BE KIND, REVIEW!

Stoker, Park Chan-wook (2013)

Comme beaucoup de ses compatriotes coréens, Park Chan-wook réussit parfaitement son essai aux Etats-Unis à travers une oeuvre formellement plus accessible mais non moins dérangeante et déroutante. Avec le même souffle mélancolique et morbide qui plane au-dessus de chacun de ses films, et notamment sa Trilogie de la vengeance, il adapte son thème favori de la famille en malmenant le spectateur à travers une atmosphère délétère succédant au deuil d'un proche, et un montage qui révèle ses secrets par petits à-coup, maintenant le mystère jusqu'au bout (même à la fin, je ne suis pas certain d'avoir compris toutes les allusions, et donc un second visionnage s'impose).

Ce film est parsemé de métaphores, et explore de façon fort originale, via les liens du sang, la transmission des parents vers la personne de Stoker, jeune adolescente silencieuse quasiment autiste qui perd progressivement son innocence, contaminée par leurs vices d'adulte. On progresse ainsi dans ce film plutôt étrange sans vraiment connaître l'enchaînement des évènements. Ce qui est ici une force narrative, le tout restant très cohérent en dépit de quelques facilités autour de l'enquête portant sur les disparitions successives causées par cette famille rongée de l'intérieur, comme bien trop souvent dans ce genre de thriller psychologique.

Ce qui confère à cette oeuvre son caractère si particulier, outre son montage elliptique et son bel écrin dont les formes rappellent un peu l'esthétique gothique, ce sont ses acteurs. En premier lieu Matthew Goode interprétant cet oncle mystérieux qui cache bien son jeu, apparaissant comme une sorte de fantasme qui prend forme réelle, source d'attraction malsaine. S'articule autour de sa présence magnétique Mia Wasikowska, l'autre révélation de ce film, beauté juvénile faussement fragile. Sans oublier Nicole Kidman, très bien aussi dans le rôle de cette mère perdue dans ses repères sexuel et parental. Enfin, la musique jouée au piano instille un très beau spleen à l'âme et incarne bien l'essence du film flottant entre Eros et Thanatos.

Donc un film sur le deuil de l'enfance assez timbrée dans le genre que j'ai beaucoup apprécié, mais à revoir pour mieux digérer les multiples sens d'une intrigue labyrinthique en dépit d'un fil directeur clairement établi.

L'échine du diable, Guillaume Del Toro (2001)

Un film qui déçoit forcément lorsqu'on le compare au Labyrinthe de Pan avec lequel il partage de nombreux points communs, comme le cadre historique, et les allers-retours entre le fantastique et la réalité. Je l'ai vraiment vu comme un gros brouillon de son chef-d'oeuvre à venir, et l'histoire, si elle avait des prémisses intéressantes, est finalement assez classique, et n'est parvenu à me captiver que dans sa seconde partie, à partir du moment où le traître s'est retourné contre les enfants et l'orphelinat, et nous offre ainsi des passages assez violents où la nature humaine face à la convoitise est révélée au grand jour. Alors ce n'est pas un mauvais film, et Guillaume Del Toro montre les horreurs de la guerre de manière assez intéressante, que la petite touche fantastique vient grossir comme une loupe, mais je préfère carrément quand ce réalisateur développe plus explicitement son univers fantastique et ses créatures.