Materialists de Celine Song
(2025)
Je ne savais pas trop quoi en attendre vu la réception un peu mitigée du film outre-Atlantique et chez nous, mais de mon côté ce second film de Celine Song fait bien plaisir, même si on est clairement un bon gros cran en-dessous de son précédent, qui était une pure réussite. Alors déjà, en ce qui me concerne, la grosse surprise est que ce Materialists a beau avoir un pitch qui rappelle forcément celui de Past lives (un triangle amoureux dans lequel la femme doit faire un choix), on est clairement pas face à la même histoire. Ici, c’est plutôt un point de départ pour une analyse de ce qu’est la conception du couple au 21ème siècle, à l’heure où tout le monde est connecté l’un à l’autre sans l’être réellement, et où le mariage est encore, d’une certaine façon, une transaction entre deux partenaires, seulement perçue de façon différente.
Du coup, on a un personnage principal très intéressant en la personne d’une femme travaillant pour une agence de rencontre XXL, complètement cynique sur la façon dont elle analyse la notion même de couple, et qui, par la force des choses, va être confronté à un choix cornélien : un homme qui possède le même point de vue qu’elle et peut lui offrir une vie à l’abri du moindre besoin, et un autre qui l’aime de façon passionnée, mais dont les perspectives de vie sont clairement plus aléatoires. Alors évidemment, on sait très bien quel sera le choix final, et pour le coup Past lives tombait beaucoup moins dans quelque chose de prévisible, mais je n’ai pas tant l’impression que ce soit ce qui intéresse Celine Song ici, en témoigne la séquence d’ouverture très intrigante, qui paraît hors-sujet au premier abord, mais qui pose finalement la note d’intention du métrage. C’est à la fois la force et la limite du film : la réflexion sur le couple et les raisons qu’ont deux personnes à se mettre ensemble font que ce n’est pas la comédie romantique habituelle, mais d’un autre côté cette analyse prend trop souvent le pas sur les personnages eux-mêmes, ce qui peut donner l’impression d’arcs narratifs quelques peu fonctionnels.
De mon côté, ça ne m’a pas spécialement dérangé, ce n’est certes pas une romcom que je regarderais plusieurs fois, mais ça a le mérite d’essayer de proposer quelque chose de différent dans une structure finalement vue mille fois ailleurs, et surtout ça permet de proposer une variation pertinente de Past lives, même si moins réussie. D’autant que ce film permet de confirmer un vrai talent de la part de la réalisatrice, qui arrive à insuffler une forme de douceur indescriptible dans sa mise en scène, ça peut paraître formellement très classique au premier abord, mais on sent néanmoins un travail évident dans le rythme, la façon de poser les personnages dans le récit, leurs évolutions, bref c’est un film qui a tendance à me faire penser que Celine Song a une identité bien à elle. Si on rajoute en plus le fait qu’elle confirme un talent certain pour la direction d’acteurs (Dakota Johnson, actrice que je ne supporte généralement pas, est très bien ici), ça me rend très curieux vis à vis de la suite de sa carrière.
7/10