Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick
(1999)
Kubrick, l'un de ces rares réalisateurs qui arrivent à me faire détester un de ces films à la première vision, pour ensuite me passionner à la seconde avec le même métrage. Est-ce le fait d'avoir découvert entre-temps le reste de son œuvre ? Toujours est-il que Eyes Wide Shut, film que je trouvais autrefois prétentieux, ennuyeux et facile, s'impose à mes yeux comme l'une des pièces les plus marquantes de son auteur, ainsi que l'une des plus captivantes. Sorte de faux-film sur l'amour, qui se révèle être bien plus une pièce paranoïaque sur le désir sexuel et la peur d'admettre que son couple est avant tout l'union de deux êtres humains, avec les faiblesses que cela comprend. Si un tel sujet peut faire peur sur une durée de 2H40, Kubrick gère une nouvelle fois à merveille son sens du rythme. Les 48H du récit se ressentent sans pour autant être ennuyeuses, et les longs dialogues sont absolument captivants, le mérite revenant pour beaucoup à un casting très inspiré. Nicole Kidman, dont le personnage hante le film sans pour autant être réellement présente, a rarement été aussi bonne à l'écran, et Tom Cruise trouve là un de ses meilleurs rôles et cela laisse rêveur quand à ce qu'aurait pu faire Kubrick avec d'autres acteurs s'il était toujours vivant. Surtout en terme de mise en scène, le génie de Kubrick explose dans le cadre, et si le film globalement n'est pas forcément son travail visuel le plus marquant, il signe tout de même quelques séquences les plus inspirées de sa carrière, en témoigne le passage dans le manoir qui est la gros morceau de bravoure du métrage, une scène qui frôle l'ambiance du cinéma de David Lynch, tout en gardant un caractère très kubrickien, avec la beauté visuelle et le malaise que cela comprend (le tout renforcé par une bande-son hypnotisante). A l'instar d'un film comme 2001 ou la seconde partie de Shining, c'est le genre de film qu'il est impossible de saisir totalement, tant Kubrick brouille et multiplie les pistes de lecture (notamment la symbolique du rêve de Kidman). Cela donne une film en tout point fascinant, une sorte de film-testament de son auteur qui traite frontalement d'une des thématiques les plus récurrentes de son œuvre (la décadence et le pouvoir du sexe dans notre société). Le dernier très grand film du Maître, et c'est un véritable bonheur que de redécouvrir ce film après être passé à côté il y a des années.
NOTE : 8,5/10