Vu Irréversible dans son inversion intégrale.
Bon déjà, ça m'a permis de voir Irréversible au cinéma, seul Noé en date que je n'avais pas vu en salle, et ça valait clairement le coup. Les effets de caméra, le choix du plan-séquence, l'impression de ne pas avoir le droit de détourner le regard devant la scène centrale, la beauté des scènes intimistes, ça renforce clairement la puissance du métrage.
Pour ce qui est de l'inversion, il est amusant de constater que le film se clôt sur "Le temps révèle tout" (à la place de "Le temps détruit tout" dans le film d'origine), et c'est un peu paradoxal (ou voulu de la part de Noé ?) car effectivement l'inversion révèle qu'une grande partie de la force du film découlait de son choix de raconter l'histoire à l'envers.
L'inversion a quand même ses qualités : ça accentue non seulement le côté descente aux enfers de l'histoire (littéralement : le film commence sur un blanc éclatant, descend du ciel, passe dans des immeubles bourgeois, continue dans la rue puis s'enfonce dans une boîte de nuit souterraine aux teintes rougeâtres), mais surtout ça permet de se rendre compte à quel point la mise en scène de Noé a été pensée de façon évolutive. Pour rappel, Noé a tourné le film dans l'ordre narratif chronologique, et ça se ressent clairement en voyant le film de cette façon, où il adapte le style de sa caméra avec l'état d'esprit de ses personnages : plus le film avance, et plus la caméra devient instable, au point de devenir incontrôlable.
Le truc, c'est que l'inversion se fait au détriment narratif et sensoriel. Le film original arrivait à capter le spectateur dès le départ pour ne plus le lâcher, et les dernières scènes devenaient alors des havres de paix qu'on savourait. En inversé, ça donne un début sur lequel on a aucun enjeu auquel se raccrocher, et surtout le fait d'apprendre que Bellucci est enceinte devient banal alors que dans la version d'origine c'est un coup de grâce au public.
Dernier détail qui m'a un peu emmerdé : Noé a viré quelques bouts de films pour rendre possible les nouvelles ellipses. Exit donc le plan sur l'affiche de 2001 qui avait pourtant un sens symbolique (le fœtus) mais aussi exit mon ellipse préférée avec le caméra qui déambule dans les tunnels du métro parisien.
Un remontage qui a le mérite d'exister, mais qui fait plus office de bonus pour très gros fans du film que réelle alternative pour découvrir le film.
Enfin, c'est toujours un plaisir de constater que même en 2020 et avec la réputation que se traîne le film depuis quasiment vingt ans, il y a toujours des gens qui se barrent de la salle pendant la scène du viol et le plan-séquence du Rectum.
