Il en aura eu une production bien compliquée ce dernier opus. Entre le tournage back to back initialement prévu et qui n’avait pas été permis à cause du COVID, et la réception en demi-teinte de
Dead Reckoning qui a poussé Cruise et McQuarrie à revoir leur copie, la fabrication de ce huitième film a été sacrément chaotique et malheureusement ça se ressent pas mal sur le résultat final. Alors bon, histoire de clarifier d’entrée, j’apprécie tout de même le spectacle, d’autant que ça joue vraiment la carte du grand final, et ayant un rapport très fort avec la saga (dont j’aime finalement chacun des films, quand bien même certains sont nettement moins bons) ça me fait bien plus vibrer qu’un blockbuster lambda.
Par contre, et toujours en rapport avec cette histoire de grand final, le film n’est pas aussi bon qu’il souhaiterait l’être. On sent une volonté d’être la conclusion ultime d’une saga qui aura durée trois décennies, et autant il y a quelques séquences qui marquent indéniablement la rétine, autant dans l’ensemble on sent quand même un métrage qui aurait mérité d’être plus concis, plus épuré, et qui souffre de la réception du film précédent. Bref, on est pas sur un film au niveau du pinacle de la saga (
Ghost Protocol/
Rogue Nation/
Fallout) et c’est bien dommage car à mon sens il y avait matière à atteindre ce level. Concrètement, le film est la suite quasi directe du précédent, avec l’Entité qui s’apprête à contrôler les puissances de frappe nucléaires, et l’équipe de l’IMF qui reste le seul espoir de la détruire puisque en possession de la clé qui permettrait d’atteindre son code source.
Bon déjà j’avoue que le tout début décontenance un peu avec le fait que ça se passe quelques semaines plus tard et qu’on a des gros changements de situations, entre Gabriel (qui est toujours un bad guy pas terrible) désavoué par l’IA, le monde entier qui est dans une sorte d’état d’urgence, l’ancienne directrice de la CIA qui est devenue Présidente, Luther devenu à priori malade en phase terminale, ça fait mine de rien beaucoup d’éléments à introduire. Et ça, ça n’aide pas beaucoup un film qui, sur sa première heure, n’est quasiment que de l’exposition. Le fait que ce ne soit plus considéré comme une Part 2, mais comme un film à part entière, fait que McQuarrie répète inlassablement les enjeux du précédent film (qui était déjà pas mal en termes d’exposition lui aussi), et doit en rajouter encore une couche avec toutes les nouvelles informations. Entre ça, le montage qui fait des inutiles retours en arrière incessants, et la foire aux flashbacks (franchement ça pourrait être fun de faire une compilation de la totalité des extraits des précédents épisodes, car à mon avis on est pas loin de cinq minutes entières qui ne sont que ça

), la première heure est franchement pénible à suivre, et il faut attendre le moment où Hunt est lâché par la Présidente pour que ça décolle enfin.
A partir de là, on a enfin l’impression de revoir un bon M:I, en particulier sur deux scènes qui sont clairement les deux gros morceaux de bravoure du métrage et qui valent à elles seules le prix du ticket : le passage dans le sous-marin évidemment qui est un gros morceau de tension muette, mais aussi le climax final tant vendu par la promo, avec des cascades de dingues qui ont dû être un calvaire à tourner. Ces deux séquences arrivent clairement à être pas loin de ce que McQuarrie a fait de mieux sur la franchise, et c’est donc dommage de constater qu’autour c’est nettement plus à la traîne. Car mine de rien, le point commun des meilleurs épisodes de la saga, c’était quand il y avait un vrai équilibre sur la constitution de l’équipe, sur le temps de présence à l’écran de chacun. Là, pour la première fois depuis le troisième opus, on retombe un peu trop dans les travers du Cruise show : Ethan Hunt est célébré du début jusqu’à la fin comme le seul homme capable de sauver l’humanité, le film se concentre en majorité sur lui, et le reste de l’équipe a bien du mal à exister (plusieurs seconds rôles n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent) malgré une volonté évidente de McQuarrie de leur laisser tout de même des parts avec quelques séquences d’action en montage alterné.
Du coup, il y a une alchimie qui se perd par rapport aux opus précédents, et d’autant plus que cet épisode se la joue compilation ultime de la saga et décide, très curieusement, de se lier avec quasiment chacun des épisodes existants façon Fast & Furious. Entre le retour de la victime du braquage de la CIA du premier film, la fameuse “patte de lapin” expliquée

(c'est con, c'était l'une des seules très bonne idées de l'opus d'Abrams de ne pas savoir ce que c'était), et la découverte du fils de Jim Phelps

, ça donne un côté gloubiboulga à un film qui, paradoxalement, souhaite n’exister que pour lui-même, mais qui dépend finalement beaucoup d’une certaine connaissance des épisodes de la saga. Bref, ça en fait des défauts, et c’est à mon sens le moins bon épisode M:I depuis une vingtaine d’années, mais à côté de ça, préférant voir le verre à moitié plein, je ne peux pas bouder un pur plaisir de spectateur et de fan de la saga. Autant la première heure est pas loin d’être un calvaire, autant le reste du film, malgré les écueils, est particulièrement réjouissante, d’autant que c’est techniquement très bien mené par un McQuarrie en pleine possession de ses moyens (à défaut de l’être narrativement), le genre de blockbuster inégal qui est tout de même un gros plaisir à voir en salle.