[Nulladies] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

Dictateur (Le) - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Dim 22 Fév 2015, 09:24

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Chaplin, Le Dictateur, 1940.


Le discours d’une foi.

Charlot avait ouvert les yeux sur les ravages de l’industrie dans Les Temps Modernes ; Chaplin voit désormais plus loin et traverse l’Atlantique pour porter l’attention qu’il convient à l’embourbement de l’Europe.
Alors qu’il aurait pu se contenter d’une farce antimilitariste, comme en atteste le prologue du film sur la guerre de 1918, où l’on gaffe avec les obus et l’on vole à l’envers sans en être conscient, le cinéaste va construire un film autrement plus ambitieux.
Parce qu’il a plus qu’une moustache en commun avec le dictateur, à savoir une célébrité mondiale, Chaplin va travailler cette équivalence dans un scénario mettant en abyme cette troublante mise en équivalence : soit la ressemblance entre un barbier juif et un dictateur antisémite. La deuxième malice consiste à faire du barbier un amnésique, découvrant avec candeur et fraicheur la barbarie du ghetto dans lequel il revient après la guerre : la charge dénonciatrice n’en sera que plus forte.
Film long, film dialogué, Le Dictateur tranche avec la filmographie de Chaplin autant qu’il la poursuit. Le travail sur le son, timidement à l’œuvre dans les films précédents, est ici éclatant. C’est tout d’abord une parodie de l’allemand comme on la trouvait de l’italien dans Les Temps Modernes, et un jeu constant sur l’expressivité de cette langue alliée à la haine du dictateur, rendant sceptiques ceux qui la traduisent ou la transcrivent à la machine, faisant ployer les micros et terrifiant jusqu’au barbier du ghetto, par parlophone interposé.
C’est aussi un habile exercice de décryptage de la communication et de la mise en scène du faste nazi : grandiloquence, révisionnisme artistique (la « Vénus d’hier » et le « Penseur de demain », resculptés pour faire le salut fasciste), leçon de domination visuelle entre Hynkel et Napaloni : d’une grande intelligence, le comique acerbe de Chaplin fonctionne sur tous les tableaux.
Si le ridicule ne tue pas, il écharpe : c’est bien là le crédo du film qui dresse un portrait bouffon du dictateur, permettant à Chaplin un double rôle, affable et maladroit (le barbier, qui sait néanmoins faire preuve d’une réelle virtuosité lorsqu’il s’agit de raser en synchronisation parfaite sur du Brahms) ou colérique et caractériel. Cassant des noix, pelant des bananes avec la même hargne qu’il tente d’abuser d’une secrétaire, son führer est aussi digne de pitié que d’effroi. Enfant jouant en état de grâce avec le globe qui lui éclate au visage, il montre la maitrise et ses déviances, avant de sombrer dans le ridicule le plus bouffon lors de la confrontation à son alter égo, un Mussolini gargantuesque, pour un duel à base de spaghettis, de fraises à la moutarde et de saucisses.
Face à cette débauche grotesque, le barbier et sa jolie compagne ont du mal à organiser une répartie, si ce n’est dans la fuite. C’est là qu’intervient Chaplin qui va reprendre les rênes du dédoublement pour assurer le final. Se substituant au dictateur, l’amuseur public entame un discours vibrant de sincérité, annihilant avec la seule force qui est la sienne, le cinéma, la mécanique du pire à l’œuvre en Europe. Sorte d’uchronie du présent, éradiquant Hitler de son vivant (avec la diplomatie que n’aura plus Tarantino dans Inglorious Basterds) ce discours trouble parce qu’il ne masque plus ses intentions dans les détours de la fiction : soudain, Charlie Chaplin prend la parole et parle du peuple, de l’esclavage, fustigeant la machine, terme qui l’obsède depuis Les Temps Modernes, et sur lequel il a cependant fondé toute son imparable mécanique du pantomime.
Ce décrochage, cas singulier dans l’histoire du cinéma et plus particulièrement dans la filmographie de l’un de ses plus illustres représentants, nous dit la sincérité de son engagement, et la capacité des grands illusionnistes à se confronter au réel, faisant d’eux les humanistes des temps modernes.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Mr Jack » Lun 23 Fév 2015, 00:22

Manque un point :mrgreen:
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You have to believe.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Lun 23 Fév 2015, 08:53

Ouais, je sais pas pourquoi, j'arrive pas à atteindre 10 avec Chaplin.
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Réalité - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Lun 23 Fév 2015, 08:55

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Réalité, Quentin Dupieux, 2015


Mise en abysses.

Les prologues de Dupieux avaient jusqu’alors toujours été d’une radicalité assez jubilatoire : discours programmatique comme ode au non-sens (Rubber), tableau surréaliste et mutique (Wrong), ils portaient la lourde tâche d’annoncer une couleur censément à nulle autre pareille, braquant une partie de l’audience, conquérant l’autre.
Dans Réalité, la seule audace des premières images semble être la permanence étrange du titre sur une succession de plans d’une pinède californienne. Car l’exposition qui suivra, assez lente, surprendra par son manque d’inattendu, malice initiale qui en dit long sur le plan retors que monte le cinéaste.
Longue en bouche, l’intrigue pose donc, comme souvent, plusieurs récits articulés autour des figures classiques de son univers, être étranges jusque dans leur faciès, le tout nimbé de cette photographie laiteuse et d’une précision hors norme qui porte sa marque.
Un certain nombre d’éléments ne semblent pas fonctionner dans cette mise en place. Un jeu un peu faux de Lambert, un comique, qu’on attribue de facto à Chabat, qui ne prend pas à chaque fois, et l’étrange sentiment pour le spectateur de naviguer en eaux troubles. Les premiers niveaux de récit (le comédien qui se gratte aveuglément, le réalisateur au pitch inepte et sa quête du cri parfait, la fille et la VHS) patinent un peu avec cette insidieuse certitude que le faux qu’on nous sert est en attente de révélation.
A la faveur d’un trajet particulièrement long, Dupieux abat ses cartes : sur une route qui se révélera celle d’un rêve, un personnage déguisé en femme croise divers protagonistes appartenant à des réalités différentes : la réalité, le rêve, et un tournage, film mis en abyme.
Cette séquence dénuée de dialogue et soumise au seul mouvement du parcours, conditionnera toute la suite du récit, carrefour auquel le spectateur doit décider d’embarquer ou non.
Car la suite, pour le moins impossible à résumer, va emboîter les impasses et les apories, les sauts entre rêve, réalité et fiction, jusqu’au point de non-retour.
On comprendra parfaitement l’attitude du spectateur visant à rejeter en bloc ce qui semble devenir un amoncellement de twists/réveils, le tout brodé sur des obsessions un peu trop lynchiennes (la VHS miroir, la conversation téléphonique aux doubles).
La question n’est pas d’expliquer le vertige pour le plier à une réalité univoque, mais de comprendre pourquoi il a procuré l’ivresse.
Dupieux a toujours eu cette posture singulière d’un registre ambivalent. Même si Chabat excelle, même si ses échanges avec Lambert et Bouchez sont souvent vifs, son film n’est pas une comédie, pas plus qu’il ne se pare de l’horrifique lyrisme du grand maître Lynch. Le regard qu’il pose sur son univers, d’une acuité un peu trop insistante, est celui de sa jeune protagoniste, appelée Reality, et qui tourne donc un film dans lequel on la regarde s’endormir pour faire advenir les rêves.
Ce rapport à ses personnages, qu’on laisse s’exprimer, y compris pour des obsessions ridicules, dans un cadre auquel la photographie accorde toute son attention, met donc en place un lien avec le spectateur qui va s’impliquer malgré lui dans un univers voué à s’annihiler.
En résulte la grande réussite du film : nous surprendre, nous déconcerter, non plus en tant que spectateur passif, mais dans notre statut de rêveur parmi les autres. La montée en puissance des transgressions narratives ne s’accompagne plus d’un regard cérébral, mais d’une poésie émotive fondée sur la surprise et la découverte visuelle d’un arrière-plan qui se dérobe à mesure qu’il dévoile de nouvelles couches. Le recours à la musique de Glass, entêtante, se révèle particulièrement pour l’accompagner.

Entreprise de séduction d’une maitrise totale, Réalité est une construction d’une intelligence redoutable. En témoigne cette séquence finale véritablement grandiose, projection à quadruple fond permettant toutes les résolutions des intrigues. Géniale dans son écriture qui semble légitimer bien des éléments antérieurs, c’est surtout une mise en abyme aussi drôle que sincère où Dupieux présente le cinéaste comme un magicien vous ayant mené exactement là où il l’entendait, et le spectateur comme un enfant consentant, prêt à abandonner ses repères pour laisser advenir un vertige narratif époustouflant.

Trajet singulier, Réalité semble finalement l’aboutissement d’un parcours plus vaste, celui de la filmographie de son auteur, qui accède, au-delà des audaces du non-sens, à une réalité supérieure, celle de la poésie. On espère le voir poursuivre l’exploration de ces terres encore bien vierges dans le 7ème art.
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Monsieur Verdoux - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Mar 24 Fév 2015, 07:32

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Chaplin, M. Verdoux, 1947.


C’est l’amer qui prend l’homme.

Film assez mal accueilli en son temps, et qui rompt clairement avec la filmographie la plus célèbre de Chaplin, M. Verdoux solde les comptes. Avec l’âge d’or d’un cinéma muet et du pantomime, tout d’abord, par une tragi-comédie assez ambivalente. Chaplin ne se refait pas, et son personnage inspiré de Landru garde ainsi une virtuosité qui s’inscrit dans le sillage du Charlot originel, mais au profit d’actions immorales. Toujours sur le fil, on suit l’intelligence qu’il met au service du crime, qui, si l’on y réfléchit bien, a toujours été la colonne vertébrale de son comique, puisque le vagabond cherchait toujours à survivre en dépit et aux dépend d’un système qui le brisait. Le portrait qu’il fait des victimes, mégères acariâtres ou veuves grotesques accentue encore la sympathie qu’on peut avoir pour son raffinement, d’autant qu’il fait don de ses gains à une épouse infirme et un enfant, échos au justicier bienveillant des Lumières de la ville…
Raffiné, précieux dans son rôle de gigolo, Chaplin ne joue plus pour autant au chat et à la souris avec le parlant : il est assez jubilatoire de le voir désormais user de tous les atours de la rhétorique pour dépouiller ses victimes, notamment dans la séquence au téléphone chez la fleuriste, qui tombe aussi sous son charme.
Mais la farce cruelle ne se limite pas à sa séduction vénéneuse. Dans la lignée du Dictateur et de son discours final, Chaplin enfonce le clou de ses idéaux humanistes, en dépit de la réputation sulfureuse qu’il lui en coûte aux Etats-Unis. En contrepoint de son idéal de vie (être à l’abri du besoin avec les siens et aider ceux qui en ont besoin, comme cette jeune fille sortant de prison), le système ne cesse de dévorer les individus : la crise a raison de sa famille, le dépouille et la fortune de la jeune première provient de son mariage avec un industriel de l’armement. Pessimiste, toujours indigné, c’est par la voix d’un meurtrier en passe d’être guillotiné qu’il poursuit son discours, bien loin de l’idéalisme uchronique du Dictateur : plus lucide, plus acerbe aussi.
Un peu long dans ses allées et venues entre les différentes victimes, déconcertant dans son mélange de drôlerie et de dénonciation, M. Verdoux est une œuvre amère, qui porte les stigmates d’un auteur à qui on semble refuser d’être autre chose qu’un amuseur public, et qui s’en venge avec un talent indéniable.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Mar 24 Fév 2015, 08:12

Je vais essayer de me caler Réalité cette semaine.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Alegas » Mar 24 Fév 2015, 08:40

Beaucoup trop méconnu, voire sous-estimé, ce Monsieur Verdoux. :super:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mar 24 Fév 2015, 09:06

Jimmy Two Times a écrit:Je vais essayer de me caler Réalité cette semaine.


:super: Il me tarde de voir comment il va être reçu...

Alegas a écrit:Beaucoup trop méconnu, voire sous-estimé, ce Monsieur Verdoux. :super:


Effectivement ! Il me reste à voir La Comtesse de Honk-Kong, mais pas moyen de mettre la main dessus...
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Re: Dictateur (Le) - 8,5/10

Messagepar Chuck Chan » Mar 24 Fév 2015, 23:52

La transposition du thème d'Inception sur le discours du Dictateur sublime la scène, c'est quelque chose à voir.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Mer 25 Fév 2015, 18:42

Ah oui, ça colle bien en effet !
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Feux de la rampe (Les) - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 25 Fév 2015, 18:46

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Les feux de la rampe, Chaplin, 1952


Se souvenir des belles poses.

C’est une double fuite que propose Les feux de la rampe : du présent, qui mène la vie dure à la vedette Chaplin et creuse le fossé entre sa personne et le pays qui l’a porté aux nues quelques décennies plus tôt ; et de son genre de prédilection pour un retour aux sources, celui de son enfance dans le music-hall londonien.

“But as a crowd, they're like a monster without a head that never knows which way|it's going to turn. It can be prodded in any direction”

Posant un regard sans fard sur le difficile métier d’entertainer, Chaplin dessine le portrait ultime du clown triste, dépressif et alcoolique, gloire déchue réduite à revivre dans ses rêves les numéros qui firent son succès et n’amusent plus personne. Car il a beau déplacer son récit vers la génération de ses parents, les indices autobiographiques pullulent : ses cinq mariages, son nom qu’il masque parce que voué aux gémonies, et le caractère impitoyable de la fuite du temps dans ce métier où l’apparence règne en despote.

“Life is a desire, not a meaning”

Comme à son habitude, la jeune fille qu’il met en cheville avec son alter ego est tout d’abord infirme, et c’est en philosophe freudien et paternaliste que le vieil homme va tout d’abord se poser. Poliment cynique sur son propre sort, il sait distiller, comme il l’a toujours fait, un espoir humaniste dès qu’il s’agit de se tourner vers les autres. Et l’amour pour Terry, personnage qui concentre la figure de sa mère (en autant de plans de piéta assez splendides) de son premier amour et de sa dernière épouse Oona va se parer de toutes les teintes du spectre sentimental. A l’écart du monde pour mieux s’en guérir, Calvero professe et excelle, avant que de recourir aux béquilles de l’alcool ou de l’amour lorsqu’il doit l’affronter.

“Time is the best author. It always writes the perfect ending.”

Dans Le Cirque, Charlot œuvrait déjà pour un bonheur conjugal dont il s’exclurait volontairement ; toute la finesse de l’infinie tristesse qui gangrène les feux de la rampe vient de cette ambivalence : Terry se trompe probablement d’amour face à ce père de substitution, et le futur de comédie musicale qu’il lui prédit avec le compositeur de sa jeunesse a beau être de carte postale, il adviendra. Sur un schéma proche des Chaussons Rouges, le film le surpasse en décapant le verni du glamour traditionnel. Par la cruelle réalité du milieu du spectacle, où l’on vous offre un ultime tour de piste en guise de tombeau, dans lequel on est prêt à rire par pitié pour que votre mort soit sereine.

“Truth is all I have left. That’s all I want.”

Si le spectacle perdure, si la danse et le ballet se déploie, si le duo Keaton/Chaplin nous rend certes fébrile, c’est surtout dans cette prise de conscience de l’avènement de l’évidence que Les feux de la rampe dévoile ses séquences les plus émouvantes. Après, tout, le ballet lui-même n’est qu’une chorégraphie de la mort de Colombine… A l’image de ce regard sublime qui clôturait Les lumières de la ville, tout se joue dans les yeux de Chaplin. Lorsqu’il se démaquille, ou voit s’opérer le charme entre sa muse et le jeune premier (joué, qui plus est, par son propre fils Sydney) puis contemplant depuis les coulisses la vie qui fuse lorsque la sienne le quitte.

De la vie, il ne reste donc rien sur le plan du langage, et c’est en spectateur que Clavero quitte le monde, ébloui par la seule conjuration possible à la mort : la grâce d’un geste, la poésie du mouvement, une danse atemporelle.
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Kingsman : Services secrets - 7/10

Messagepar Nulladies » Jeu 26 Fév 2015, 07:31

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Kingsman, services secrets, Matthew Vaughn, 2015


Kill jubile.

Il est toujours un peu maladroit de nous vendre un nouveau film comme totalement novateur quand celui-ci s’inscrit dans une veine parodique, ou tout au moins de pastiche. De ce point de vue, Kingsman fait son boulot et ne va, dans son scénario, pratiquement rien révolutionner des codes en vigueur, entre agence d’espionnage et méchant mégalo appliqué à détruire la planète.
Après quelques séquences bien enlevées en matière d’action chorégraphiées (Jack Davenport se fendant la poire, la présentation de Colin Firth dans le pub armé de son parapluie), le film s’enlise un temps dans une banale intrigue initiatique, avec épreuves, rivaux et compagnie. L’ennui pointe, même si le traitement du comic garantit une certaine fraicheur, une légèreté de ton qui évite qu’on sombre totalement.
C’est alors que surgit l’idée du film, à savoir l’éradication de la majorité de la planète qui s’entretuerait sous l’influence de leur carte sim. En guise de répétition générale, le bad guy de service (L. Jackson qui zozote avec une casquette inclinée, franchement dispensable pour le coup) teste son produit à l’intérieur d’une église de fanatiques.

Et là, le film prend soudain trois points.

Massacre totalement jubilatoire à la méchanceté parfaitement assumée, cette séquence est un régal. Les dents volent, les cranes se fracassent, on crible indifféremment femmes et vieillards, le tout filmé avec une fluidité confondante, passant d’un pieu à un extincteur, d’un chargeur vide planté dans une gorge à l’usage de tout le mobilier à disposition.

[Spoil]
Vaughn reproduira cet effet dans le final, digne d’un Dr Folamour, feu d’artifice de décapitations nucléaires éradiquant en un seul geste la totalité des nantis de la planète, le tout sur une valse de Strauss.

Outre la maitrise visuelle du film, les séquences d’action étant de haut vol, c’est surtout dans le ton que le film se distingue. Pop et acide, violent et sans compromis (à ce titre, la mort d’un des protagonistes est pour une fois véritablement efficace et surprenante), il séduit au sens propre du terme : sortant des sentiers battus, il surprend.

Le rire et la jubilation qui accompagnent ces scènes maitresses ne saluent pas que le savoir-faire du film : c’est aussi l’expression d’un soulagement face à la capacité du cinéma de grande consommation à encore pouvoir nous séduire.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 27 Fév 2015, 04:04

Pense à poser tes notes des films 2015 dans le topic du classement des Bkriens :wink:
Maintenant que j'ai vu Réalité, et même si je suis un peu plus réservé, je ne peux que m'incliner devant ta superbe critique :chinese:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2015

Messagepar Nulladies » Ven 27 Fév 2015, 07:50

Jimmy Two Times a écrit:Pense à poser tes notes des films 2015 dans le topic du classement des Bkriens :wink:
Maintenant que j'ai vu Réalité, et même si je suis un peu plus réservé, je ne peux que m'incliner devant ta superbe critique :chinese:


Ah oui, j'avais oublié pour les notes, je vais m'en occuper.
Et :super: pour Réalité !
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Jupiter : Le destin de l'univers - 3/10

Messagepar Nulladies » Ven 27 Fév 2015, 08:08

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Jupiter : Ascending, Wachowski, 2015


Le destin de l’écran vert.

Vous voulez que je vous dise ? Jupiter ne mérite même pas sa place dans les arcanes du blockbuster.
Parce qu’en matière de clichés et de recettes à faire figurer à tout prix, en faire la liste et les dénoncer devient en soi un poncif.

J’ai vu ce film parce qu’il est réalisé par les Wacho, pour qui j’ai encore une certaine admiration. Ce sont de véritables cinéastes, qui ont une patte indéniable et un sens visuel singulier. Après la roue libre Speedracer, finalement très audacieux dans son indépendance donnée à la cinétique émotionnelle, on pouvait attendre quelque chose de ce nouvel opus.

Et c’est le cas pour certaines séquences. Le film est clairement écrit pour accoucher de ces scènes qui défient les lois de la gravité, entre surf sur bottes et engins futuristes, notamment dans un Chicago nocturne et malmené. La maitrise est indéniable, la 3D parfois pertinente, même si les deux larrons ont tendance à céder à cette course au montage frénétique qui finit par brouiller la syntaxe. Par moments, clairement, on ne comprend plus grand-chose sur qui fait quoi et qui tire sur qui.

Mais il faut, pour mériter ces passages, se farcir un océan de médiocrité qui, lorsqu’on fait le bilan, l’emporte largement sur le reste. Humour des répliques low cost, fatras mystico idéologique, recettes éculées (quand même, la famille prise en otage, il fallait oser dans film qui prétend vous vendre « Le destin de l’univers »), rien ne distingue ce film de toute la production des 30 dernières années. Ni l’usine planète qui se détruit sur le final, ni l’histoire d’amour.
Digest nauséeux d’une kyrielle de références, Jupiter joue sur tous les tableaux. On ne sait si les Wacho cherchent à affirmer leur cinéphilie (Soleil Vert, Brazil, jusque dans l’apparition assez pathétique de Gilliam, Star Wars, Star Trek, Dune, Le 5ème élément, Ender,…) ou s’ils pompent simplement sans vergogne.
Mais de cette débauche de costumes, de mouvements et de fonds verts illustrés avec une bonne volonté et un savoir-faire certains, rien ne surgit. Ni émotion, ni intérêt, ni fascination.

Reste un certain malaise, celui de voir se déployer tant de coquilles, colorées, chères et bruyantes, autour d’un vide si tenace.
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