
Tommy
Ken Russel - 1975
Bon, petite pause avec le cinéma de Tarkovski parce que bon, ça va quand même deux secondes, ces conneries. Ce soir, point de miroir devant lequel se mire un poète philosophe tandis que son papa scande de mauvais vers sur un air pompeux de Pergolèse. À la place, encore un miroir, oui, mais un miroir qui va être défoncé par un sourd-muet-aveugle futur champion de flipper, et sur les riffs de Pete Townsend, les roulements de Keith Moon, la basse endiablée d’Entwistle et les rugissements de Daltrey. Et Mon Dieu, que ça fait du bien !
On ne peut imaginer que
Tommy ait pu être réalisé dans une autre décennie que les 70’s. Si
Pink Floyd : The Wall incarne le sommet du genre dans les années 80,
Tommy trône au milieu de sa décennie, à la fois sauvage et insolent, bariolé et kitchissime (Ann-Margret qui se vautre dans une mer de haricots rouges et de nutella), truffée d’idées tout le long d’une heure cinquante. Au point d’en être évidemment un peu fatigant mais, pour avoir revu récemment The Wall, je dois dire que la temporalité frénétique de
Tommy passe mieux que celle de
The Wall contaminée par la sinistrose watersienne.
Le film est une orgie. Orgie de sons, orgies d’images, orgies de gros noms de la musique et même orgie de scènes avec Daltrey torse nu et boucles blondes au vent (on le voit même faire du deltaplane, il est cool, Roger !). Evidemment, il serait aisé de dire que le film est ridicule, mais Russel joue tellement la carte de l’extrême, et finalement sa manière de faire épouse tellement bien les idées de Townsend (avec lequel il a travaillé un an pour mettre au point le script et les nouvelles chansons) que le film apparaît comme un OFNI réjouissant et puissant (le générique de fin orangé – il m’a fait penser à celui d'
Orange Mécanique – redoublant
See Me, Feel Me, je l’ai bu avec délice jusqu’à la dernière note, les enceintes bien à fond). Le seul bémol serait que les versions des chansons sont moins bonnes que les originales. Mais comme le grand mérite de Russel est d’avoir fait un véritable opéra, avec des chansons chantées par les acteurs eux-mêmes, on s’en accommode et, ma foi, en dépit peut-être d’un abus de synthé de la part de Townsend, le résultat est plutôt chouette. Et puis, bon, voir Elton John dans la scène où il chante Pinball Wizard est quelque chose qu’il faut avoir vue et entendue au moins une fois dans sa vie.