Lune Froide de Patrick Bouchitey - 1991
Il m'aura fallu du temps pour attaquer cette adaptation de Bukowski, parce que j'en attendais beaucoup.
Finalement, ça valait largement le coup!

Il n'est pas aisé de synthétiser son style, certains passent presque complètement à côté alors qu'ils ont l'auteur sous le coude (Schroeder), d'autres retranscrivent bien l'univers mais sans grain de folie (Hamer), le belge quant à lui avait surtout axé son histoire sur la noirceur sans voir qu'il y avait pas mal de lumière au bout du tunnel (Derrudere), restait à voir ce que Ferreri et Bouchitey avaient pu en tirer.
Et bien pour l'italien, on avisera plus tard, mais pour le français, c'est un quasi sans faute. Avec ce duo de potos quadras, on a une vraie incarnation d'Hank Chinaski avec des relents de pastis. Partie branleurs, partie bosseurs, passionnés, faux-jeton, misanthropes mais détestant la solitude, parfois humain et souvent très casse-burne, la dynamique entre Stévenin et Bouchitey transpire les écrits du génial alcoolique.
Sur le plan de l'écriture, on n'aura pas d'arc narratif de fou, mais simplement une suite de saynètes qui rappellent les nouvelles du Buk. Elles sont bien trouvées et adaptées à un décor français, remplacer la littérature par le rock 60s, les bars sordides par nos bistrots, ça fonctionne. A vrai dire, ça ne devait pas être une mince affaire, mais le casting est un sans faute assez incroyable. Quel que soit le rôle, tout le monde est au diapason et interprète sa partition avec conviction. Je découvre notamment Jean-Pierre Bisson et ses faux-airs de Bashung, qui change de registre sans souci, mais on a aussi Jean-Pierre Castaldi crédible en tenancier de bar, Berroyer en curé ou Roland Blanche en loser.
Côté féminin, c'est aussi un sans faute. Les canons sont là, mais soit inaccessibles, soit il faut payer, soit...

Ils ne pourront donc que se rabattre sur du second choix au mieux.
Niveau réalisation et montage, Bouchitey a aussi sorti un joli tour de force. Son noir et blanc a de la gueule, certains plans sont vraiment beaux et travaillés, mais surtout, il se permet un peu de folie dans le montage (l'arrivée du lapin

) et certaines séquences (notamment la fin avec la prostituée

) qui est aussi symptomatique de l'univers adapté.
Résultat, j'ai enfin vu un film cohérent, bien tourné et qui cerne tous les aspects du matériau de base.
8,5/10