8/10
Jeremiah Johnson de Sidney Pollack - 1972
“"His name was JJ, and they say he wanted to be a mountain man…..and said good- bye to whatever life was down there below."
Le meilleur film avec Robert Redford, j'ai presque envie de dire et de loin mais j'aime beaucoup les 3 Jours du Condors et Spy Game aussi quand même, bon c'est pas le meilleur Sidney Pollack qui reste Yakuza.
Tiré d'une histoire vraie (bon le perso a été un peu édulcoré, il aurait tué plus de 200 indiens et bouffé leurs foies, le film est pas trop dans cette ambiance), on suit le parcours de Jeremiah Johnson un homme sans passé (on devine juste qu'il aurait participé à une guerre et que vraisemblablement il est déserteur et que c'est peut être son dégout de la guerre qui le fait partir seul) et mystérieux (il n'aime pas la religion mais à un moment il dit "I will call you Caleb, it is a name I have always admired") qui part vivre seul dans les Rocheuses pour un retour à la vie sauvage, pourquoi on ne le saura jamais ( il part à la recherche de quelque chose d'impalpable et d'inexplicable). L'histoire est rythmée au gré des rencontres que fait le personnages, ça a un petit coté road movie très linéaire ( mais jamais chiant et on apprécie vraiment les nombreux silences du film et les ellipses temporelles sont toutes très bien amenées ce qui est assez rare dans ce genre de récit où la temporalité est aléatoire ici c'est fait exprès et on a même une ligne de dialogue explicite à ce sujet, c'est d'ailleurs le dernier dialogue du film :
Would you happen to know
what month of the year it is?
No, l truly wouldn't.
l'm sorry, pilgrim.
March.
Maybe, April.
March maybe.
l don't believe April.
Winter's a long time going?
Stays long this high.
March is a green,
muddy month down below.
Some folks like it.
Farmers mostly.
You have done well
to keep so much hair...
...when so many are after
I hope you will fare well.
et pendant plus de la moitié du film y a pas de réel enjeu ( enfin si survivre dans ce milieu hostile, ce qui est déjà pas mal comme enjeu), il rencontre ainsi un vieux trappeur qui lui apprend toutes les ficelles de survie dans ces montagnes enneigés, il va se retrouver marié, adopter un gosse muet (très bonne idée qu'il soit muet comme ça il nous soule pas), cette partie du film me fait pas mal penser à Josey Wales, puis suite à un petit souci il va buter de l'indien et se faire un ennemi juré (ou presque), malgré une certaine lenteur le film dégage vraiment un certain souffle épique, et j'aime bien la fin qui donne un aspect cyclique au film.
L'identification au perso de Johnson fonctionne vraiment, on partage ses joies et ses peines et ce sans que ce soit jamais lourd, ainsi la petite histoire d'amour naissante est plus que subtilement amenée.
Par contre je trouve pas que le film soit une ode à la nature, quand on a vu le film on a aucune envie de prendre la place de Johnson dès le début du film la mort et l'échec plane sur le film (on rencontre quand même un homme congelé), Danse avec les Loups correspondrait plus à cette description, la touche Milius est assez évidente de part sa brutalité que dégage le film et même le coté guerrier légendaire et puis alors qu'on était sur une décennie sur les pauvres petits indiens qui se font tuer, ici on a des indiens sans pitié que Redford va enculer.
Pollack n'est pas le plus grand formaliste de son époque mais là il livre un film intemporel, son film ne prend pas une ride ( en chipotant on pourrait dire que le combat entre Redford et l'indien est pas génial mais bon mieux vaut ce style de mise en scène que les montages cache misère d'aujourd'hui ), la forme n'atteint jamais des sommets mais c'est bien cadré ( on profite vraiment du paysage ) et Pollack utilise intelligemment une double focale lorsque Johnson fait le mort pour attirer l'indien et le fondu sur le visage de Redford en train de cramer les corps et la montagne est plus qu'explicite.
Et j'ai été agréablement surpris par la grosse scène d'action du film, Pollack filme tout ça avec beaucoup de sécheresse ( putain le premier indien qui meurt y fait un recul de 3 mètres ). Et j'aime beaucoup l'attaque des loups aussi, c'est l'époque où on avait pas de CGI donc fallait réfléchir à comment mettre ça en scène efficacement. Et on sent la patte du cinéma italien avec l'utilisation de zoom (et y a même des doubles focales avant De Palma).
J'ai jamais été un grand fan de Robert Redford (enfin surtout jeune), je trouve pas que c'était un grand acteur, quelques fois il était bien comme dans les 3 jours du Condor mais la plupart du temps je le trouve un peu neutre (c'est mieux dans les 90's où il s'est fait plus rare), ici c'est clairement sa meilleure prestation, il joue un homme qui parle peu mais qui parle utile, il fait passer beaucoup de choses via son visage (c'est clairement ce film qui quand je l'ai découvert m'a fait changé d'avis sur Redford) et il porte très bien la barbe ( barbe qui évolue au fil de l'état d'esprit du personnage d'ailleurs ), le reste du casting plus ou moins connu est très bien, mention à Will Greer en vieux chasseur de Grizzlies qui se révèle bien marrant.
Un beau film, triste et mélancolique avec un dernier plan qui rend le personnage légendaire et qui fait pour de Redford une icône à jamais (bien plus que certains autres films comme Butch Cassidy).