J’avais pas spécialement prévu de réécrire une critique pour celui-là, la revision étant à mon sens moins une redécouverte que celle de
The Killer, mais bon je me sens inspiré par le cinéma de John Woo en ce moment donc c’est parti

. Gros plaisir de revoir ce film en salles, et malgré les années ça conserve toujours son efficacité, en grande partie parce qu’on sent que c’est du boulot passionné fait par des gens qui le sont tout autant. A ce stade de sa carrière, Woo est un peu au top du game en termes de réputation, le mec s’apprête à quitter Hong-Kong avant la rétrocession pour entamer une carrière américaine, et du coup ce Hard Boiled donne l’impression d’avoir été fait pour deux raisons : d’une part faire un dernier projet rêvé dans un pays que le réalisateur va quitter sans savoir quand il y reviendra et comment ce sera, d’autre part signer une ultime carte de visite, histoire de poser les couilles sur la table et rappeler qui est le patron du film d’action.
Et franchement y’a pas à dire : le résultat claque sévère. Alors forcément, le film étant conçu pour être “juste” un blockbuster d’action où l’on sent que c’est d’abord trois gros climax sur lesquels on brode une histoire classique autour, le métrage a ses limites. Ainsi, le film décolle assez tard, tout ce qu’il y a entre la première et seconde séquence d’action c’est de l’exposition qui prend un peu trop son temps et qui s’embourbe dans des subplots pas toujours nécessaires, en plus avec un humour qui ne prend pas toujours. Mais heureusement dès la scène du hangar, le film se transforme totalement et à partir de là c’est un gros rollercoaster particulièrement jouissif. Comme dit plus haut,
Hard Boiled ne se distingue pas spécialement par son histoire pas très originale (une nouvelle variation du flic infiltré, avec en plus une relation qui rappelle celle des deux comparses de
The Killer), mais c’est clairement l’énergie qu’apporte John Woo qui fait toute la différence, et pas forcément que dans les scènes d’action.
C’est clairement une grosse démonstration de mise en scène, avec une générosité qui a tellement impressionné que c’est devenu aujourd’hui un but à atteindre pour ceux qui ont été nourris avec (
John Wick,
The Raid, et j’en passe), et comme
The Killer ce qui m’impressionne le plus c’est pas tant la lisibilité de l’action, mais plutôt le fait que ce soit un joyeux bordel qui, mis en image de telle façon, et monté de telle manière, va créer une poésie formelle, une chorégraphie visuelle totale. Un résultat que je pourrais qualifier de chaos organisé, et qui me parle bien plus que ce que fait, par exemple, un Tsui Hark dans
Time and Tide où on est plus dans de l’anarchie totale. Le film est tour à tour impressionnant, lyrique, prenant, jouissif, cathartique, et c’est clairement ce ressenti qui fait que je peux pardonner aisément les défauts du début de film, car ok on attends un peu avant que ça démarre, mais après ça ne s’arrête plus. J’avais complètement oublié à quel point le climax final était long, mais c’est justifié par le fait que c’est toujours au service d’une histoire (même simple) à raconter, c’est pas les fusillades interminables qu’on peut avoir aujourd’hui dans certains films, et ça donne lieu à de beaux moments typiques du cinéma de Woo (l’homme de main qui se retourne contre son employeur quand ce dernier massacre des innocents

).
Et puis comme pour
The Killer, le fait que je sois désormais plus habitué à la sensibilité de Woo, et à celle du cinéma HK en général, me fait accepter des aspects que je trouvais ridicules jadis, je pense notamment au sauvetage des nouveaux-nés qui est un super moment avec beaucoup d’intensité, là où avant je regardais ça probablement avec trop de sérieux (et finalement il y a peu de films de Woo qui sont pensés pour être vus ainsi). Si je devais chipoter, je pourrais souligner quelques effets qui font que le film est un peu trop ancré dans son époque, genre le générique final avec sa chanson qui débarque deux secondes après une scène tragique

, ou les ralentis à l’arrache pendant le plan-séquence (dont je ne pige pas trop l’intérêt d’ailleurs car c’est fait à des moments pas spécialement héroïques genre un acteur qui passe devant la caméra

), mais c’est finalement du détail par rapport à la réussite globale. Cerise sur le gâteau : Madame a kiffé, comme tous les John Woo que je lui ai montrés jusqu’ici

, autant dire que c’était une super séance.