LES 8 SALOPARDS-------------------------------------------
Quentin Tarantino (2016) |
9/10 Pour son 8e film et après un Django pour moi inégal, Tarantino continue d'explorer les thèmes du western en abordant ici une histoire de chasseurs de prime sur fond de tempête neigeuse.
Violent à souhait, le récit qui débute par le convoi d'une diligence, va vite s'arrêter dans une auberge et orchestrer le face à face sanglant entre les différents voyageurs. Divisé en chapitres comme à l'accoutumée, le film est donc quasiment une sorte de huis clos, comme Reservoir Dogs à l'époque. D'ailleurs à ce sujet l'apport du 70mm est un peu anecdotique, les grands espaces étant un peu réduits à une portion congrue, quoique présents au début. Mais le propos n'est pas vraiment de montrer les mythiques paysages mais bien plus de s'amuser de l'ambiance de l'époque et de l'atmosphère de tension qu'il va ici susciter. Le format sert sans doute d'ailleurs bien plus ici à enfermer son huis clos dans ce cadre rectangulaire pour mieux le rendre opaque. Et s'il va entretenir longtemps le mystère sur ses personnages et donner la part belle à leur mentalité si typique, festival d'ambiance, d'accents et de faux semblants, il retracera par la suite lors d'un flashback coutumier l'arrivée des protagonistes, laissant apparaître alors le fin mot annoncé de l'histoire.
Tarantino oblige, le film est très bavard, assez truculent et les personnages sont aussi mystérieux que patibulaires. Et c'est donc un festival de répliques cultes qui vont venir égayer ce savoureux panier de crabes. A ce titre, Jennifer Jason Leigh campe l'un des personnages les plus iconiques de Tarantino, une vraie et belle garce qui incarne parfaitement l'esprit badass du film. Quel rôle franchement ! Et Kurt Russell et Samuel Jackson sont eux aussi exceptionnels en chasseurs de primes charismatiques et méfiants, dont le dernier notamment, habitué pourtant du cinéma de Tarantino, trouvant ici ce qui est pour moi son meilleur rôle.
Si le film débute relativement piano (la version de 3h n'exclue pas quelques longueurs), il n'aura de cesse d'augmenter la tension, jusqu'à son dernier tiers et son rythme de croisière alors en forme de catharsis. Le film devient alors ce qu'il est vraiment; car ce 8 salopards a au final bien plus des airs de thriller horrifique que de western, et les compositions exceptionnelles de Morricone convoqué pour l'occasion (!) de rappeler forcément un autre film culte (avec neige/huis clos et Kurt Russell) ; en effet les ressemblances sont trop nombreuses pour ne pas voir ici un hommage appliqué à The Thing. Et cette relecture en western est un pur bonheur en forme de festival de confrontations et de violence aussi âpre que délectable.
Tarantino se lâche donc généreusement et son film est alors aussi simple qu'efficace. En expliquant sa démarche, il évoquait vouloir à l'origine donner une suite à Django. Mais un peu dans l'impasse avec ce personnage vertueux, il a alors décidé de prendre la tangente et d'évoquer plutôt une rencontre forcée entre des vrais salauds comme seul le western en possède. Ce faisant cela lui permet d'explorer avec encore plus de profondeur les thèmes de la violence, du racisme, du rapports de force. Et d'associer tout ça au panthéon de l'histoire américaine. Bien lui en a pris, car on peut être d'accord avec ses propres dires, à savoir qu'il s'agit ici d'un de ses meilleurs scénarios. Car en effet ce 8e film condense un peu les qualités de ses meilleurs films (joutes verbales, immédiateté d'un scénario jouissif et festival d'acteurs). Et surtout et encore il constitue un pur bonheur de cinéphile.