Mission : Impossible - Rogue Nation de Christopher McQuarrie
(2015)
On aurait pu penser que le pinacle de la saga avait été atteint par Brad Bird avec le quatrième opus, mais la saga Mission:Impossible est décidément pleine de surprises et offre, avec ce cinquième épisode, un spectacle au moins aussi réjouissant que Ghost Protocol. D’une certaine manière, le choix de McQuarrie à la réal pour ce nouveau film est un choix plutôt logique, d’une part parce que lui et Tom Cruise avaient eu l’occasion de bosser ensemble sur le réussi Jack Reacher, et d’autre part parce qu’il a une mise en scène qui s’inscrit dans la logique de celle de Brad Bird, à savoir un travail formel qui peut paraître assez passe-partout à première vue (on est loin des styles très assumés et visibles de Brian De Palma et John Woo) mais qui est en réalité d’une maîtrise totale, que ce soit dans l’action ou la narration.
En cela, Rogue Nation est vraiment la suite inespérée de Ghost Protocol (d’autant plus que le Syndicat était déjà teasé à la toute fin du 4) : un divertissement généreux à souhait, super bien foutu, enchaînant les climax à un rythme dingue, et privilégiant une dynamique d’équipe qui permet d’avoir aussi une touche de comédie très réussie. Et puis, pour le coup, ce film arrive à régler un défaut récurrent de la franchise, qui n’a jamais vraiment brillé par ses bad guys. Ici, McQuarrie reprend un peu le logique de celui joué par Philip Seymour Hoffman dans le troisième film (en gros un mec qui ne fait pas peur au premier abord, mais qui s’avère être particulièrement froid et calculateur, au point qu’Ethan Hunt finit par le craindre) mais avec une logique XXL : dès le début, Hunt est piégé, ses capacités sont remises en doute, et l’IMF est sur le point de se faire démanteler par la CIA, autant dire qu’on a des enjeux plutôt cools.
Mais les bons ajouts ne s’arrêtent pas là, puisque non seulement McQuarrie ajoute un équivalent maléfique de Hunt, mais il lui apporte aussi un alter-ego féminin en la personne d’Ilsa Faust. Ce personnage, c’est à mon sens la plus grande qualité d’écriture du métrage (chose qui doit beaucoup à Rebecca Ferguson qui était, mine de rien, une sacrée révélation à l’époque), qui permet de retrouver un aspect romantique (quand bien même c’est uniquement suggéré, pas de love story) mais aussi d’instaurer une dynamique inédite avec Ethan Hunt, qui n’est plus le seul membre capable de tout dans son équipe. Mine de rien, c’est un choix d’autant plus appréciable que Cruise aurait largement pu recentrer sa franchise autour de sa personne, mais on sent qu’il a retenu les leçons du second opus, et que son personnage n’est jamais aussi intéressant que quand il agit dans un esprit de collaboration. Bref, c’est peut-être bien l’épisode le mieux écrit de la saga, avec un équilibre idéal à tous les niveaux, et qui s’avère même assez profond sur certains aspects, en témoigne le fait que la trame du film fasse écho avec celle de l’opéra joué dans la scène à Vienne (et pour le coup, je doute que ce soit un hasard, car le thème musical de ce même opéra refait surface à des moments clés du métrage).
Formellement, McQuarrie se fait grave plaisir à enchaîner les moments forts : l’opéra est une séquence hitchcockienne en diable (le coup de la note signifiant l'assassinat est une référence évidente à The man who knew too much) impeccable autant dans l’action que dans le découpage qui permet de comprendre absolument tout ce qui se passe alors que les enjeux sont sans cesse modifiés, l’infiltration au Maroc est un beau morceau de tension, la course-poursuite à Casablanca est mortelle, etc… Et puis le film fait le choix très couillu de finir sur un climax très simple qui joue plus sur un aspect psychologique que sur l’action, chose qui fait immédiatement sens vu le bad guy qui ne peut être confronté comme antagoniste habituel. Non vraiment il n’y a pas grand chose à redire sur ce film qui est impeccable, et qui s’impose à mes yeux comme le meilleur épisode de la franchise, à égalité avec le Brad Bird.
8/10