
Dans la chaleur de la nuit
Norman Jewison - 1967
Un inspecteur noir (un cador) de passage dans une bourgade raciste du sud, se retrouve enrôlé un peu malgré lui par la police locale pour élucider le meurtre d’un homme, retrouvé dans une rue le crâne défoncé…
Qui est cet homme ? Pourquoi a-t-il été tué ? Par qui ? En fait, ces questions, le spectateur s’en moque. Enfin, pas totalement puisque c’est de la rapidité avec laquelle elles vont trouver leur réponse que l’inspecteur Virgil Tibbs (Sidney Poitier) pourra prendre le train pour rentrer chez lui. Si l’enquête s’éternise, le risque d’être pris pour cible par certains white trashs locaux sera élevé.
On suit donc avec intérêt l’enquête, mais surtout en ce qu’elle restitue une ambiance sociale ainsi qu’une étude de caractères. Brûlant de se barrer de ce trou merdique qui l’a insulté (comme on a retrouvé un macchabée, on s’est naturellement dit que le coupable nepouvait être que ce noir trop bien sapé et ayant sur lui un portefeuille bourré d’argent), Tibbs se prend aussi au jeu, d’abord parce que c’est un flic hors pair qui ne peut s’empêcher de résoudre des affaires, ensuite par fierté, pour le plaisir qu’un noir réussisse là où les policiers locaux, emmenés par le shérif Gillespie (cocasse qu’il porte le nom d’un célèbre jazzman noir), se cassent les dents. Pour ce dernier, ce dernier (Rod Steiger), la question sera autre pour le spectateur : ce personnage un peu moins abruti que les autres va-t-il s’éveiller à une forme d’intelligence en développant avec son homologue noir une forme de complicité ? Car cela commence bien mal, avec cet échange fameux :
Gillespie: That's a funny name for a nigger boy that comes from Philadelphia! What do they call you up there?
Tibbs : They call me Mister Tibbs!
Serrant les dents à chaque fois qu’il entend quelqu’un l’appeler ironiquement « boy » (terme rabaissant issu de l’esclavagisme et auquel les jazzmen réagirent en prenant l’habitude de s’appeler « man »), l’inspecteur Tibbs va peu à peu s’entendre appelé « Virgil » par ses homologues blancs. Après, la victoire sera-t-elle totale ? C’est je trouve un des mérites du film de ne pas basculer d’un extrême à l’autre. Si Tibbs a su gagner le respect de quelques personnes, cela n’empêchera pas les champs de coton alentours d’être peuplé de gens de sa couleur, ou de voir circuler en voitures avec la bannière des sudistes des abrutis au visages suintants (un petit côté « Wake In Fright »). Ce qui, pour les Américains de 1967, a dû permettre de percevoir le film comme un révélateur important du racisme ordinaire dans les états du sud.
Sinon bonne présence de Poitier, tout en prestance et en colère rentrée.