[Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Vos critiques de longs-métrages

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Super happy forever - 7/10

Messagepar Olrik » Ven 14 Nov 2025, 16:26

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Super Happy Forever
Kohei Igarashi - 2023

Derrière ce titre a priori cucul se cache une histoire d’amour douce-amère parfaitement menée par Kohei Igarashi à qui l’on devait le joli Takara (réalisé conjointement avec le français Damien Manivel). On y suit deux jeunes hommes Sano et Miyata, en train de faire un séjour à Izu. On comprend assez vite que l’hôtel n’a pas été choisi au hasard, tout comme la chambre, et que Sano traîne derrière lui une histoire d’amour malheureuse. Petit à petit, on comprend que cinq ans auparavant, il a rencontré dans cet hôtel une jeune femme, Nagi, avec qui il s’est lié, avec qui il s’est ensuite marié… et qu’il a perdue récemment. Encore sous le choc, déphasé, Sano n’apparaît guère sympathique et met à rude épreuve la patience de son ami, et un peu celle du spectateur, un peu déstabilisé par l’ambiance plombante.

Mais c’est véritablement lors de la deuxième partie que le film gagne en intérêt, réinvestissant rétrospectivement la première partie d’un nouveau sens puisque nous voilà envoyés cinq and auparavant, au temps de la rencontre entre Sano et Nagi. À la rude déprime de la première partie suit alors la lumière d’un amour naissant, éclairant la portée de détails variés tels que le numéro de la chambre d’hôtel, la réaction amusée quand Sano entend l’expression « Super happy forever », un paquet de cigarettes au menthol, une casquette rouge (permettant d’apporter un soupçon de réalisme magique) ou encore la chanson Beyond the sea, de Bobby Darin (la reprise la plus célèbre de La Mer, de Trénet). Les deux acteurs, Hiroki Sano et Nairu Yamamoto, sont assez formidables dans le registre de cet amour naissant, et l’approche d’Igarashi, légère, esquivant tout mélodrame larmoyant, arrive avec peu de choses à capter l’attention (c’était déjà le cas dans Takara) et fait regretter que ce relativement jeune réalisateur ne tourne pas davantage.
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Sept morts sur ordonnance - 5/10

Messagepar Olrik » Sam 15 Nov 2025, 22:48

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Sept Morts sur ordonnance
Jacques Rouffio - 1975

Un mandarin (Charles Vanel), propriétaire d’une clinique dans une mauvaise passe, essaye de débaucher deux brillants chirurgiens (d’abord Depardieu puis Piccoli) exerçant dans l’hôpital concurrent. Comme ils refusent, il se venge en exerçant sur eux une pression qui aura de funestes conséquences…

Sur le papier, histoire sympathique, surtout avec un tel trio d’acteurs. Mais alors que Les Trois Jours du Condor sortait le même mois, le visionnage souffre de la comparaison pour ce qui est de trouver un climat de vénéneuse manipulation, et l’on peine à se sentir embarqué par une intrigue alternant deux époques et manquant sérieusement de tension. Le vieux Vanel est bien falot tandis que le choix de faire de Depardieu une sorte de fou incontrôlable n’est pas du tout crédible. Plus convaincant est Piccoli… à condition de bien distinguer le contenu de ses répliques (j’ai trouvé la prise de son et le mixage très laborieux).
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C'est dur d'être un homme : Marions-les - 5,5/10

Messagepar Olrik » Dim 16 Nov 2025, 15:40

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Tora-san 33
C'est dur d'être un homme : Marions-les (Otoko wa tsurai yo: Yogiri ni musebu Torajirō)
Yôji Yamada - 1984

Dès le générique, je me suis fait la réflexion : « Tiens ! Pour une fois le ciel est nuageux et les couleurs sont plus ternes… » Je ne croyais pas si bien dire car pour l’amateur de la saga amoureux de beaux ciels bleus ensoleillés en sera sur ce point pour ses frais car le titre est – pour le moment – le plus sérieux et mélancolique de la saga, à l’image d’une météo qui (à l’exception des dix dernières minutes), n’offrira que nuages, pluie et brouillard. D’ailleurs, je signale à ce sujet que le titre original signifie « Tora san suffoque dans le brouillard nocturne », loin des promesses de gais mariages vendus par le titre français et le titre international.

Alors on ne peut que louer Yôji Yamada d’essayer encore une fois une variation dans sa formule. On a d’ailleurs dans la saga une multitude de scènes s’accommodant d’un ton plus sérieux, mais il est vrai que le curseur est ici plus poussé et que certaines scènes laissent une impression mitigée au spectateur. Ainsi les retrouvailles avec le bon Noboru, vieil ami de Tora que l’on avait laissé au dixième film et que l’on retrouve marié et père d’une petite fille. On imaginait ces retrouvailles joyeuses et bruyantes, finalement elles sont brèves et sinistres, la faute à un Tora qui préfère quitter vite fait son ancien acolyte parce que lui a su se ranger et que s’acoquiner d’un éternel bon à rien comme Tora ne peut rien apporter de bon. De même, quand on revient à Shibamata pour célébrer les noces d’Akemi, unique fille du Poulpe (dans les premiers épisodes on apprenait qu’il avait quatre enfants, mais passons, de toute façon la vraie famille du Poulpe est davantage à chercher du côté des Kuruma), jeune fille délicieusement espiègle (jouée par ailleurs par Jun Miho, une des starlettes de l’époque des roman porno !), c’est pour voir la fête gâchée par un Tora déplaisamment sentencieux –bon, par contre, voir le Poulpe encore une fois se mettre à chialer, ça m’a fait marrer. On dirait que ça devient une habitude depuis quelques épisodes…

Bref, autant dire que l’on est sur un terrain particulier, terrain qui a le mérite encore une fois d’expérimenter par rapport au cahier des charges, mais qui peut frustrer le spectateur avide de torasâneries douces et solaires. Même les dix dernières minutes, censées être drôles, comme pour essayer de compenser l’esprit de sérieux durant l’heure et demie précédente, semblent tomber comme un cheveu dans le miso. Le dernier plan a beau montrer un vaste paysage d’Hokkaido pour conclure en beauté l’épisode, la frustration demeure, à l’image d’un maudit voile nuageux qui décidément aura trop pris ses aises dans cet opus 33.

PS : à signaler aussi la présence de Tsunehiko Watase, toujours cool et badass en diable.
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Mark Chopper » Dim 16 Nov 2025, 17:33

loin des promesses de gais mariages vendus par le titre français et le titre international.


En fait... Ils sont un peu pourris ces titres.

(jouée par ailleurs par Jun Miho, une des starlettes de l’époque des roman porno !),


Surtout connue pour un film au thème incestueux frère/soeur. Pas encore osé le regarder :chut:
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Olrik » Dim 16 Nov 2025, 21:52

Mark Chopper a écrit:En fait... Ils sont un peu pourris ces titres.

Je n'ai pas eu le réflexe de vérifier à chaque titre, mais j'ai l'impression que c'est souvent n'importe quoi.

Mark Chopper a écrit:Surtout connue pour un film au thème incestueux frère/soeur. Pas encore osé le regarder

Pink Curtain ? J'ai vu le premier. Assez gentillet mais il ne fait pas partie de dessus du panier niveau roman porno.
"Location" (1984) où il est question d'une équipe partie tourner un pinku a l'air sympa.
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Ville d'amour et d'espoir (Une) - 8/10

Messagepar Olrik » Lun 17 Nov 2025, 22:12

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Une Ville d'amour et d'espoir (aka Le Garçon qui vendit son pigeon)
Nagisa Oshima - 1959

Masao est un collégien qui doit batailler pour gérer le quotidien misérable de sa famille. Sa mère épuise sa santé à traîner sur les trottoirs pour cirer des chaussures, tandis que sa jeune sœur est une gamine attardée. Pour gagner un peu d’argent, il vend des pigeons qui ont la manie de s’échapper pour revenir à leur point de départ, et donc être revendus. Un jour, Masao rencontre Kyoko, une lycéenne issue d’une famille riche et qui s’intéresse à son cas. Alliée à Mademoiselle Akiyama, la professeur principale de Masao, elle va essayer de convaincre son père et son frère (à la tête d’une fabrique de téléviseurs) de l’engager comme employé…
Premier film d’Oshima et, franchement, il serait bien dur de reprocher quoi que ce soit à ce film qui, en 62 minutes, propose un excellent drame social. A la rigueur, son seul défaut serait ce titre banal, mais précisons ici qu’il a été choisi par Shiro Kidô, un des producteurs de la Shochiku, Oshima ayant en tête un bien meilleur « La Garçon qui vendit son pigeon », titre qui restituait à la fois l’aura de pureté de l’admirable personnage principal ainsi qu’un acte avec de terribles conséquences. En effet, rien de plus con qu’un pigeon, mais c’est par ce simple volatile que la lumière éclairera crument le fossé séparant le quotidien de familles plongés dans la misère la plus noire et celui d’une famille d’industriels depuis tout temps pétant dans la soie et qui aura beau jeu d’émettre un jugement aussi facile qu’injuste sur le petit commerce de Masao.
Les personnages sont nuancés, les acteurs sont tous excellents – en particulier Yukio Tominaga en fille de bonne famille à l’amitié simple et volontiers rentre dedans –, et la mise en scène, nerveuse (la durée courte ne permet pas de longs épanchements) et empruntant à une esthétique Nouvelle Vague (cf. la scène finale sur le balcon, les cadrages de biais…), fait comprendre l’enthousiasme des critiques de l’époque, enthousiasme qui allait permettre à Oshima de récidiver très vite – et brillamment. Y’a pas, on a connu des débuts plus laborieux dans l’histoire du cinéma…
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Contes cruels de la jeunesse - 7/10

Messagepar Olrik » Mar 18 Nov 2025, 16:01

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Contes cruels de la jeunesse
Nagisa Oshima - 1960

Premier volet de la trilogie de la jeunesse qui sortira tout le long de l’année 1960.

À la fin du premier film dOshima, Une Ville d’amour et d’espoir, on terminait avec la vision du jeune Masao se contentant d’une vie pauvre et laborieuse, tandis que Kyoko, jeune bourgeoise qui n’aurait certes pas de soucis d’argent, perdait sa joyeuse insouciance au profit d’une colère impuissante face à une terrible désillusion humaine. Ces personnages fauchés par un certain establishment, on les retrouve d’une certaine manière à travers les deux personnages des Contes cruels de la jeunesse, Kiyoshi d’un côté, loubard désoeuvré qui évoquerait un Masao qui, de guerre lasse, aurait mal tourné, Makoto de l’autre, jeune fille d’assez bonne famille qui explore certains quartiers interlopes pour gentiment s’encanailler, mais qui va surtout se faire violer par Kiyoshi, tomber malgré tout amoureuse et refuser de retourner dans son univers confortable incarné par sa sœur Yuki. D’ailleurs celle-ci n’est pas à envier puisque l’existence s’avère aussi sans espoir.

C’est dire si le titre du film est parfaitement illustré par les différents personnages. Lors d’une scène, on voit d’autres jeunes, des étudiants gauchistes manifestant contre le pacte de sécurité nippo-américaine. Mais ils sont bien mignons à manifester en faisant des rondes d’un trot mécanique. À peine montrés et évoqués par Kiyoshi (qui dit à Makoto qu’il connaît vaguement l’un des manifestants qu’il vient d’apercevoir), ils ne présentent pas d’alternatives sérieuses à la jeunesse désœuvrée incarnée par les deux personnages principaux (et quand on connaît Il est mort après la guerre qui sortira en 1970, il y a fort à parier que si Oshima avait entrepris de leur consacrer davantage de scènes, le ton aurait probablement été critique).

Crapuleries de petites gouapes, amour désorienté, avenir bouché, personnages déréglés et pas vraiment sympathiques : il y a de quoi trouver le temps long pour le spectateur, mais d’un autre côté cette étude de caractères, par rapport à Une Ville d’amour et d’espoir, marque une étape supplémentaire dans l’envie d’Oshima de se détacher des program pictures et de se rapprocher de l’À bout de souffle de Godard. Ce qui fait que visuellement, la plongée dans cette jeunesse dérangée (au sens psychologique comme dans celui de « qui est hors du rang ») est aussi acidulée que fascinante.
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Mark Chopper » Mar 18 Nov 2025, 16:26

Je réalise que je connais très mal la filmographie d'Oshima pré - L'Empire de sens (autrement dit l'époque où ses films étaient produits par le Japon et non des co-productions avec l'Europe).

J'ai vu son documentaire sur le cinéma japonais (en bonus sur le blu-ray de La Vengeance d'un acteur) et je l'ai trouvé horriblement prétentieux, ça n'aide pas.
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Jed_Trigado » Mar 18 Nov 2025, 16:36

J'avais fait quelques critiques des films sortis chez Carlotta, il y a des trucs franchement intéressants comme Le Petit Garçon, Le Piège, Les Plaisirs de la Chair et mon préferé La Céremonie.
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Olrik » Mar 18 Nov 2025, 16:43

Mark Chopper a écrit:J'ai vu son documentaire sur le cinéma japonais (en bonus sur le blu-ray de La Vengeance d'un acteur) et je l'ai trouvé horriblement prétentieux, ça n'aide pas.

Ah ça, forte personnalité, le père Oshima. J'ai ses écrits, parus aux Cahiers, dès le début il savait déjà ce qu'il voulait et surtout ce qu'il rejetait par dessus tout.
Je pense que je vais enchaîner la suite de sa trilogie et peut-être même me faire son adaptation du manga Kamui (pas forcément son meilleur mais bon, j'adore ce manga). C'est en tout cas une filmographie qui a de la gueule (et je veux bien lui pardonner sa prétention :mrgreen: ).

Jed_Trigado a écrit:J'avais fait quelques critiques des films sortis chez Carlotta, il y a des trucs franchement intéressants comme Le Petit Garçon, Le Piège, Les Plaisirs de la Chair et mon préferé La Céremonie.

+ Le Retour des trois ivrognes, que j'ai vu il y a longtemps (mais je l'avoue, j'étais clairement pas prêt pour ça, il faudra que je le retente).
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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar pabelbaba » Mar 18 Nov 2025, 16:44

J'avais adoré les Plaisirs de la Chair et bien aimé Les Contes Cruels de la Jeunesse, mais ça remonter maintenant.
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Enterrement du soleil (L') - 7/10

Messagepar Olrik » Mer 19 Nov 2025, 15:11

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L'enterrement du soleil (Taiyo no hakaba)
Nagisa Oshima - 1960

J’aurais aimé voir un Tora san débarquer avec sa valise dans le quartier sordide de Taiyo no hakaba pour expliquer aux miséreux l’importance de garder sa dignité et sa probité dans la pauvreté. Le souci est que mon cher Torajiro se serait fait chouraver sa valiser au bout de deux minutes avant de subir une multitude de vexations. Car la pauvreté d’Oshima n’a rien à voir avec celle de Yamada. Ici, elle est crasseuse, suintante, bête, violente, criminelle, laide, irrécupérable et peut-être bien consanguine, si l’on en croit le phrasé délabré et le regard abruti de certains des habitants du quartier. On espère bien qu’un rayon de soleil va apporter un peu de réconfort, peut-être en la personne de Hanako ou du jeune Takeshi, troisième et dernier couple pour clore cette trilogie de la jeunesse. Mais non, le titre annonce la couleur, le soleil, que l’on voit plusieurs fois au loin, juste à côté de la silhouette du château d’Osaka, vestige dérisoire d’un Japon glorieux, n’en finit pas de se coucher avant de disparaître pour une scène nocturne où une folie auto-destructrice va saisir des habitants, aspirés vers une médiocrité qui n’a que faire d’un changement pour un éventuel retour vers un Japon d’antan.

J’ai vu pas mal de films dans lesquels une certaine misère (parfois rude) était montrée, mais là, je dois avouer qu’il est difficile de trouver plus déprimant que le film d’Oshima. Déprimant et en même temps fascinant, le réalisateur usant de la même colorimétrie flashy que Les Contes cruels de la jeunesse et faisant preuve d’un souci extrême pour restituer la déchéance et la misère dans ses moindres détails. Attendez-vous à la fin à un festival de trognes qu’un Jérôme Bosch n’aurait pas dédaigné.
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Nuit et brouillard au Japon - 5/10

Messagepar Olrik » Jeu 20 Nov 2025, 22:00

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Nuit et brouillard au Japon
Nagisa Oshima - 1960

Après le soleil que l’on enterre, ne pouvaient plus qu’advenir la nuit et le brouillard. Je m’étais demandé devant les Contes cruels de la jeunesse ce que le film aurait donné si Oshima avait jeté un sort sur les étudiants manifestant contre le traité nippo-américain. Me voilà exaucé avec Nuit et brouillard au Japon, film que la Shochiku décida de retirer des écrans quatre jours après le début de son exploitation.
Le film a la réputation d’être le plus étonnant visuellement, d’être celui incarnant le plus l’idée d’une nouvelle vague, d'un niveau équivalent à Hiroshima mon amour, À bout de souffle ou Shadows. Usant de beaucoup de plans séquences, il systématise les flashbacks et une dramatisation toute théâtrale, avec ce mariage entre deux anciens révolutionnaires, mariage qui va faire se lever les anciennes rancoeurs, les reproches envers un désir de révolution qui ne sait plus où il va, parce que justement plongé en plein brouillard.
C’est intéressant, du moins au début, car il faut bien avouer que l’histoire, si elle a pu être vécue à l’époque comme un électrochoc par les spectateurs japonais, parle moins au spectateur un peu déconnecté des événements. Après, sans doute nul besoin d’être historien, on peut se contenter d’appréhender l’histoire comme une fable sur les éternelles dissensions politiques. Mais voilà, au bout d’un moment, ça devient un peu pénible de se taper les reproches, les récriminations de ce panier de crabes révolutionnaires. En comparaison, c’était tout juste si ce cloaque ne me faisait pas regretter celui des miséreux du sordide Osaka de L’Enterrement du Soleil. À un moment, l’un des personnages détourne le vers de Valéry à sa manière : « Le vent se lève… qu’il emporte tout ! ». Il aurait dû le faire au bout d’une heure dix, durée moyenne des pinkus militants de Wakamatsu, ça aurait permis à mon attention de mieux tenir le coup.
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Piège (Le) (1961) - 7/10

Messagepar Olrik » Sam 22 Nov 2025, 10:28

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Le Piège (Shiiku)
Nagisa Oshima - 1961

Furieux d’avoir vu son Nuit et brouillard au Japon retiré de l’affiche après quatre jours d’exploitation à cause de raisons politiques, Oshima claque la porte et décide de monter sa propre maison de production. Cependant les moyens financiers étant encore limités, il se résout à se lancer dans un film de commande, en acceptant la proposition d’un autre studio indépendant d’adapter une nouvelle de Kenzaburô Ôe.

Délaissant le Japon contemporain, le voici donc dans le Japon rural de 1945, avec un village qui capture un soldat noir américain. Ne pouvant le tuer (on a demandé au maire de le traiter comme un prisonnier de guerre, et donc de le nourrir), les paysans ne tardent pas à s’énerver et à révéler leurs petites bassesses. Ils font surtout du « nègre » le bouc émissaire de tous leurs problèmes, ce qui plonge petit à petit le spectateur dans un cloaque moral parfois sidérant et qui n’est pas sans rappeler celui de l’Enterrement du soleil. Au milieu de ce cloaque, les enfants observent, n’approuvant pas, prêts à aider le prisonnier à s’échapper. Cependant, qu’eux-mêmes utilisent le terme « nègre » laisse un goût amer. On a l’impression que cet humanisme juvénile est déjà plus ou moins vérolé par un racisme primaire qui ne demandera peut-être qu’à éclore une fois l’âge adulte venu…

On le voit, bien que délaissant le monde contemporain, cette histoire est bien oshimesque dans sa manière de se confronter à un réel peu reluisant. Moins audacieux dans son graphisme et sa structure que les trois films précédents, Le Piège (titre acceptable mais moins percutant que le titre original, Shiiku, soit « nourrir du bétail », sens qui donne une idée de ce que représente le prisonnier aux yeux des villageois) retrouve le noir et blanc utilisé lors d’Une Ville d’amour et d’espoir. Avec cette rupture visuelle et historique, le tout effectué lors d’un tournage compliqué du fait d’une production pour laquelle Oshima n’avait pas encore la main, ce titre montre la grande capacité d’Oshima à se renouveler dans sa volonté de peindre l’humain dans ses petites noirceurs. Le film semble avoir une petite réputation, parce que peut-être moins « Nouvelle Vague » (à noter cependant que le prisonnier est joué par Hugh Hurd, un des personnages du Shadows de Cassavetes). Peu importe, il n’a absolument rien de déshonorant pour Oshima en ce début de filmographie, au contraire.
Critiques similaires
Film: Piège (Le) (1961)
Note: 7/10
Auteur: Jed_Trigado

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Re: [Olrik] (`0´)ノ  映画 2025 !

Messagepar Olrik » Sam 22 Nov 2025, 17:44

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Vite fait :
Youth (Spring)
Wang Bing - 2023

Plongée de 3H30 dans Zhili, ville manufacturière consacrée à la fabrication de vêtements pour enfants. Les travailleurs qu'a suivis Wang Bing ont autour de la vingtaine. Leur jeunesse est belle à voir et en même temps un peu déprimante, car aspirée dans un maelström de bruits mécaniques (celui des machines à coudre en batterie), d'heures exténuantes, répétitives et s'accomodant de payes dérisoires. Et le pire, c'est que le deuxième volet s'intitule "hard times". Ça promet...
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