Lincoln de Steven Spielberg
(2012)
Découvrir Lincoln au cinéma c'est, pour un fan inconditionnel de Steven Spielberg comme moi, redécouvrir le sens de l'expression "tomber de haut". Le projet, annoncé depuis 2007, avait de quoi faire naître les espoirs les plus fous, vu l'attachement persistant du réalisateur qui, jusque là, ne s'était jamais vraiment intéressé au biopic à proprement parler. Après des années d'attente, Lincoln est enfin arrivé et a clairement de quoi décevoir ceux qui attendaient l'un de ses plus grands films. Car la réalité est bien là, Lincoln est sans aucun doute le film de Spielberg le moins inspiré depuis très longtemps, et s'impose parmi ses films les plus mineurs tant il ne s'inscrit jamais dans l'évolution de son auteur. Si choisir de traiter une petite partie de la vie du personnage est loin d'être un défaut (ça ne serait pas le premier film du genre à le faire), s'éloigner du sujet donné (Lincoln donc) a grandement de quoi décontenancer.
Du coup, jamais on a vraiment l'impression de voir un film sur le Président des États-Unis (d'autant que son traitement est plus proche du vieil homme gâteux que du chef d'état) et on se retrouve avec un récit de 2H30 qui ne fait que traiter du vote de l'amendement contre l'esclavage, ce qui donne de très longues scènes politiques et bavardes pour pas grand chose alors qu'on attendait au minimum un traitement de la Guerre de Sécession, surtout de la part de quelqu'un comme Spielberg. Œuvre trop théâtrale (la grande majorité du film se déroulant soit à la Maison-Blanche, soit à la Chambre des Députés, et la totalité des plans en extérieurs se trouvant dans la bande-annonce, et j’exagère à peine), Lincoln fait la grande erreur de totalement louper son sujet, ne sachant jamais si elle doit être un film sur la politique ou sur un homme. Du coup, les scènes intimistes en deviennent peu intéressantes et les relations entre personnages sont traitées de façon trop bancales, seule la dispute entre un père et son fils arrive à donner une épaisseur aux personnages, cette scène se déroulant après une heure et demie de film où il ne se passe finalement pas grand chose, hormis voir le Président, sublimé par la photographie de Kaminski, raconter des histoires interminables et inutiles.
Pour la première fois dans la filmographie de Spielberg, on a réellement l'impression d'être devant un film réalisé par un vieil homme, alors que le réalisateur avait toujours su livrer des œuvres modernes et inventives. Seule la dernière heure intéressera quelque peu, avec notamment une très belle utilisation du hors-champ, que ce soit lors du vote de l'amendement ou du meurtre de Lincoln, mais c'est bien peu pour un film de 2H30 qui paraît être un pur film consensuel à Oscars. Daniel Day-Lewis, une nouvelle fois, étonne mais ne trouve pas dans ce rôle (à l'origine destiné à Liam Nesson) l'ampleur qui l'aide généralement à captiver son audience. Le reste du casting est en mode automatique, idem pour la composition de John Williams qui a rarement été aussi paresseuse. Un coup dur pour n'importe quel fan de Spielberg que de voir ce film qui, on l'espère, est tout simplement une erreur de parcours affreusement gênante.
NOTE : 4,5/10