BE KIND, REVIEW!

BELLFLOWER
Evan Glodell - 2011
8/10

C’est ma troisième vision de ce film et je l’aime toujours autant ! Du pur cinéma underground qui pourra en déconcerter plus d’un : image volontairement crade, photographie aux filtres tape-à-l’œil, acteurs amateurs, … Et pourtant, l’alchimie fonctionne parfaitement et je dirais même que c’est ça qui fait tout le charme du film. On se laisse entraîner par cette histoire où 2 potes un peu asociaux qui vouent un culte au film Mad Max, ont pour seul but dans la vie de fabriquer un lance-flamme et relooker leur voiture pour la transformer en "Mother Medusa". Mais leur vie va prendre un tournant lorsque l’un des 2 héros va tomber amoureux d’une jeune femme rencontrée dans un bar. Rappelant le cinéma de Gregg Araki ou de Bruce LaBruce, Evan Glodell assume totalement le côté "underground" de son film et nous livre une romance qui sort des sentiers battus. Malgré leur manque d’expérience, les acteurs sont d’un grand naturel et la relation amoureuse entre Evan Glodell et Jessie Wiseman est parfaitement crédible. Quant à Rebekah Brandes, elle est particulièrement charmante. Niveau mise en scène, ça reste assez conventionnel, la patte artistique se faisant d’avantage sur la photographie que sur la mise en scène à proprement parlé. Il y a bien une erreur de montage qui marque les esprits (la scène en voiture après que le couple l’ait échangé contre une moto) mais ça reste anecdotique. Pour ce qui est de la fin alternative, elle apporte une touche de poésie au film : à chacun de décider quelle est la vraie fin et quelle est la fin fantasmée … à moins que les 2 ne soient fantasmées. En tout cas, voici une belle métaphore sur le travail de deuil d’une relation amoureuse qui fut passionnelle et destructrice. Je comprend tout à fait qu’on puisse rester hermétique à ce genre de film mais moi, j’ai kiffé et je le revois avec plaisir.

SAYA ZAMURAÏ
Hitoshi Matsumoto - 2010
7/10

Ayant assez peu de connaissance en matière de chambara, je me demande si je n’aurais pas mieux fait de découvrir un peu le genre avant de regarder ce film qui lui rend hommage de façon totalement décalée. Le réalisateur japonais Hitoshi Matsumoto, habitué semble-t-il à des films encore plus barrés, nous livre ici un joli conte onirique et burlesque rappelant un peu L’été de Kikujiro de Kitano. Le film suit donc l’histoire d’un samouraï sans sabre qui refuse de combattre et de sa fille. Arrêté par un seigneur, celui-ci lui donne 30 jours pour réussir à redonner le sourire à son fils sans quoi il devra se faire "seppuku". L'introduction bien décalée pourrait presque faire penser à du Takashi Miike. Mais dès qu'on arrive chez le seigneur, on s'oriente vers un style burlesque plus classique. Je dois avouer que le rythme répétitif de cette première partie, bien que marrante par moments, a fini par m’ennuyer un peu. Heureusement, la tournure plus dramatique que prend la seconde moitié jusqu’à un final qui nous met la larme à l’œil a retrouvé tout mon intérêt. Dans le rôle principal, Takaaki Nomi joue parfaitement le clown triste et dans le rôle de sa jeune fille, Sae Kumada est vraiment touchante. Par sa mise en scène simple et efficace, le réalisateur met bien en avant le côté burlesque de son film et nous fait sourire à de nombreuses reprises. Les références à Hara-Kiri de Kobayashi sont évidentes mais je ne m’y connais pas assez pour voir s’il fait des clins d’œil à d’autres films du genre … En tout cas, ce film est d’une grande poésie et il m’a bien donné envie de découvrir les 2 autres films du réalisateur : Big Man Japan et Symbol.

MOONRISE KINGDOM
Wes Anderson - 2012
8/10

En tant qu’adepte du cinéma de Wes Anderson, j’attends chacun de ses nouveaux films avec une certaine impatience. Et celui-ci est encore une belle réussite. Avec son style inimitable, il nous raconte ici l’histoire de 2 pré-ados qui décident de fuguer pour pouvoir vivre pleinement leur histoire d’amour. Mettant en opposition la maturité des enfants et l’irresponsabilité des adultes, il brosse une jolie galerie de portrait et prend un malin plaisir à inverser les codes. Côté mise en scène, il conçoit toujours son film comme une succession de tableaux dont les cadres et les mouvements de caméra sont choisis minutieusement. Adepte des panoramiques et des travellings, il manie le travail champs/hors-champs comme personne. De plus, le film est servi par un casting 4 étoiles qui s’en donne à cœur-joie. Les jeunes acteurs Jared Gilman et Kara Hayward ont ce côté décalé que recherche Wes Anderson dans chacun de ses films. Quant à Bruce Willis et Edward Norton, ils semblent prendre plaisir dans ces rôles à contre-emploi d’adultes au comportement presque enfantin. A noter également la belle composition de Alexandre Desplat qui participe pleinement à l’ambiance du film. Malgré tout, après cette troisième vision du film, je le rangerai au côté de A bord du Darjeeling Limited dans les films du réalisateur qui ne se bonifient pas au fur et à mesure des visions à l’inverse de La famille Tenenbaum ou de La vie aquatique que je trouve à chaque fois meilleur.

P.s : Il faudrait que je me fasse une petite rétrospective car j’en n’ai quasiment critiqué aucun !

TAKE SHELTER
Jeff Nichols - 2011
8,5/10

Après le déjà fort prometteur Shotgun stories, Jeff Nichols nous livre ici son second film et je dois avouer que plus je le vois, plus je le trouve bon (déjà ma quatrième vision). Alliant le drame psychologique et le thriller paranoïaque avec brio, le réalisateur nous tient en haleine pendant 2h. Le film suit donc l’histoire d’un père de famille qui fait des rêves étranges annonçant l’arrivée d’une tempête dévastatrice. Pensant que ces rêves sont prémonitoires, il va plonger progressivement dans la paranoïa au dépend de sa femme et de sa fille. Grâce à la mise en scène minutieuse de Nichols et la musique envoutante de David Wingo, le film nous emporte totalement dans cette ambiance qui flirte avec le fantastique. D’ailleurs, le contexte et l’ambiance rappellent beaucoup le Signs de M. Night Shyamalan. Le réalisateur arrive à trouver le parfait équilibre entre les scènes de la vie quotidienne et les scènes de rêve qui sont de plus en plus intenses au point qu’on souffre avec le héros. Dans le rôle principal, Michael Shannon est toujours aussi génial ! Après ses prestations dans Bug et Les noces rebelles, il confirme qu’il a une prédilection pour les personnages à maladie mentale. A ses côtés, Jessica Chastain confirme également tout son talent dans un rôle tout en justesse de femme en apparence fragile mais qui va soutenir son mari dans cette épreuve. Ce qui fait le charme du film, c’est aussi ce souci du détail : l’histoire est plongée dans un contexte économique difficile qui rend les dépenses du mari encore plus déterminantes pour l’avenir de la famille et la surdité de leur fille n’est pas un élément anodin et apporte une approche plus sensorielle de cette catastrophe annoncée. Enfin, la fin ouverte à différentes interprétations pourra en déstabiliser plus d'un mais personnellement, j’aime beaucoup ce principe de laisser chacun y voir ce qu’il veut. Est-ce encore un rêve ? est-ce une hallucination collective ? est-ce une vraie tempête qui arrive ? La première hypothèse semble la plus plausible mais la réflexion est ouverte … Au final, Jeff Nichols nous livre un second film parfaitement maîtrisé et nous hante par son traitement complexe de la schizophrénie. Il est assurément un réalisateur à suivre et son prochain film Mud s’annonce sous les meilleurs hospices !