[oso] Mes critiques en 2012

[Mark Chopper]

Privilégie ce Love Exposure plutôt qu'un autre, je pense (inutile de te pencher sur le diptyque Suicide Club).

Par contre, tu gères en anglais ? Si non, tu fais un tour en Albanie, si oui tu attends la mi-août pour la sortie du BR uk.

[osorojo]

D'ailleurs ce sera rachat du BR pour ma part

Et si mon avis vaut quelque chose, je pense que tu peux apprécier Love Exposure. Faut avoir un esprit un peu Otaku ou juste être ouvert à des cinoches un peu autres Je pense que tu l'es, d'après ce que j'ai lu de toi. Un mec qui aime Enter the void ne devrait même pas se poser la question !

[Mark Chopper]

C'est prévu aussi...

En même temps que celui de Himizu

[Moviewar]

COLD FISH
COLD FISH (2010) | 9.5/10

Après avoir été subjugué par le sublissime Love Exposure qui tapait au centre de la cible de mes préférences en matière de cinéma, il va s'en dire que j'ai déblistéré avec hâte la boite bleue contenant le deuxième film de la trilogie de la haine de Sion Sono, Cold Fish. Second film, seconde gifle que j'ai prise avec plaisir, sans aucune envie de l'éviter. Impossible de rester indifférent devant tant d'audace et de maîtrise technique et même si je comprends qu'on puisse rejeter complètement un film de cet acabit, tant il est jusqu'au boutiste dans son propos et son traitement, c'est pour ma part un sentiment de fascination sans limite qui m'a habité des premières images au générique final.

Dès les premières minutes j'ai su que j'étais devant une pépite qui allait me chahuter. Sion Sono confirme avec ce film extrême tout le bien que je commençais à penser de lui. Il signe ici une toile d'une densité folle, si terrible dans sa démesure et pourtant d'une honnêteté évidente car elle n'est jamais gratuite mais toujours illustrative d'une problématique omniprésente. C'est en effet via la crudité de l'image que le cinéaste traite de la figure patriarcale au sein d'une famille en roue libre. C'est à travers Shamoto, un homme sans ambition, presque inexistant au sein de sa famille et sa rencontre avec ses plus bas instincts que Sono aborde la difficulté d'être père dans une société dont les repères changent. On est ici bien loin de cette figure forte du chef de famille qui est généralement l'image d'une tradition qui semble très loin dans le cinéma de Sion Sono. Tout dans ce Cold Fish semble être indomptable et c'est par l'image que le réalisateur le crie haut et fort. Si fort qu'il est difficile de finir le film sans tituber; sa dernière partie est ultime, dans tous les sens du terme.

C'est le coeur dans les talons qu'on subit plus de 2h de réflexion quant à notre statut d'être humain. parce qu'il est bien question de ça ici. Comment un homme banal pris dans un enchaînement de situations extrêmes, va transformer des années de frustration en haine meurtrière. C'est à mon sens le vrai propos du film et ce qui peut rebuter pas mal de personnes, d'autant plus quand c'est fait aussi brutalement que dans Cold Fish. Jamais Sono ne met de gants, rien n'est sous entendu, dans l'image en premier lieu, si belle et maîtrisée, d'une efficacité redoutable sur le spectateur. Très esthétique, aidée en cela par un sens du cadre impressionnant et des jeux de couleurs magnifiques, elle est l'arme première d'un cinéaste qui vous malmène en faisant de la beauté formelle de son arme, son principal allié.

Mais en plus d'être un esthète de l'image et un poète à fleur de peau, Sono sait également diriger ses acteurs avec poigne. Les deux figures masculines du film sont impressionnantes. Toutes deux impeccables dans leurs prestations, diamétralement opposées, à l'image de leurs personnages respectifs. Ils finissent de donner aux séquences cet impact vif et noir que l'on ressent au plus profond de nos tripes. Le casting féminin n'est pas en reste, et c'est peu de le dire. Asuka Kurosawa, en plus d'être sublime, est hallucinante et clairement habitée par son personnage, psycho jusqu'au bout des ongles.

Ajoutez à ce cocktail déjà riche en ingrédients de luxe, une narration linéaire aux ruptures de rythme assassines pour obtenir une oeuvre atypique, sensorielle et intelligente, d'une grande beauté plastique, aussi fascinante qu'éprouvante pour toute personne réceptive à ce genre d'univers.

NB : bon, je commande un lecteur bluray pour mon ordi dès que possible, je n'ai pas pu trouver les screens que j'avais en tête, je suis frustré. Je corrige ça dès que j'achète mon lecteur, avec une tite balise spoiler en bonus

[Dunandan]

Je suis très intrigué par ces ruptures de ton ... Sache que c'est justement ce qui est mal maîtrisé dans Suicide Club (première version). Bon je passe cette trilogie dans mes priorités pour ce mois d'août.

[Mark Chopper]

Je sens qu'une critique de Guilty of Romance ne va pas tarder maintenant

Si tu as apprécié Asuka Kurosawa, je ne peux que te recommander A Snake of June de Shinya Tsukamoto, dans lequel elle trouve son meilleur rôle.

[osorojo]

Oh que oui je l'aime beaucoup cette jolie Asuka Kurosawa Et Megumi Kagurazaka est pas mal non plus, elle a des atouts encore plus massifs

Merci pour le conseil. J'ai lu quelques articles sur Sono et du coup j'ai quelques cinéastes qui intègrent ma liste dans ceux que j'aimerais découvrir. Shinya Tsukamoto y est rentré, comme Wakamatsu entre autres. Je suis en train de retrouver cette excitation qui m'avait habité à la découverte de Kitano, Miike, PCW, KKD, WKW ...

@Dun : vaz-y, j'ai hâte de te lire la dessus ^^

Guilty est prévu demain, logiquement

[nicofromtheblock]

En y repensant, j'ai peut-être un peu sous noté Love exposure, Cold fish et Guilty of romance ...
Les notes devraient augmenter à la seconde vision.

[osorojo]

Pour Cold Fish, je peux comprendre qu'on n'adhère pas totalement. La fin est quand même sacrément couillue et n'y va pas par 4 chemins et certaines scènes versent presque dans le burlesque (à travers le perso de Denden notamment). Du coup, faut vraiment adhérer à ces changement de ton, perso j'adore, mais ça peut aussi agacer je pense

[Dunandan]

GUILTY OF ROMANCE
Sono Sion (2012) | 9,5/10

Guilty of Romance ou le dernier opus concluant une trilogie de la haine sans faux semblant dont le mantra principal est d'aller au bout de son sujet. Sono Sion offre à son triptyque une fin magistrale pour marquer de son empreinte les esprits de ceux qui ne le connaissaient pas et dont je faisais partie. Ces trois gifles que je me suis prises, coup après coup, sont la marque d'un réalisateur qui assume son style et l'impose avec violence à son auditoire. Guilty of romance en est la preuve filmée, le point final dévastateur d'une analyse de la société japonaise noire et acerbe.

A travers l'éveil d'Izumi, une jeune femme au foyer malheureuse car délaissée par l'homme qu'elle aime, le cinéaste pose la question de la place de la femme au Japon, comme un écho direct à Cold Fish qui développait celle du père. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le portrait brossé dans Guilty of Romance est dépourvu de tout espoir, d'une noirceur extrême qui prend vraiment aux tripes; en grande partie grâce à la magistrale prestation de Megumi Kagurazaka, sans cesse sur le fil, illustrant avec justesse le côté versatile d'un personnage malmené entre principes et désirs. Izumi parviendra à une certaine forme de bonheur en libérant sa libido pour se détacher d'un quotidien routinier, rassurant mais terriblement oppressant. Mais dès lors que ce bonheur l'entraîne dans les bas fonds de la prostitution se pose la question du prix à payer pour avoir pu goûter à une certaine forme de liberté. Car il est bien question de ça aussi dans Guilty of Romance, cette liberté qu'on pense tous avoir alors qu'elle est si abstraite et indéfinissable. D'une certaine manière, les personnages givrés que l'on retrouve dans l'univers de Sono Sion sont libres à leur manière, que ce soit Mitsuko, la prostitué initiatrice de ce Guilty of Romance ou encore Murata, le psychopathe boucher de l'excellent Cold Fish.

Il semblerait en tout cas que ces différentes quêtes de bonheur se finissent toutes de la même manière, dans les tripes et le sang. Dès les premières images Sono Sion annonce la couleur en nous plongeant au coeur d'une enquête sordide dont on comprendra les tenants et aboutissants même si le réalisateur fait tout pour nous embrumer l'esprit. La narration de Guilty of Romance est en effet assez particulière mais très réussie dans le sens où l'on se fait bien balader alors qu'elle est pourtant très linéaire. On se laisse manipuler à notre insu et quand les réponses daignent apparaître, elles n'en gagnent que plus d'impact.

Mais si Guilty of Romance fait mouche, ce n'est pas uniquement grâce au côté extrême de son propos mais davantage à la façon dont il est exprimé. La photographie atteint ici une beauté plastique merveilleuse, toutes les scènes nocturnes sont sublimes, les cadres minutieux et soignés. C'est un vrai festival de couleur, un ballet de flous expressifs qui donnent au film un aboutissement qui impressionne. C'est toujours paradoxal de voir comme il est possible de relater de faits somme toute atroces avec une image aussi belle qui vient illuminer nos écrans d'une violence graphique aussi hypnotiques que malsaine. Un vrai régal en somme.

Vous l'aurez compris, avec Guilty of Romance, Sono Sion confirme la mise au service de son talent à son jusqu'au boutisme nécessaire en nous délivrant un film d'une intensité folle. Sexe, violence, tabou, rien n'est épargné au spectateur pour le bousculer dans ses convictions les plus assises. On sort du film, et donc de cette trilogie, abasourdi, lessivé mais heureux d'avoir pu faire ce voyage cinématographique qui, même s'il divisera les foules, est à mes yeux l'un des plus passionnants qu'il m'ait été donné de faire.

BONUS NSFW

[osorojo]

LES PROIES - EL REY DE LA MONTANA
Gonzalo Lopez-gallego (2007) | 5.5/10

Petit survival espagnol qui se laisse suivre mais qui malheureusement ne parvient jamais à décoller, nous laissant quelque peu pantois lorsque le générique de fin sonne la fin de la séance. Si Gonzalo Lopez-gallego ne manque pas de talent en matière de mise en scène et de direction artistique - la photographie du film est globalement très belle - on ne peut en dire autant pour tout ce qui concerne l'écriture de son bébé. Le début du film est très laborieux, on s'ennuie assez rapidement de voir le réalisateur multiplier les clichés propres aux films de ce genre, tout y est ou presque. Arrêt dans une station service, introduction des personnages dont l'un est assez trouble, apparition de la menace et réaction complètement irréelle de la part des victimes. Ajoutons à cela un petit tour en voiture sur circuit fermé assez absurde et on obtient une mise en bouche vraiment pénible, je me suis même demandé si j'allais continuer.

Mais j'ai bien fait de ne pas céder à l'appel du bouton stop. En effet, même si le film reste assez moyen dans son ensemble, certaines séquences sont toutefois assez réussies et font leur petit effet. Toute la partie finale notamment si l'on excepte une maladresse de ton assez préjudiciable pour l'ensemble. En fait, elle est symptomatique à mon sens d'un réalisateur qui avait des idées, beaucoup d'envie mais n'a pas réussi à tout conjuguer avec harmonie, en découle donc un film sympa mais terriblement maladroit. Toutes les insertions typées FPS par exemple sont super intéressantes d'un point de vue formel, c'est réussi et même assez classe mais le message derrière peut paraître très lourd, la faute à un parti pris qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Gonzalo Lopez-gallego a beau s'en défendre en annonçant son intérêt pour les jeux vidéos, ça n'empêche pas au film de revêtir par moment, peut être malgré lui, un chapeau de père la moral mal venu.

[Count Dooku]

Devant tant enthousiasme j'ai vraiment envie de découvrir cette trilogie de Sono Sion (même si la durée de 4h pour le premier fait un peu peur).
Sachant que j'avais trouvé intéressant mais sans plus Suicide Club (un peu décontenancé par le scénario quelque peu décousu), est-ce que je pourrais accrocher à ces films? Enfin ils ne sont même pas dispo en France apparemment...

Sinon Les Proies c'est vraiment pas fameux. Contrairement à toi j'avais trouvé le début plutôt sympa même si pas original pour un sou, par contre quand on découvre les chasseurs, avec toutes les références au jeu vidéo qui vont avec, j'ai trouvé que le film se vautrait complètement (j'ai pas du tout aimé les scènes en FPS par exemple). Il est bien vite reparti sur ebay celui-là.

[osorojo]

Ouais, c'est bien faible quand même dans l'ensemble ce roi de la montagne Il a juste pour lui cette belle photo et quelques bonnes idées, perso j'ai trouvé que ça rendait bien les fps ! Peut être parce que je suis joueur, ça m'a fait marrer, et de toute façon j'avais déjà classé le film à ce moment là, du coup je l'ai bien accepté

Pour ta question à propos de la trilogie de Sono Sion, je te dirai juste qu'il faut savoir où tu mets les pieds. C'est un cinoche quand même très particulier, faut être client des prod typés asiatiques énervées (ça va raler parce qu'asiatique ça veut rien dire ). Comment tu te positionnes face à des réal comme Park Chan Wook, Takashi Miike ou bien Kim Ki Duk (l'île par exemple). En gros, comme je le dis dans mes critiques c'est jusqu'au boutiste à mort, rien n'est épargné au spectateur, tout est fait pour le malmener. Donc quand on met les galettes dans le lecteur, faut savoir qu'on va se faire méchamment violenter

Si t'es un tant soit peu client de ce genre de film, alors effectivement il ne faut pas passer à côté. Et comme tu le fais remarquer, difficile des les trouver par chez nous. Pour ma part j'ai tout commandé sur Amazon angleterre, faut juste ne pas être dérangé par les sous titres anglais. A ce propos, dans l'ensemble c'est vraiment simple à piger, il y a juste certains passages qui seront peut être un peu plus tendus pour ceux qui sont limites niveau compréhension, mais ils sont assez rares. Dans Guilty il y a des lectures littéraires qui peuvent perdre un peu, mais ça le fait quand même

J'élude volontairement la question à propos de suicide club que je n'ai pas encore vu, mais d'après ce que j'ai pu lire partout, c'est loin d'être du niveau de cette sublime trilogie de la haine.

[Dunandan]

Pas vu cette trilogie de la haine, mais je confirme pour Suicide Club, dont la séquelle est d'ailleurs bien mieux (vendue dans le même coffret).

[Mark Chopper]

Je réponds parce que j'ai vu Suicide Club, la trilogie de la haine et pas mal de films de Sion Sono...

Suicide Club, passé la formidable intro je trouve ça brouillon et chiant comme un Takashi Miike bien faiblard.

La trilogie de la haine c'est juste indispensable (mes notes naviguent entre 9,5 et 10 aussi).