Petite déception pour le coup car même si la fin de carrière américaine de Fritz Lang n’est clairement pas sa meilleure, j’avais quand même été plutôt convaincu par
Beyond a reasonnable doubt, et du coup j'espérais quelque chose à peu près du même niveau. Déjà, j’ai été plutôt surpris de constater que malgré les apparences, on n’est pas vraiment en face d’un film noir. Ok il y a un meurtre dès les premières minutes, et ok il y a plusieurs femmes fatales, mais pour le reste on est plutôt devant un petit film d’investigation tendance journalistique, ce qui change pas mal la donne du sujet et son traitement. Car au final, ce n’est pas tant le meurtre ou le meurtrier qui intéresse ici Lang (d’ailleurs, l’identité du tueur est donnée dès les premiers plans, et on ne le voit finalement que très peu sur l’ensemble du métrage), mais plutôt toute la petite guerre qui va se jouer au sein d’une entreprise journalistique, avec un jeune patron fraîchement arrivé qui organise une compétition au sein des directeurs des différents services de sa boîte, promettant un meilleur poste à celui qui arrivera à terminer l’affaire des meurtres en beauté.
Du coup, tout le film est plus un jeu de faux-semblants entre ces différents personnages, certains indiquant clairement leur intention de gagner à tout prix, d’autres feignant l’indifférence pendant qu’ils tirent d’autres ficelles en coulisses, et parmi eux un présentateur qui va carrément provoquer le tueur en direct à la télévision. Ça donne un film assez étrange car même s’il y a un côté jouissif de voir tout ce beau monde se mettre sur la tronche pour une simple promotion (et ça va quand même loin, l’un des participants essayant même d’influencer son boss via sa femme avec qui il entretient une relation extraconjugale), on a quand même du mal à comprendre ce qu’essaye de dire Lang à travers ce film au-delà de la critique habituelle de la presse. Pour le coup, par rapport à d’autres films avec un contexte similaire, genre le
Park Row de Fuller, je trouve que ça manque clairement de quelque chose pour rendre l’ensemble prenant. Le rythme est inégal (la première demi-heure j’ai clairement eu du mal à accrocher), Lang est formellement en retrait sur la totalité du film à quelques plans près, il y a quelques invraisemblances (pas compris par quel hasard la dernière victime du tueur, qui est la femme infidèle, se retrouve être la voisine de palier de la copine du présentateur, ça paraît hyper gros

) et les personnages n’ont pas ce qu’il faut en termes d’écriture pour qu’on s’attache à eux, ils restent globalement des personnages très fonctionnels.
Du coup, les qualités du métrage vont plus se trouver dans la façon de gérer les personnages féminins forts (en particulier Ida Lupino), dans l’humour, ou dans une course-poursuite dans les tunnels du métro (malheureusement trop courtes, Lang n’as pas assez de temps pour bien exploiter le lieu). Sinon, je noterais la présence de la craquante Sally Forrest avec ses cheveux courts

, on sent que Lang aime bien ce personnage vu qu’il y a beaucoup d’érotisme sous-jacent dans les dialogues et situations (la nuisette “trop transparente” montrée à la fin

). Bref, dans la fin de carrière US de Lang, c’est quand même mieux que
Moonfleet, mais encore une fois je préfère nettement celui qu’il signera quelques mois plus tard, et qui lui ressemble plus.