Voilà l'un des films des Coens que j'ai découvert sur le tard, il y a quelques années, et pourtant avant la revision récente, je n'avais aucun souvenir du métrage, si ce n'est le fait que je l'avais apprécié. Pour le coup, c'est une revision salutaire : de film recommandable des Coen, j'en viens à trouver que
The Man who wasn't there est tout simplement un des plus grands films du duo (ça se range dans le Top 3 en ce qui me concerne, avec
No country for old men et
A Serious Man), et l'énième preuve ultime que les Coen font tout simplement partis des plus grands réalisateurs américains contemporains. A première vue, le film paraît bien étrange avec son choix du noir et blanc et sa volonté de créer un fossé avec les œuvres précédentes du duo, mais au final plus on avance dans le film et plus on se rend compte, comme souvent avec la plupart des films des Coen, qu'on est tout simplement devant une pièce totalement cohérente de leur filmographie. Ici, on se retrouve donc avec un récit qui redirige clairement vers
Blood Simple, avec cette même intention de porter à l'écran une nouvelle fable sur le crime parfait, sauf qu'ici non seulement le crime en question est commis un peu par erreur, mais aussi et surtout parce que le film vire rapidement dans quelque chose de très différent, une sorte d'analyse de la culpabilité, des responsabilités ou encore de sa place dans la société. Comme souvent avec les Coen, il faut plusieurs visions pour comprendre la totalité du propos d'un de leurs films, et c'est particulièrement vrai avec celui-ci qui peut paraître autant nébuleux que transparent, et rien que pour ça le film donne envie d'être revu très vite.
Formellement, c'est aisément parmi ce que les Coen ont pu faire de mieux avec
No country for old men. La mise en scène est d'une beauté rare, et le choix du noir et blanc, qui peut paraître gadget au premier abord, permet au duo non seulement d'affirmer l'hommage au film noir (ce fétichisme de la cigarette qui envahit quasiment chaque plan), mais aussi et surtout de souligner l'univers fantomatique dans lequel évolue le héros désabusé, d'autant que les Coen joue parfois à fond sur les contrastes, ce qui permet d'avoir des plans qui ne jureraient pas dans un film comme
Sin City (comme quoi Rodriguez n'a vraiment rien inventé). A cela s'ajoute le score de Burwell vraiment magnifique (avec pas mal de Beethoven en plus) et surtout un casting monstrueux composé surtout de têtes connues chez les frangins. Mais surtout, on a Billy Bob Thornton, acteur absolument génial et souvent sous-utilisé, qui trouve là le rôle de sa carrière avec l'un des personnages les plus énigmatiques de la filmographie des Coen. Visuellement magnifique, script malin et plus profond qu'il n'y paraît :
The Man who wasn't there a tout du film majeur dans une filmographie d'exception, et il n'aurait pas volé une Palme d'Or (surtout contre un film de Moretti ou d'Haneke
).