[Alegas] Mes Critiques en 2025

[pabelbaba]

Il est complètement flingué celui-là.

[Alegas]

Valdez is coming (Valdez) de Edwin Sherin
(1971)

Vu le pitch j’en attendais pas mal de ce western avec un Burt Lancaster vieilli pour l’occasion, mais autant la première demi-heure est très prometteuse, autant par la suite je trouve le film globalement très limité. On a Lancaster qui joue ici un vieux shérif mexicain qui, dans un malheureux concours de circonstance, est forcé de tuer un afro-américain innocent d’un crime dont il était suspecté. Dans un élan de générosité, il essaye de lever des fonds pour la veuve en demandant de l’aide à son employeur (un riche propriétaire) mais évidemment il va faire face à un refus et pire encore il va être ridiculisé pour avoir fait cette demande. A partir de là, le héros sort de ses gonds, et on rentre dans le schéma classique du mec qu’il ne fallait pas emmerder, qui se révèle être un tueur ultra efficace qui avait rangé les armes (enfin on suppose car finalement hormis une photo on ne sait rien de son passé), et qui va rendre justice par lui-même.

A vrai dire, je trouve que le film fonctionne surtout avec son premier acte, le fait d’avoir Burt Lancaster qui plie le genou face aux antagonistes, ça donne un rapport de force plutôt inédit pour l’acteur, et surtout on se prend d’affection pour ce personnage qui essaye juste de faire le bien en y mettant les formes, mais qui va comprendre qu’il parle à un mur. Dès que le film part dans son délire vengeur, j’ai trouvé ça nettement moins efficace. D’une part parce que côté mise en scène c’est vraiment pas fou, il n’y a aucun style qui ressort, et l’efficacité est toute relative à quelques plans près (le passage de sniper depuis le haut de la falaise, avec un joli plan POV). D’autre part le film fait le choix d’une série B au script expéditif, mais en ce qui me concerne ça ne fonctionne pas car les personnages n’arrivent pas à exister pleinement alors qu’ils sont pourtant intéressants (la femme et le sous-fifre qui ont des évolutions plutôt surprenantes). Du coup, pendant une bonne heure, ça se suit sans déplaisir mais sans passion non plus, et à force ça fait que le film tombe un peu à plat, sentiment renforcé par une scène finale qui déjoue les attentes, mais qui du coup crée un gros sentiment de frustration, c’est limite si on a pas l’impression qu’il manque une scène pour conclure tout ça.

Lancaster est pas trop mal dans le rôle principal, mais j’ai tendance à penser que c’est une prestation assez faible par rapport à ce que le comédien a l’habitude de livrer. Apparemment il était initialement prévu qu’il joue le rôle du bad guy, et que Brando devait incarner Valdez, et je me demande si le film n’aurait pas été meilleur avec cette configuration, car il faut bien l’avouer l’acteur qui joue l’antagoniste dans le film tel qu’on le connaît a bien du mal à s’imposer à l’écran. Bon après j’ai vu le film peu de temps après avoir découvert The hunting party, autre western de traque, et l’écart qualitatif n’a pas joué en la faveur de Valdez is coming, mais n’empêche que ce dernier s’impose à mes yeux comme un film trop simple (apparemment le bouquin dont il est tiré est bien meilleur) et qui manque de personnalité pour réellement marquer.

5,5/10

[Alegas]

Mais ne nous délivrez pas du mal de Joël Séria
(1971)

Un film précédé d’une réputation quelque peu sulfureuse, on parle quand même d’un film qui a été interdit à l’époque de sortie sur le territoire français, comme quoi dans les années 70 notre pays n’était pas encore spécialement libéré sur les questions religieuses, spirituelles et sexuelles. Alors forcément, c’est un film qui a vieillit et pas toujours dans le bon sens, ce n’est clairement plus aussi choquant que ça devait l’être à l’époque, mais de par son sujet (la sexualisation de deux adolescentes qui adorent le diable) c’est une bobine qui risque d’en surprendre quelques-uns encore aujourd’hui, genre ceux qui sont choqués par un bisou dans The Last of Us. Quoi qu’il en soit, j’ai été agréablement surpris par le film qui était meilleur que je ne l’imaginais, c’est pourtant un peu inégal dans sa narration, la faute à un manque de fil rouge qui fait qu’on a régulièrement l’impression de voir une succession de scénettes souvent trop étirées, mais à partir du moment où on accepte l’idée de suivre deux jeunes filles dans leurs provocations sataniques et/ou sexuelles ça se suit plutôt bien.

Chose surprenante, le film est tiré du même fait réel qui donnera lieu à Heavenly creatures, sauf que là où le film de Peter Jackson se veut assez proche de ce qui s’est réellement passé, ici on sent que c’est plus un point de départ dont Joël Séria profite pour développer quelque chose de plus porté sur la provocation. Ça ne manque pas de séquences marquantes (le passage avec le fermier, le meurtre, le mariage sur la barque, le final), plus pour leur contenu que pour la façon dont elles sont illustrées visuellement, mais ce manque de rigueur formel n’est pas spécialement gênant, je trouve que ça donne même un certain charme au film qui crée un contraste entre son contenu sulfureux et la façon dont il le filme, comme s’il montrait quelque chose d’absolument banal. Le casting est correct sans être particulièrement marquant, on retient surtout les deux actrices principales qu’on sent très impliquées malgré leurs limites de jeu. Pas un grand film, mais tout de même une sympathique curiosité d’époque grâce à son ambiance très particulière.

6/10

[Alegas]

The Island of Dr. Moreau (L'île du docteur Moreau) de Don Taylor
(1977)

Un film que j’ai regardé surtout parce que Burt Lancaster, mais sinon fallait avouer que ça ne donnait pas spécialement envie. J’ai l’impression de toute manière que les adaptations de L’île du docteur Moreau, hormis celle faite dans les années 30 avec Charles Laughton, ont toutes une mauvaise réputation, et dans le cas de celle-ci ça me paraît assez mérité car quand bien même on est loin d’être devant une purge, c’est quand même un film particulièrement paresseux et mal foutu. Je n’ai plus trop de souvenirs concernant l’action du livre (que j’aime bien mais sans plus) donc je serais bien en peine de dire si c’est fidèle, mais ça ne m’a pas paru en tout cas très éloigné, et pourtant j’ai ressenti assez vite un ennui que je n’avais pas eu devant l’ouvrage. C’est sans doute à cause d’un manque flagrant d’intentions concernant la narration et la mise en scène : tout donne l’impression que le film est raconté de la façon la plus simple possible, sans aucune volonté de mystère (l’arrivée sur l’île est complètement loupée), de suspens, de profondeur, et d'ambiguïté, alors que ce sont clairement des éléments qui marcheraient avec un tel matériau.

Faut dire que le réalisateur choisi est loin, très loin, d’être un foudre de guerre : Don Taylor est un gars pas spécialement doué dont le meilleur film à mes yeux (Escape from the planet of the apes) ne l’est pas grâce à sa réalisation qui navigue entre le fonctionnel et le cheap, et c’est un peu la même chose ici avec une réalisation dénuée d’idées, et où chaque cadre donne le sentiment que la caméra a été posée là un peu par hasard ou flemme. Bref, entre la mise en scène qui ne crée pas de plus-value, la narration qui ne donne pas envie de s’impliquer en tant que spectateur, un rendu globalement cheap (les maquillages sont souvent pas terribles du tout) et un casting qui a l’air d’y croire moyen, autant dire que le résultat final ne brille pas particulièrement. Reste donc Lancaster qui surnage au milieu du reste de la distribution (sans toutefois livrer une prestation mémorable), et un climax final pas avare en cascades dangereuses avec des animaux sauvages, mais c’est bien peu. Globalement, malgré le fait que ça reste regardable, j’en retiens surtout un film cheap et mal branlé.

4/10

[Alegas]

La crise de Coline Serreau
(1992)

Je n’avais jamais vu d’autres films de Coline Serreau hormis Trois homme et un couffin ainsi que sa suite, c’est désormais chose faite. Et pour le coup c’est quand même très différent des deux films cités, et je commence un peu à comprendre pourquoi, au lycée, on n’arrêtait pas de me parler de ce film (ainsi que de La belle verte), car c’est typiquement le genre de bobines qui peuvent parler aux ados en manque de critique de la société. Le pitch est on ne peut plus simple : un mec se réveille un matin, se rend compte que sa femme l’a quitté, et se fait licencier quelques heures après. Du coup, il cherche du réconfort auprès de ses proches en se plaint à qui veut l’entendre, mais à chaque personne qu’il rencontre il va se retrouver dans des situations cocasses où on lui fait bien comprendre qu’il n’est pas le seul à avoir des problèmes, ce qui le pousse encore plus dans un état d’esprit de solitude absolue.

Pour le coup, j’avoue que j’y ai cru pendant les 45 premières minutes qui sont plutôt solides, ça accumule les situations WTF (mais toujours ancrées dans le quotidien) avec un certain talent comique, notamment dans les dialogues qui fusent dans tous les sens à une rapidité déconcertante, et déjà que les passages dans la famille qui va au ski ou dans la salle d’attention de l’ami docteur sont pas mal, mais alors le passage avec la mère qui quitte son homme et ses enfants c’est vraiment savoureux ("Tes problèmes de boulot, tes problèmes avec ta femme, tes problèmes de fric, tes problèmes en général et en particulier, moi ta mère, je m'en fous comme de l'an quarante, tu m'entends ? Je m'en fous, mais alors je m'en fous, je peux pas te dire à quel point je m'en fous. Je n'en ai vraiment rien, rien, rien à foutre." ).

Si en plus on rajoute le duo improbable formé avec Lindon et Timsit, ça commence vraiment bien, mais malheureusement avant que la première heure ne se termine on capte que Serreau n’arrive pas à faire évoluer sa formule, et le film devient alors particulièrement redondant. C’est simple : autant j’ai beaucoup ri sur le premier tiers du métrage, autant le reste m’a globalement laissé froid à quelques exceptions près, et à cela s’ajoute un côté donneur de leçons de la part de Serreau que je trouve assez mal venu, on a l’impression de voir une comédie sympathique qui veut d’un coup se donner des grands airs moralisateurs, c’est clairement pas la meilleure orientation. Ceci dit, le film a beau avoir plus de trente ans, ça reste très actuel dans ce que ça raconte, et il y a plusieurs monologues qui résonnent encore, en particulier un monologue de Zabou Breitman sur lequel beaucoup de femmes peuvent se retrouver.

Côté mise en scène c’est comme Trois hommes et un couffin, à savoir particulièrement fonctionnel et sans personnalité, de la comédie française lambda d'un point de vue formel, heureusement que c’est compensé par un montage qui gère plutôt bien les joutes dialoguées. Et côté casting c’est plutôt bien tenu, faut juste adhérer à Timsit qui joue un personnage un peu particulier, mais sinon Lindon joue très bien la victime persuadée d’être la plus malheureuse du monde, et on a un casting féminin de qualité. Dommage que le film n’arrive pas à conserver sur la longueur le niveau de son début, car ça aurait clairement pu prétendre à une meilleure note.

5,5/10

[Alegas]

Noyade interdite de Pierre Granier-Deferre
(1987)

Grosse déception pour le coup, non pas que j’attendais spécialement un grand film, surtout de la part de Pierre Granier-Deferre qui a souvent une mise en scène un peu trop sage/pépère, mais bon j’attendais au moins un film d’enquête divertissant et même sur ce point c’est raté. Alors clairement, ce n’est pas l’intention du métrage d’avoir l’enquête au centre des attentions, on a beau avoir des cadavres découverts sur une plage, un policier têtu qui veut connaître le fin mot de l’histoire, un autre qui enquête sur son collègue en sous-marin, et des suspects qui n’en sont pas vraiment, on sent bien que c’est surtout un contexte plus qu’autre chose, et que l’intérêt du film se trouve ailleurs.

Du coup, ce qui intéresse le réalisateur ici, c’est plus l’ambiance d’une bourgade française en bord de mer (une petite commune du côté de Royan), les relations entre habitants, et… c’est tout. Ça donne du coup un film particulièrement mou, rapidement pas captivant pour un sou, et j’ai souvent eu l’impression que le réalisateur avait tellement conscience de ça qu’il essayait de mettre un maximum de femmes dénudées à l’écran pour réveiller son spectateur (ce qui marche un peu, on va pas se mentir, mais on retombe rapidement dans l’ennui ensuite). Toute la partie enquête est franchement nulle, la conclusion tombe à plat comme rarement (on s’en fout complètement de qui a commis les meurtres), et il n’y a pas le moindre arc narratif qui permet de sauver l’ensemble, même la relation entre Noiret et Marchant a du mal à fonctionner. Du coup, je retiens peu de choses du film : la prestation de Noiret, excellent comme très souvent, la galerie de personnages improbables, l’ambiance qui change des enquêtes en milieu urbain, et quelques corps dénudés, le reste est déjà complètement oublié.

3/10

[Jed_Trigado]

Même avis dans le sens ou il ne faut pas le prendre pour un film d'enquète, sauf que la sauce a pris chez moi : on sent le film bien chill avec un Noiret façon Coup de Torchon + Guy Marchand dans un role de gros rat + l'ambiance bord de mer, je valide.

Pas sur que je le revoie, mais j'ai pas boudé mon plaisir.

[Alegas]

Babygirl de Halina Reijn
(2024)

Bon je suis un peu emmerdé sur celui-ci car même si je vois ce que le projet veut faire, en termes de portrait de femme quinquagénaire qui résonne étrangement avec la star qui l’incarne, et qui voit sa sexualité subitement revitalisée suite à la rencontre avec un homme bien plus jeune qu’elle, j’avoue que je n’ai pas accroché plus que ça. Pire encore, je trouve que le film ne va pas vraiment au bout de ses intentions et se contente de s’arrêter en chemin, et au lieu d’avoir une sorte de constat de la sexualité féminine à notre époque, on a finalement plus un drame assez quelconque avec les passages obligés (la révélation de la relation et la rencontre du triangle amoureux) et un final qui me paraît bien trop facile quand on voit ce qui a précédé. Le début est plutôt intriguant avec les prémices de la relation et la façon dont elle va se mettre en place, on est loin de ce qu’on a déjà pu voir dans nombre de thrillers à tendance érotique, et le fait d’avoir toujours exclusivement le point de vue féminin (d’une femme de pouvoir en plus), jusque dans la façon dont il est mis en scène (le premier orgasme), aide à ce côté rafraîchissant.

Mais encore une fois, c’est dommage que le film utilise de telles cartouches pour un résultat aussi convenu et classique : arrivé à la moitié du film (en gros quand Kidman accepte pleinement l’exutoire sexuel), ça se range vite sur des rails narrativement, avec des personnages qui vont découvrir la vérité, du drama qui va se créer, et souvent pour un résultat vraiment pas convaincant (sérieux la scène avec le boss qui se fait rembarrer par Kidman ça ne sert strictement à rien, si ce n’est contenter un public qui ne jure que par #MeToo, on entend plus jamais parler de ce perso ensuite). Côté casting c’est pas mal avec le duo Kidman/Dickinson qui marche bien, même si le reste de la distribution a un peu de mal à exister en parallèle, et par contre j’ai détesté la BO qui me paraît complètement hors-propos. Bref, j’en ressors très mitigé, et ça confirme plus ou moins l’idée que je m’étais fait du film à la vue du trailer en salles il y a quelques mois.

5/10

[Alegas]

Materialists de Celine Song
(2025)

Je ne savais pas trop quoi en attendre vu la réception un peu mitigée du film outre-Atlantique et chez nous, mais de mon côté ce second film de Celine Song fait bien plaisir, même si on est clairement un bon gros cran en-dessous de son précédent, qui était une pure réussite. Alors déjà, en ce qui me concerne, la grosse surprise est que ce Materialists a beau avoir un pitch qui rappelle forcément celui de Past lives (un triangle amoureux dans lequel la femme doit faire un choix), on est clairement pas face à la même histoire. Ici, c’est plutôt un point de départ pour une analyse de ce qu’est la conception du couple au 21ème siècle, à l’heure où tout le monde est connecté l’un à l’autre sans l’être réellement, et où le mariage est encore, d’une certaine façon, une transaction entre deux partenaires, seulement perçue de façon différente.

Du coup, on a un personnage principal très intéressant en la personne d’une femme travaillant pour une agence de rencontre XXL, complètement cynique sur la façon dont elle analyse la notion même de couple, et qui, par la force des choses, va être confronté à un choix cornélien : un homme qui possède le même point de vue qu’elle et peut lui offrir une vie à l’abri du moindre besoin, et un autre qui l’aime de façon passionnée, mais dont les perspectives de vie sont clairement plus aléatoires. Alors évidemment, on sait très bien quel sera le choix final, et pour le coup Past lives tombait beaucoup moins dans quelque chose de prévisible, mais je n’ai pas tant l’impression que ce soit ce qui intéresse Celine Song ici, en témoigne la séquence d’ouverture très intrigante, qui paraît hors-sujet au premier abord, mais qui pose finalement la note d’intention du métrage. C’est à la fois la force et la limite du film : la réflexion sur le couple et les raisons qu’ont deux personnes à se mettre ensemble font que ce n’est pas la comédie romantique habituelle, mais d’un autre côté cette analyse prend trop souvent le pas sur les personnages eux-mêmes, ce qui peut donner l’impression d’arcs narratifs quelques peu fonctionnels.

De mon côté, ça ne m’a pas spécialement dérangé, ce n’est certes pas une romcom que je regarderais plusieurs fois, mais ça a le mérite d’essayer de proposer quelque chose de différent dans une structure finalement vue mille fois ailleurs, et surtout ça permet de proposer une variation pertinente de Past lives, même si moins réussie. D’autant que ce film permet de confirmer un vrai talent de la part de la réalisatrice, qui arrive à insuffler une forme de douceur indescriptible dans sa mise en scène, ça peut paraître formellement très classique au premier abord, mais on sent néanmoins un travail évident dans le rythme, la façon de poser les personnages dans le récit, leurs évolutions, bref c’est un film qui a tendance à me faire penser que Celine Song a une identité bien à elle. Si on rajoute en plus le fait qu’elle confirme un talent certain pour la direction d’acteurs (Dakota Johnson, actrice que je ne supporte généralement pas, est très bien ici), ça me rend très curieux vis à vis de la suite de sa carrière.

7/10

[Alegas]

Scorpio de Michael Winner
(1973)

Un petit film d’espionnage malheureusement très moyen, et c’est d’autant plus dommage que les têtes d’affiche sont carrément bandantes (j’imagine que, comme moi, beaucoup découvrent le film uniquement pour ça) à savoir Burt Lancaster et Alain Delon. Pour moi le film a deux gros problèmes qui l’empêchent d’être une valeur sûre du genre, et en premier lieu on peut clairement dire que la mise en scène n’est pas vraiment au niveau de ce que ça raconte. Je n’ai personnellement rien contre Michael Winner, mais de tout ce que j’ai vu du bonhomme on peut difficilement dire que c’est un metteur en scène avec une patte formelle marquante, on sent une envie de bien faire mais globalement ça reste souvent fonctionnel et on ne peut pas dire que le mec balance des plans marquantes à la pelle. C’était déjà un problème sur ses westerns qui ressemblaient un peu à des téléfilms, et c’est globalement un argument que je pourrais ressortir ici, même si pour le coup ce n’est pas tant la beauté de l’image qui est à remettre en cause (après tout, l’espionnage 70’s c’est aussi quelque chose de gritty dans l’âme) mais plutôt l’efficacité des scènes, en témoigne les quelques climax qui ne sont pas aussi marquants qu’ils pourraient l’être.

Et puis vient le script, qui aurait clairement gagné à être resserré car quasiment deux heures pour ce que ça raconte c’est clairement trop, je pense que le film aurait gagné à avoir une vingtaine de minutes en moins quitte à sacrifier quelques péripéties. Car le métrage ne cherche clairement pas à être quelque chose dans le style de The Conversation, pour le coup on est plutôt dans un mix espionnage/action qui me paraît voulu de base, et malheureusement pour que ça fonctionne il faudrait un rythme impeccable, ce qui n’est pas vraiment le cas ici. Le film abuse de séquences dialoguées qui ne font pas évoluer l’intrigue, et ne creusent pas tant que ça les deux héros (le film manque cruellement d'émotion et donc d'implication, alors qu'on tue du perso important dans le dernier acte), du coup il y a des passages entiers où on a l’impression que le film est mis sur pause avant de reprendre quelques minutes plus tard. Heureusement, la bobine possède des moments assez réussis, genre le final sans concessions (qui rappelle un peu celui The Mechanic, mais en plus dark) ou la poursuite sur le chantier, une séquence qui ne brille pas forcément par son montage ou sa mise en scène, mais qui est efficace notamment grâce à des cascades réalisées par les acteurs eux-mêmes.

Lancaster est plutôt cool dans ce rôle d’espion qui a donné son existence pour son pays et qui se voit désormais traqué par ce dernier, quant à Delon c’est une autre histoire car même s’il est bien choisi pour son personnage, on le sent clairement moins impliqué, il est plus en mode automatique. Concernant ce dernier, j’ai eu l’impression pendant tout le film qu’il était doublé par quelqu’un d’autre, ou mal doublé par lui-même en post prod, je n’ai pas réussi à trouver l’info sur le net mais j’imagine qu’il y a la possibilité qu’il ne se débrouillait pas super bien avec l’anglais, ce qui a forcé à cette méthode, bref ça n’aide pas vraiment à rendre sa prestation meilleure. A l’arrivée, il y a un métrage à la note d’intention meilleure que ce qu’on a à l’écran. Après c’est loin d’être un film déshonorant, loin de là, mais vu le casting et le pitch il y avait clairement moyen d’avoir mieux que ça.

5/10

[Alegas]

L'accident de piano de Quentin Dupieux
(2025)

Assez déçu pour le coup, j’en ressors avec le même sentiment mitigé que j’avais lors du visionnage du précédent Dupieux, Le deuxième acte. Concrètement il y a des éléments étonnants dans celui-ci, avec Dupieux qui se permet un discours plus sérieux que d’habitude, cette fois sur la toxicité de la célébrité, sur ses dérives, via un personnage qui refuse de s’ouvrir aux autres et qui, en voulant préserver son intimité, se fait détester par les autres. Le personnage principal a une ambiguïté bienvenue, ça vient apporter un peu de noirceur là où on n’est pas forcément habitué à en avoir, bref il y avait un certain potentiel avec ce personnage, mais j’ai souvent eu l’impression que Dupieux ne faisait que égratigner la surface de son sujet, et préférait faire des allers-retours plutôt que créer de la profondeur.

A la limite, je pourrais accepter ce défaut si, à côté de ça, le film était une comédie efficace, mais comme Le deuxième acte c’est assez avare en passages comiques. On rigole de temps en temps pour le délire autour de Magaloche ou le passage dans l’hôtel avec les meurtres qui s’enchaînent , mais sinon les gags gravitent souvent autour des mêmes concepts (l’interview), ce qui rend l'ensemble un peu usant à force. Pour le coup, je me rends compte que je préfère largement quand Dupieux part dans des gros délires non-sensiques, c’est là où je le sens plus à l’aise, plus dans son univers, car dès qu’il a quelque chose à dire c’est nettement moins bien construit et plus anecdotique à l’arrivée. Heureusement, il y a Adèle qui s’en sort bien dans un rôle pourtant particulièrement ingrat (faut voir la gueule qu’elle se tape dans certaines scènes ) et c’est clairement elle qu’on retient du film. C’est très moyen donc, et j’espère que Dupieux reviendra par la suite à des films plus dans l’esprit de Daaaaaali ! ou Mandibules.

5/10

[Alegas]

Crazy rich asians de Jon M. Chu
(2018)

Je sentais le truc naze de très loin, et même si c’est moins pire que je ne l’imaginais j’avoue être très perplexe devant le succès qu’a eu le film à sa sortie (mais bon globalement je trouve que c’est toute la carrière de Jon M. Chu qui est une imposture). On a donc ici une comédie romantique tout ce qu’il y a de plus classique dans son déroulement et son utilisation des codes du genre, l’originalité va plutôt venir du contexte, puisqu’on est dans avec un casting exclusivement asiatique, et où on suit une jeune américaine qui va rencontrer la famille de son fiancé, sauf qu’elle ne sait pas que cette même famille est la plus riche de Singapour, et va donc subir toutes les pressions liées au fait qu’elle est en couple avec le futur héritier d’une colossale fortune.

Si vous lisez ce pitch et que vous avez vu quelques comédies romantiques dans votre vie, vous pouvez déjà à peu près imaginer ce que va raconter le film, et nul doute que vous viserez juste : l’héroïne va évidemment tout faire pour prouver qu’elle est à la hauteur, avant de douter de ses capacités, il y a tout un humour qui découle du fait qu’elle n’est absolument pas à l’aise avec une haute société qu’elle n’a jamais connue, son homme essaye tant bien que mal de la protéger d’une famille envahissante, le couple va être mis à mal sur le dernier acte, mais évidemment tout se termine dans la joie et la bonne humeur. Un côté sans surprises qui doit au fait que tout le film donne l’impression d’être fonctionnel, et on a beau avoir quelques personnages sympathiquement drôles, ils ne sortent jamais de la boîte dans laquelle ils sont casés à la base, entre le designer gay qui transforme l’héroïne en attraction d’une réception, la meilleure amie complètement fofolle, ou la mère possessive qui veut la meilleure femme du monde pour son fils. Tout est sur des rails, ce qui permet au métrage d’avoir ses quelques moments drôles, le souci c’est que tout cela se fait dans un contexte que je trouve personnellement assez puant, et qui vient annihiler la moindre once de sincérité que le projet peut avoir.

Concrètement, c’est un film qui parle quasiment uniquement de problèmes de riches, et ça se complaît du début jusqu’à la fin dans une narration qui rend ultra cool des modes de vie absolument indécents, genre c’est tout à fait normal d’avoir, pour un enterrement de vie de garçon, la privatisation d’un tanker pour y faire la fête, ou d’une île privée pour bronzer tranquille. Nul doute que la volonté du film est de mettre des étoiles plein les yeux, en vendant le fantasme de la thune illimitée, des voitures et fringues de luxe, et des lieux paradisiaques, mais du coup ça crée quelque chose de complètement artificiel qui est paradoxal par rapport à l’histoire d’amour qu’on nous raconte, qui est censée aller au-delà de toute notion financière. C’est d’autant plus vrai que, visuellement, le film est emballé comme une énorme pub pour l’office du tourisme de Singapour, ce qui n’est pas une surprise de la part d’un réal commercial à souhait, juste bon à être associé à des IP de renoms. En l’état, c’est une romcom qui me paraît louper ce qu’elle cherche à raconter, trop occupée à se noyer dans les paillettes, au détriment de la sincérité simple de sa romance.

4,5/10

[Alegas]

Hardball de Brian Robbins
(2001)

Un petit film sympathique que voilà, c’est clairement pas une bobine qui va marquer le genre mais par contre le fait que ça parle d’une équipe junior fait que c’est un métrage qui peut être parfait pour introduire un enfant au film sportif en général. C’est un peu la force et la faiblesse du film, à savoir que c’est plutôt efficace dans ce que ça raconte, mais en revanche si on a vu quelques films du même style dans sa vie c’est particulièrement prévisible, avec des persos fonctions aux arcs narratifs attendus (le coach qui fait le boulot dans le seul but d’éponger une dette, le plus jeune des gamins à la motivation sans égale, celui qui va prendre une direction borderline, le lanceur prodige, la prof qui sert de love interest, etc…) et évidemment un schéma sportif sur des rails, avec l’équipe underdog qui va remporter un championnat.

Ça enlève donc beaucoup de spontanéité à l’ensemble, mais encore une fois c’est assez efficace pour qu’on le pardonne au moins en partie, et la séance s’est donc avérée plutôt plaisante, d’autant qu’il y a une vraie alchimie entre Keanu Reeves et les gamins du casting (dont parmi eux un tout jeune Michael B. Jordan). On se prend donc assez aisément à cette histoire et ces personnages, mais on sent en revanche que la mise en scène n’élève pas le tout, genre dès qu’il faut créer du suspens (le gamin qui veut rentrer chez lui) ou de l’émotion (le dernier acte) le film fait vraiment cheap et artificiel, et pour le coup je pense vraiment que c’est le réal le problème, surtout quand on voit que c’est le mec qui, par la suite, signera certains des pires films d’Eddie Murphy. Bref c’est mignon à regarder, et je pense que ça peut toucher une corde sensible chez les amateurs de baseball et de hood movies, mais on va pas se mentir ça reste juste un petit divertissement potable.

6/10

[Alegas]

Jurassic World Rebirth (Jurassic World : Renaissance) de Gareth Edwards
(2025)

Je n’attendais pas un miracle avec celui-ci car mine de rien le dernier bon film de la saga remonte plus de 25 ans, et que même un réalisateur comme Bayona s’y est cassé les dents (même s’il a signé le meilleur film depuis les Spielberg), mais j’avoue que le fait d’avoir Gareth Edwards à la barre me laissait espérer quelque chose d’un minimum potable. A l’arrivée, il y a un film assez frustrant car au sein du métrage il y a clairement de quoi donner un chouette divertissement, mais c’est sans cesse gâché par ce qui ressemble à des notes d’exécutifs pour rendre le film plus familial.

Pour la première fois chez Edwards, on a pas tant que ça l’impression de voir un de ses films, la faute sûrement au fait qu’il a été amené très tardivement sur le projet pour remplacer au pied levé un autre réalisateur (David Leitch, bonjour le niveau voulu à la base ), et qu’il n’a sûrement pas eu la même implication artistique qu’il a pu avoir auparavant. C’est quelque chose qui se ressent sans cesse, on a pas la même montée en puissance que sur ses films précédents, et même dans la mise en scène cette dernière est clairement moins appliquée, notamment dans le jeu des échelles qui est généralement une des forces du réalisateur et qui est ici désespérément absente. La première demi-heure du film est pas mal du tout avec une ouverture qui replace les dinosaures en tant créatures horrifiques, des enjeux simples, ressérés (trois dinosaures à trouver sur une île pour prélever leur sang pour une société pharmaceutique), une équipe de commandos en tant que protagonistes, une séquence de chasse sur mer qui joue à fond le côté aventure qu’on avait perdu sur les trois derniers films, bref ça sentait bon.

Mais ça, c’est avant l’arrivée d’une famille qui rejoint les héros, et là pour le coup on a vraiment l’impression de voir un tout autre film qui esseaierait désespérément de s’insérer dans celui qu’on regardait jusqu’ici. Dans ce nouveau groupe, tous les personnages sont nuls à chier, entre le père et son arc narratif vu et revu, la fille la plus jeune qui prend un dinosaure dans son sac à dos et personne ne dis rien parce que soi-disant “ça lui permet de mieux vivre la situation” , et le pire du pire : le gendre qui est là juste pour faire des blagues qui tombent toutes à plat . Non vraiment il n’y a rien à sauver de ce groupe qui ne fait qu’alourdir et allonger un film qui se tenait bien jusqu’ici, surtout que toutes leurs péripéties sont particulièrement oubliables, même le passage avec le canot qui adapte pourtant un moment du premier roman et que Spielberg avait coupé dans son film.

Alors heureusement, il y a quand même le groupe de Scarlett qui remonte le niveau, mais même là on ne retrouve jamais le niveau du passage en mer, la faute à une écriture très prévisible (on sait d’avance qui va crever et ce que va faire le bad guy), et des effets visuels vraiment pas au niveau (le passage du rappel sur la falaise ). Même le climax final est décevant, n’étant juste qu’une partie de cache-cache avec des créatures pas convaincantes : c’est une chose de créer de nouveaux dinosaures pour apporter un challenge et de la diversité par rapport à ce qu’on avait déjà vu, mais dans ce cas autant y aller à fond car là les nouveaux raptors sont nazes, et le fameux D-Rex qu’on nous tease dans la promo est juste là pour tuer le bad guy . Énième preuve que le film n’a pas le courage d’aller au bout de ce qu’il entreprend : le sacrifice final où au final on apprend que le mec a survécu c’est juste nul, gros facepalm sur ce passage .

Formellement c’est pas honteux mais pas glorieux non plus, Edwards fait probablement ce qu’il peut sur un film sur lequel il n’a pas vraiment de contrôle, ça se voit particulièrement sur le montage où la géographie des lieux change d’un plan à l’autre. C’est dommage du coup que le film possède finalement peu de réels moments de tension ou de frayeur. Côté BO le fait d’engager Desplat était un move intrigant, mais à l’arrivée ça donne une soundtrack très oubliable, et qui n’est remarquable que quand les thèmes de Williams sont réutilisés, gros loupé de ce côté là . Par contre côté casting c’est pas mal si on excepte la famille super chiante, le groupe de commandos marche bien, et ça fait du bien de voir Scarlett en action girl dans un contexte moins fantaisiste que dans les autres blockbusters qu’elle a fait jusqu’ici (et puis la voir en sueur avec son débardeur est une vision pas déplaisante ). A l’arrivée, c’est juste un film très moyen, et encore une fois frustrant car si on enlève certains éléments on a un divertissement plus concis, efficace et moins family-friendly à outrance. C’est évidemment bien meilleur que les films de Trevorrow, mais à choisir je crois que je préfère encore le Bayona qui avait au moins le mérite d’aller au bout de son délire.

5/10