportable tant elle suppure l’Amérique wasp.
Bien entendu, l’ironie guette, et c’est à la faveur d’une étincelle inattendue que le brasier va mettre au jour les véritables instincts des individus.
L’idée est belle, et le point de bascule malin : cet instant héroïque, ce fait divers censé couronner la notoriété de monsieur tout le monde va attirer l’attention d’un passé qu’il pensait révolu. Cette boite de Pandore occasionne une période trouble dans le récit, où le spectateur est maintenu dans la même ignorance que l’épouse, et tente de cerner ce visage d’un calme et d’une candeur pour le moins suspects.
C’est dans l’ambiguïté que Cronenberg excelle, et il est assez regrettable de constater que celle-ci est loin d’irriguer la totalité du récit. Toute la relation père-fils, fondée sur les échos et les répétitions, est d’une triste grossièreté, surlignée et dispensable. Le jeu des contrastes entre les scènes de sexe (tendres ados, puis bêtes sauvages dans l’escalier) ne se distingue pas non plus par sa finesse didactique, même si la deuxième scène en question est un beau moment de mise en scène. C’est d’ailleurs là tout le paradoxe du film : il parvient clairement à mettre en place des ambiances, à restituer la violence, la froideur et la sauvagerie contenues avant les décharges cathartiques, notamment grâce à l’interprétation impeccable de Viggo Mortensen ; mais s’embourbe simultanément dans des discours ou des ressorts scénaristiques trop démonstratifs.
Atteindre la vérité des êtres, décaper le vernis social et civilisationnel n’est pas un projet facile. Cronenberg parvient à le faire par le regard, dans une mise en scène d’une maitrise implacable, occasionnant des séquences assez mémorables. Mais, comme pour le dernier Maps to the Stars, sa plume pèche là ou son regard suffisait, alourdissant un projet pourtant diablement excitant.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Lun 08 Fév 2016, 07:11

Jed_Trigado a écrit:
Mark Chopper a écrit:Kim Jee-woon a une aura un peu surprenante pour un faiseur...

Alors oui c'est un putain de bon faiseur, mais c'est aussi un mec qui bouffe à tous les râteliers :mrgreen:

Un coup il fait du John Woo, un coup du Leone, un coup du Park Chan-wook, un coup du Commando... C'est bien de se diversifier mais je le sens un peu opportuniste (et foutrement inégal).

+1

Sauf que pour moi, c'est même pas un bon faiseur, j'ai aimé aucun de ses films.



ça résume bien mon ressenti.

Mark Chopper a écrit:Mais à part Alegas, tout le monde sait qu'on ne verra plus jamais de bons films coréens

A part l'ami Bong Joon-ho, c'est un cinéma qui a explosé en plein vol, suite à un cocktail d'américanisation et d'autocaricature. Moins qu'une nouvelle vague en fait, l'équivalent d'un coup de pied dans une flaque d'eau.


Je m'y connaissais pas assez en cinéma asiatique pour parvenir à ce constat, mais c'est diablement intéressant, et ça me semble tout à fait crédible.
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Docteur Jivago (Le) - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Mar 09 Fév 2016, 21:25

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Fresque célèbre

Il règne sur l’exposition du Docteur Jivago tous les éléments annonciateurs de la grande saga à venir : une mystérieuse anticipation sur laquelle pèse des décennies muettes d’histoire et de deuil, un enterrement au lyrisme puissant nous ramenant à l’enfance et la naissance d’un motif mélodique qui reviendra incessamment : comme dans toute grande œuvre, à l’instar de Once Upon a Time in America ou du Parrain, l’enfance, la mort et la mélancolique fuite du temps sont conviées aux noces grandiloquentes de ce prélude.
Certes, le Docteur Jivago a tout du classique monument de son époque : les ravages de l’Histoire en résonnance avec l’histoire intime et individuelle des personnage broyés par elle, le passage d’une époque à l’autre, avec toutes les pertes de repères et les ajustages dans le sang qu’elles supposent, chant crépusculaire ou aube inquiète, comme le chantait Le Guépard deux ans plus tôt.
Sur cette ample partition, David Lean ménage ses effets et module ses motifs : il est certes question d’idéologie, de Révolution et d’amours contrariées, mais l’ensemble tient aussi à l’attention portée aux regards. Comme celui de Peter O’Toole dans Lawrence d’Arabie, l’intensité noire des yeux d’Omar Sharif fait de lui le témoin privilégié de l’Histoire, secondé par le cinéaste qui multiplie les effets sur les vitres et les miroirs. C’est le parcours sur la façade, avec une virtuosité proche de celles d’Ophüls dans Le Plaisir ou de Polanski dans Le Locataire, le balcon qui donne sur le massacre ou l’apparition de Lara nimbée de lumière.
Youri, en tant que médecin, arrive toujours après : il répare les dégâts commis par la folie des hommes. Dans cette adversité, il reste un temps en retrait, enrôlé de force ou non, mais sans parti si ce n’est celui de l’homme qu’on a le devoir de soigner. Cet idéal humaniste semble un moment accessible : c’est aussi ce que symbolise ce retrait du monde, dans la cabane à côté de la demeure familiale réquisitionnée par les révolutionnaires, où l’on se contente de cultiver son jardin. Lean offre alors la richesse picturale du Technicolor aux blés, à la neige ou aux coquelicots, aussi à l’aise dans les steppes russes qu’il l’était dans les dunes de Lawrence d’Arabie.
Afin que le drame opère, la grande hache de l’histoire reprend ses droits : la trahison est d’abord celle du triangle amoureux, rapidement rattrapé par un pays en état de guerre civile, où les idéaux révolutionnaires se noient dans le sang et la paranoïa. Réquisitoire sans appel sur les ravages du totalitarisme, Le Docteur Jivago parvient à maintenir sans faillir l’équilibre entre le mélo et la fresque. Qu’il s’agisse de filmer une maison prise par la glace ou un pays figé dans la terreur, David Lean est toujours pertinent.
Le retour au présent, au bout de 3h20, est donc conforme au programme annoncé : les mots se sont perdus dans l’histoire, la poésie est restée, dans un livre ou sur les cordes d’une balalaïka portée sur les frêles épaules d’une jeune fille tournée vers un avenir incertain.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar osorojo » Mar 09 Fév 2016, 22:21

L'une de mes nombreuses tares, tu me donnes envie de m'y plonger, mais comme pour tous les autres films de Lean, je crains cette durée (plus de 3 plombes, goddammit ^^) :mrgreen:
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Anomalisa - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 10 Fév 2016, 07:00

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Stop (e)motion

Un projet de Charles Kaufman, à l’écriture et à fortiori à la réalisation, est toujours surprenant et son pitch est à chaque fois soit informulable, soit d’une couleur insolite sans commune mesure. Si son nouveau film étonne aujourd’hui, c’est avant tout par la banalité affligeante de son sujet, la nuit dans un hôtel d’un homme marié, son désœuvrement et son infidélité d’un soir.
La question qui se pose d’emblée est celle du recours à l’animation en stop motion pour traiter d’un tel sujet : dans un premier temps, on y voit une coquetterie, le petit frisson un peu vain de la primeur, à savoir un film pour adulte, avec un langage ordurier, un magasin de sex toys, un homme nu, puis une relation sexuelle dont on n’épargne pas grand-chose.
Mais à mesure que le temps passe et que l’atmosphère s’impose, les choix esthétiques s’affinent. Il est bien évident que dans cette modulation sur les rapports humains très proche de Lost in Translation, la tristesse d’un monde régi par les manuels d’entreprise sied parfaitement aux pantins animés. Le protagoniste, grand prêtre de la relation client qui fait gagner 90 % de productivité à tous ses lecteurs, débarque dans une ville où tout le monde semble appliquer ses préceptes, dans une exposition en temps réel distillant une angoisse tout à fait inédite sur ce genre d’esthétique. Répétition des codes, aseptisation des décors, le tout à destination d’un quinqua qui n’y croit plus depuis longtemps, mais joue le jeu, tout comme avec sa famille.
L’animation a toujours permis de montrer ce que les images en live ne pouvaient restituer : un monde imaginaire, des personnages exemplaires, en bref, du merveilleux. Il est fascinant de voir les réalisateurs s’attacher à reproduire ici tout ce qui fait la maladroite banalité des individus. La rencontre avec Lisa, complexée et elle aussi terriblement commune, va en occasionner un grand nombre : trébuchements, tête qui se cogne contre le lit, partenaire qui s’appuie involontairement sur ses cheveux, position sexuelle inconfortable… de même que des corps aux bourrelets disgracieux ou la durée d’un rapport peu conventionnel dans un récit, tout est décapé pour donner à voir les pantins tristement risibles que nous sommes.
On pourrait y voir une certaine méchanceté, et le film n’en est pas dénué. De par sa conclusion, d’une lucidité noire, de par son formidable cauchemar aussi, lorgnant vers les labyrinthes de Lynch, mais qui permet aussi de révéler la naissance de l’amour : Michael Stone y comprend qu’en cet instant, le monde entier est une seule personne, amoureuse et possessive, tandis que Lisa s’en distingue. Un bel artifice avait déjà permis, dans le réel, de lui donner un attrait unique : sa voix. Dans cet univers standardisés, les mêmes visages occupent des fonctions différentes, toutes liées à la relation client, à l’exception de l’ex petite amie avec laquelle les retrouvailles seront un fiasco, à imputer à la rustrerie du protagoniste. Mais surtout, tous ont la même voix, y compris les femmes qui sont affublée d’une voix masculine. Sauf Lisa.
La séduction passera donc par cette voix d’une distinction bouleversante, sur le modèle de celle de l’OS dans Her, au sein d’une scène de séduction fantastique où l’homme perclus de désir obtiendra de sa conquête qu’elle lui chante un tube de Cindy Lauper.
(Spoils)
Instant suspendu, grêlé par les maladresses des deux amants conscients de leurs imperfections, mais touchants par elles : le film tourne autour de cette scène matrice, qui ne pouvait éclater sans les langueurs qui la précèdent, ni le noir réveil qui la brisera, dans une scène terrible de petit déjeuner où la voix déifiée la veille commence irrémédiablement à rejoindre la tessiture de la masse.
Qu’importe l’après, qu’importe la victoire du monde dans cet épilogue glacial où l’on a pour seul interlocuteur autour des gens « qui vous aiment », un autre pantin, plus étrange encore que celui qu’on est soi-même. Il y aura eu cela, de la même façon que les souvenirs amoureux sont le sel de la vie dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind : cette déchirure dans la norme, cette anomalie qui portait le nom de Lisa, et qui chantait avec grâce : « I want to be the one to walk in the sun ».
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Mer 10 Fév 2016, 19:49

osorojo a écrit:L'une de mes nombreuses tares, tu me donnes envie de m'y plonger, mais comme pour tous les autres films de Lean, je crains cette durée (plus de 3 plombes, goddammit ^^) :mrgreen:


C'est bien aussi les films fleuve, il y a quelque chose d'unique dans ces expériences. Tu ne l'a pas senti face au Parrain, ou encore Il était une fois en Amérique ?
(d'ailleurs tu dois voir bien avant tout Lean La porte du Paradis....)
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar osorojo » Mer 10 Fév 2016, 20:58

Ben justement, j'ai trouvé le Parrain et sa suite trop longs.

La porte du paradis, effectivement, c'est sur mes tablettes depuis un bon bout de temps, mais la durée me freine également ^^
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45 ans - 6,5/10

Messagepar Nulladies » Jeu 11 Fév 2016, 06:29

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Du passé faisons stable rage.

Le troisième âge est finalement peut traité en trame principale au cinéma : c’est généralement une toile de fond, un écho aux protagonistes dans la fleur de l’âge. Dans 45 ans, titre renvoyant à un anniversaire, certes, mais de mariage, la génération d’après n’a pas sa place. Vieux couple sans enfant, le (formidable) tandem Courtenay/Rampling vit du quotidien de cet âge : sexualité en berne, rituels immuables, habitudes tenaces, agacements réciproques ou complicité apparemment à toute épreuve.
L’heure de la célébration approche, indice supplémentaire de l’importance du protocole. Tout est réglé, de la disposition des tables aux choix des musiques. On devise sur les photos, absentes de la maison, sans doute faute d’enfants. Insidieusement, l’heure des bilans s’impose : la réunion des anciens collègues de l’usine, qu’on fustige mais à laquelle on se rend quand même, la fête à laquelle on se prête de plus ou moins mauvaise grâce : complices et victimes de cette grand-messe du temps qui passe, les personnages jouent ce double jeu dévoilé ici avec une aridité presque extra lucide : cette distance affichée par rapport au commun des mortels, et ce besoin de se fondre tout de même dans la masse des humains, si vulnérables à leur heure dernière.
Sur cette triste comédie de l’âge, le récit va greffer une ultime coquetterie vénéneuse par le retour inattendu du passé. Le mari apprend qu’on a retrouvé, 50 ans après, le corps de son premier amour prisonnier dans un glacier des alpes suisses ; et son épouse de prendre conscience qu’elle aura sans doute été toujours un second choix.
Point d’effusions et de ravages à la Cassavetes chez Andrew Haigh, qui revendiquerait sans doute davantage Bergman comme influence. Les colères sont rentrées, les non-dits omniprésents. Habile à capter l’oisiveté propre à cet âge et les temps morts vecteurs d’angoisses au long cours, le cinéaste évite à son couple les grandes scènes de bilan : des tiers s’en chargement maladroitement pour eux, de l’amie qui promet les larmes du mari lors de son discours, au maitre de cérémonie attendant l’attendrissement de circonstance de la foule des invités.
Une séquence maitresse, qui tranche avec la mise en scène assez sage, concentre tout le propos du récit : dans le grenier, l’épouse exhume des diapositives dans une projection au cadrage remarquable permettant, par transparence de la toile, de voir conjointement ce qu’elle contemple et son visage effaré éclairé par ces clichés révélateurs, scène terrible où la vie perdue irrigue la mort en attente de ceux qui sont restés en vie.
Résolument pessimiste, le film sait tirer parti d’une autre mise en scène que la sienne, celle des hommes : le contraste entre l’esprit festif et le regard terriblement dur de Charlotte Rampling lors de ce qui devrait être l’apothéose de la rédemption vaut non seulement tous les discours, mais les supplante, eux qui voulaient faire table rase du passé aux yeux du monde.
L’apparence aura été sauve face à aux invités. Mais le spectateur, lui, aura été convié à un regard autrement plus douloureux sur la vérité des êtres.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Jeu 11 Fév 2016, 06:32

osorojo a écrit:Ben justement, j'ai trouvé le Parrain et sa suite trop longs.

La porte du paradis, effectivement, c'est sur mes tablettes depuis un bon bout de temps, mais la durée me freine également ^^


Meuh non. Ça participe de l'effet saga. J'aime bien les gros morceaux comme ça. Je trouve bien plus longs des films plus courts qui jouent à faire comme s'ils avaient beaucoup à dire. Dernier exemple en date, J'ai rencontré le diable...
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar osorojo » Jeu 11 Fév 2016, 08:49

J'ai rencontré le diable est effectivement peut être un poil long, mais dans l'ensemble, j'en pense tout l'inverse de toi ^^ Pour moi c'est un généreux bip bip et coyote malsain, deux mecs qui se courent après et forment le prétexte d'une surenchère de violence. Je ne l'ai pas revu depuis sa sortie, mais j'en ai vraiment le souvenir d'une grosse récréation sous créatine, aussi salace que stimulante, j'en étais ressorti avec un gros sourire :mrgreen: Après il faut rentrer dans le trip, aimer l'ultra violence à la coréenne et les montages frénétiques ^^

M'enfin, faut que je me fasse violence pour le Cimino, qui est un mec dont j'ai apprécié tout ce que j'ai vu jusqu'ici :)
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Scalp » Jeu 11 Fév 2016, 14:50

osorojo a écrit:L'une de mes nombreuses tares, tu me donnes envie de m'y plonger, mais comme pour tous les autres films de Lean, je crains cette durée (plus de 3 plombes, goddammit ^^) :mrgreen:


C'est chiant Jivago, mais vraiment
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