"Elles se rendent pas compte" de Boris Vian - 1950¤¤¤
Quatrième et dernier roman noir de Boris Vian alias Vernon Sullivan, celui-ci se démarque par son écriture à la cool, beaucoup moins sombre que ses prédécesseurs. Pour autant, la violence et le sexe y sont toujours les ingrédients principaux mais ils y sont distillés avec énormément d'humour, tant et si bien que l'auteur parvient à décrire des scènes horribles tout en nous arrachant un sourire (viols, tortures, bagarres,...). Côté Amérique, bien qu'il n'y ait jamais mis les pieds, il a une capacité à retranscrire une époque et des décors avec une telle précision qu'on s'y croirait. Son histoire s'articule habilement et rapidement (140 pages) et c'est un véritable page-turner. Il ne me reste plus qu'à réparer mon erreur (j'ai zappé "Et on tuera tous les affreux") et j'en aurais terminé avec cet écrivain sous alias qui avait beaucoup de choses à dire et qui voulait secouer l'arbre de la bienséance, quitte à recevoir des critiques virulentes sur la tête.
"L'attrape-coeurs" de J.D. Salinger - 1951¤¤¤
Roman d'apprentissage à la notoriété sans équivalent, L'attrape-coeurs m'a longtemps fait de l’œil sans que je m'y attarde. C'est chose faite à présent et c'est avec un plaisir non contenu que je l'ai lu avidement. Partant d'un récit à la première personne, on s'attend à une biographie pompeuse sur la bourgeoisie américaine des années 50. Mais c'est très rapidement que le ton du roman surprend par son langage familier, son abus d'argot et ses rencontres rocambolesques. Car s'il s'agit bien d'une tranche de vie, elle ne se découpe que sur 3 jours précédant Noël, période durant laquelle le narrateur aurait dû être en classe mais s'est fait renvoyer de son établissement.
Ce sont ses errances qui vont nous être racontées, quasi en temps réel tant les transitions entre les chapitres sont invisibles. Entre la découverte du monde extérieur, de l'amour charnel, de l'ivresse, c'est un ramassis de désillusions qui entraînent notre antihéros dans les rues d'un New-York gris et sale. Véritable acte de rébellion, cette errance décrite de main de maître par Salinger contient toute la fougue et la colère de l'adolescence, comme un témoignage intemporel et haineux de ceux dont il va bientôt rejoindre le camp: les adultes.
Sur ces 3 jours, le jeune homme a le temps de gamberger, de faire un point sur son passé, sa famille et son avenir, sans cesse rappelé à lui comme incertain par ses anciens professeurs. C'est en ça que le roman s'apparente à une biographie car ce sont toutes ces réflexions amusantes, grivoises, immatures qui font le sel du récit. La mécanique de l'auteur est très bien huilée et on ne s'ennuie jamais devant le spectacle de l'après-guerre qui se joue devant les yeux du petit Holden. Ce roman, encore étudié aujourd'hui dans bien des écoles pour traiter de l'adolescence, m'avait terrorisé plus jeune sans que je n'en ai lu une seule page. Aujourd'hui, adulte, je dois dire que je constate avec mélancolie que Salinger est un génie !