
8.5 et je le revois bientôt pour confirmer
Modérateur: Alegas
C'est marrant que tu postes ça, parce que le film de Nolan m'a justement fait pensé aux épisodes de la série de Filmation :
Pas pour l'humour, hein, mais pour le montage.
Le film est monté comme une bande-annonce. Ou, donc, comme un épisode de série devant raconter une histoire complète en seulement 12 minutes.
Genre, Bruce Wayne apprend que Wayne Enterprise fait beaucoup moins de bénéfices qu'autrefois, il décide alors de faire son grand retour dans le monde, se rase, va à l’hôpital de Gotham pour connaître l'état de ses jambes, à un rendez-vous avec un médecin qui lui apprend qu'il est gravement amoché et ne va pas récupérer de sitôt, se rend ensuite discrètement dans une chambre vide afin de s'introduire par la fenêtre dans celle de Gordon située juste en dessous, a une discussion avec ce dernier sur l'importance et l'utilité du Batman, puis se rend chez Lucius Fox qui lui explique en trois phrases que oui Wayne Enterprise perd de l'argent mais que c'est à cause d'un projet de réacteur à fusion que Wayne ne veut pas présenter au monde par sécurité...
...chacune de ces séquences doit durer 20 secondes à tout casser. En deux minutes chrono notre protagoniste est passé de reclus dépressif à héros pro-actif, et dans ce laps de temps le spectateur aura du digérer une information lourde de sens (Wayne a la jambe vraiment niquée et ne pourra pas redevenir Batman), une discussion symbolique a plus d'un titre (avec Gordon blessé), la présentation d'un élément important du scénario (le réacteur qui peut être transformé en bombe)...
Et juste avant, on avait eu droit à une autre discussion là encore plein de sens, de symboles et de thématiques affichées entre Bruce Wayne et John Blake (qui lui balance qu'il connaît sa double identité, rien que ça). Et juste après, un autre élément central du scénar (la jambe niquée) est résolu.
Résultat : le spectateur n'a pas le temps. Pas le temps de s'attacher aux personnages, à leurs sentiments, à leurs doutes. Pas le temps de réfléchir au sens de ce qu'il voit, à la pertinence de ce que nous dit Nolan, à l'évolution de Gotham. Pas le temps de souffler.
La romance entre Miranda Tate et Bruce donne par exemple l'impression d'avoir lieu en une heure, et est expédiée en quelques scènes : ils ont une discussion rapide, Wayne lui montre le fameux réacteur et pouf, on les retrouve en train de baiser devant une cheminée. C'est pas un coup rapide pour se changer les idées entre deux dossiers, hein, c'est censé être une belle histoire d'amour rédemptrice. Dix minutes avant, Wayne était fou de douleur et d'amour pour Rachel Dawnes, incapable de l'oublier et de dépasser son sentiment de culpabilité, au point de ne plus sortir de chez lui pendant huit ans et de refuser ne serait-ce que l'idée de voir une femme. Dix minutes après, il est en train de se faire casser le dos par Bane. Entre temps, et pour vaguement lier tout ça, Alfred a appris à Bruce le contenu de la fameuse lettre brûlée à la fin de TDK. Et il lui a fait un monologue lourd de sens et de thématique sur la nécessité de tout quitter. Et il a préparé la scène finale, avec un joli flashback à Florence. Et il s'est barré de Gotham. Tout ça d'un coup, alors que Catwoman venait de révéler sa motivation (effacer son passé) et qu'on venait d'apprendre que Bane bosse pour Dagget. Mais de toute façon on a pas le temps d'en parler puisqu'on est au moyen-orient, où Bane vient de laisser Wayne. Et puis on est de retour à Gotham, où tout explose. Tient, Catwoman est en prison ! Ah ben non, elle est déjà sortie vu que la prison vient de sauter !
L'impression qu'on a, c'est que Christopher Nolan a réalisé une mini-série en 6 épisodes d'une heure pour HBO. Une énorme fresque étalée dans le temps et dans l'espace où une dizaines de personnages s'entre-croisent, s'aiment et se déchirent tout en écrivant l'Histoire, le tout servant à la fois de fiction populaire et de commentaire social engagé sur l'actualité, dans la grande tradition des grands romans épiques du XIXème siècle. Et, donc, que nous ne voyons qu'un montage ciné de cette mini-série, un vague aperçu d'une œuvre plus vaste...
...sauf que non. C'est bien l’œuvre complète qu'on est censé voir. Oups.
Le soucis, c'est que quand on se penche un peu sur la question on se rend compte que l'histoire est plutôt simple et, surtout, qu'elle pouvait très largement être racontée en 2h45 sans provoquer ce sentiment. Et même, pour tout dire, qu'il faudrait plutôt enlever des scènes et des personnages qu'en rajouter.
Là, avec ce montage effréné, c'est tout l'aspect humain qui passe à la trappe. Pour les personnages principaux, bien sûr, mais aussi et surtout pour les autres. Après tout TDKR ne raconte pas tant l'histoire de Batman que celle de Gotham, vue a travers les yeux d'une multitude de personnages.
Le problème, c'est que les habitants de la ville sont invisibles. On ne sait pas ce qu'ils pensent de Batman, de Bane, de Gordon... On ne sait pas quel est l'impact sur leur vie de l'isolation de la ville, des souffrances quotidiennes qu'ils doivent endurer, de la peur de l'avenir qui les prend aux tripes, des mères qui chaque jour se demandent si elles pourront nourrir leurs gosses, des pères que le désespoir poussent à suivre Bane dans sa soif de violence et de vengeance inique, des enfants qui voient tout ça et deviennent adultes d'un coup...
On a juste droit à un orphelin qui se plaint de l'économie et qui vole une pomme. Youhou !
Le seul moment où l'on ressent quelque chose, c'est lors de la première (et avant-dernière) apparition de Batman. Quand les deux flics poursuivant en bagnole les hommes de Bane entraperçoivent le Batpod sortant des ténèbres, que le vieux flics fait une remarque au plus jeune (un truc du genre "tu vas voir ce que tu vas voir, petit") et que tout le monde s'excite. C'est le seul moment où l'on sent que pour Gotham, Batman n'est pas seulement un connard habillé en noir mais une Légende, une putain de légende avec un L majuscule. Le seul moment. Ce qui est quand même con, vu que c'est censé être le cœur du film.
Bref, Nolan a foiré le dernier volet de sa trilogie dans les grandes largeurs.
Qu'est-ce qu'il reste ?
Déjà, l'action. Nolan aime l'action, il kiffe Michael Bay et rêve de réaliser un James Bond. C'est un des seuls réalisateurs hollywoodien qui refuse d'utiliser une seconde équipe et qui limite au grand maximum l'utilisation des CGI, à la fois pour des raisons esthétiques et (je pense) pour le plaisir de tout faire péter.
A côté de ça, c'est aussi un type qui a un mal de chien à filmer l'action. Batman Begins était un représentant des pires tares du cinéma d'action moderne. The Dark Knight contenait des erreurs de montages dignes d'un étudiant en ciné et avait obligé la société BUF a rendre six fois plus de plans CGI que prévu parce que Nolan s'était rendu compte au montage qu'une des scènes d'action du climax était incompréhensible.
Et pourtant...
Pourtant il nous offre, de temps en temps, des moments de grâce. C'est le camion qui se retourne dans TDK. C'est la séquence du couloir dans Inception. Des scènes où, d'un coup, ses choix artistiques révèlent leur pertinence et nous offre des moments de cinéma bien trop rares. Des scènes où le cinéphile blasé lève un sourcil et se dit que, quand même, quand il veut se sortir les doigts, le père Nolan, il peut aller très loin.
Bien sur ça ne concerne qu'une ou deux minutes par film, et ça ne sert qu'a avoir un très fugace aperçu du potentiel du bonhomme. Frustrant. N'empêche qu'on ne peut pas s'empêcher de rêver à un film qui ne serait constitué que de scènes aussi fortes.
Et, donc : ce n'est pas le cas de TDKR. Il y a bien des idées de montage (les inserts lors du combat entre Batman, Catwoman et les hommes de Bane, le silence lors du premier affrontement entre ce dernier et Batounet...) et on sent que Nolan est de bonne volonté (la scène d'intro), mais il n'arrive jamais à transcender ses limitations pour nous offrir le grand film d'action qu'on aimerait tous voir. Dommage.
Ce qui permet au film d’échapper au désastre complet, c'est son casting. Pour le coup, Tom Hardy, Anne Hattaway et Jodeph Gordon-Levitt sauvent vraiment leurs personnages grâce à leurs prestations. Je sais pas comment fait Nolan, mais il prouve encore une fois qu'il est un directeur d'acteur exceptionnel - et Hattaway remonte énormément dans mon estime.
2,5/6.
Comme d'hab : frustrant.
helldude a écrit:Moi j'aimerais bien une nouvelle franchise radicalement différente...plus proche de celle des jeux arkham...
Mark Chopper a écrit:La mode des années 2010 consiste à faire des suites de merde qui permettent de réévaluer des purges.
Alegas a écrit: j'en viens même à penser qu'il s'agit du film le plus faible de Nolan et ce, malgré quelques fulgurances sur certaines séquences (la prison, les scènes avec Alfred).
Milkshake a écrit:J'irais pas jusque là, ça reste quand même meilleur que Begins mais de peu sachant que Begins est clairement le film le plus faible de la filmo de Nolan.
Plus j'y pense plus Rises accumule des défauts très proche d'Inception cumul de perso, des dialogues à rallonge, accumulation de scénettes accéléré qui empêche l'ambition du projet de prendre vie, de l'ampleur. D'ailleurs Cottilard se tape à nouveau un personnage ingrat et mal écrit.
Mais je crains un peu la suite de la filmo de Nolan, à moins de se faire plaisir avec un projet perso plus limpide et simple dans sa narration.
scalp a écrit:Southland Tales d'un drogué
On dirait une version scary movie de Strange Days.
10/10
Logan a écrit:Je l'ai revu cette aprem et même si y a d'excellente scénes du côté de Wayne c'est clairement le plus faible des trois (et de Nolan), il manque vraiment un peu de folie et de prises de risques, le côté bombe nucléaire/24 est un peu relou et y a vraiment trop de trous dans le scénario.
Par contre
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