[Dunandan] Mes critiques en 2014

[Dunandan]

Ouais tu m'as grillé, j'ai déjà réagi sur ton topic ... .

Edit : je vois que les distributeurs de bonnes notes de Ponyo ont surtout été scotchés par son aspect visuel, mais un peu déçus par le traitement des personnages (les adultes surtout). Pareil pour moi, mais mon ressenti a beaucoup été affecté par ce fâcheux déséquilibre entre forme et fond.

[Dunandan]

Arrietty, le petit monde des chapardeurs, Hiromasa Yonebayashi (2010)

Avec Le tombeau des lucioles, je crois que c'est le seul film du studio Ghibli non réalisé par Miyazaki que j'ai regardé. Alors déjà ce qui me semble une promesse de qualité, c'est sa beauté aussi bien visuelle que sonore. Même si on n'atteint pas le même niveau de poésie et de charme que les meilleures toiles du maître, on en prend les yeux avec la reproduction du petit monde miniature des chapardeurs dont l'existence se résume à chiper des objets aux humains dont ils ont réellement besoin, avec des bruitages qui renforcent l'impression d'immensité qu'ils rencontrent. Alors le script est très épuré avec une histoire d'amitié qui prend son temps entre les humains et ces petits êtres. Mais si on retrouve l'esprit Miyazaki (il en est d'ailleurs le scénariste), la patte n'est pas la même avec une touche féminine plus importante (merci les chansons pop qui vont dans ce sens) pas désagréable et même rafraîchissante.

Là où le bât blesse, à l'image du récent Ponyo, c'est sa pauvreté en termes d'enjeux narratifs ou thématiques. Ainsi sont survolés l'initiation d'Arietty (à part une belle petite scène d'infiltration avec des outils humains adaptés à leur taille) et le problème de coeur du jeune garçon (qui a juste pour fonction d'apporter un petit contre-point dramatique avec une issue finale touchante). De même, le petit suspens autour du danger potentiel des humains n'est pas folichon. Et tout est traité de manière ronde et conventionnelle avec des archétypes vus et revus, et unidimensionnels (seule Arietty connaît une petite évolution, en acceptant la main tendue de l'humain). Heureusement qu'esthétiquement ça envoie du lourd, avec un cadre champêtre agréable et des détails ébouriffants à l'échelle des chapardeurs, car on peut facilement s'ennuyer sur la durée. Néanmoins une valeur sûre si on apprécie les films du studio.

[Dunandan]

Je voulais un peu tempérer l'avalanche de bonnes notes de ces deux Ghibli (surtout le second). Car bon la beauté ne fait pas tout ...

[Mark Chopper]

Avec Le tombeau des lucioles, je crois que c'est le seul film du studio Ghibli non réalisé par Miyazaki que j'ai regardé.

Pfff... Tu vas te faire un cycle Takahata et au trot

[Dunandan]

Je note ... (d'ailleurs j'en ai repéré deux dans ma médiathèque )

[Dunandan]

Bug, William Friedkin (2006)

Adapté d'une pièce de théâtre, Bug est un huis-clos grandement subtil sur les méandres de la psyché humaine, qui ne se contente pas d'illustrer la folie, mais la fait vivre à travers ses personnages selon le mode d'une contamination galopante, qui l'air de rien, manipulent notre raison jusqu'à ne plus savoir distinguer le vrai du faux (Friedkin a lui-même présenté son film comme un un film paranoïaque sur la paranoïa). La construction du scénario ne manquera pas de surprendre, puisque l'exposition des personnages est très lente (mais nécessaire lorsqu'on comprend la finalité du film), et il ne faudra pas moins de trente minutes avant de rentrer dans le vif du sujet.

J'ai été particulièrement Bluffé par le duo d'acteurs qui tiennent notre imagination en éveil essentiellement par la force de leurs dialogues, pratiquement sans faire intervenir d'éléments extérieurs à leur esprit logique de plus en plus gangréné. Ils nous emportent dans leurs délires au point que nos repères sont complètement perturbés (comme le mari présenté au début comme violent qui est ensuite le seul individu à pouvoir sauver son ex-femme). Puis, par une mise en scène globalement sobre, mais qui reflète une grande maîtrise de l'espace, et multiplie les techniques du cinéma visant à nous faire expérimenter la paranoïa plutôt que de la montrer de manière extérieure.

Peu de films peuvent se targuer d'aller aussi loin dans leur propos, et qui rendent le spectateur actif en le laissant se démerder tout seul avec une poignée d'indices furtifs pour seul repère, permettant plusieurs lectures possibles non exclusives (histoire d'amour démente entre deux schizophrènes, dédoublement de personnalité, ou paranoïa contagieuse transmise par le gouvernement ?). Friedkin se sert ainsi habilement du cinéma de genre pour nous refléter sa vision d'un monde inquiet, hanté par ses démons de manière à perdre toute confiance envers son prochain, avec une menace qui vient de manière insidieuse et inattendue.

[Mr Jack]

Tout à fait d'accord avec ta critique d'Arrietty

[Dunandan]

Le tombeau des lucioles, Isao Takahata (1988)

Si vous avez été écoeuré dernièrement par l'optimisme béat et sucré des derniers films du studio Ghibli, rien ne vaut Le tombeau des lucioles qui va vous foutre le moral en l'air. Probablement l'une des plus belles évocations des conditions de vie durant la seconde guerre mondiale au Japon, où le sublime côtoie les pires horreurs. Nous suivons le destin de deux jeunes enfants livrés à eux-mêmes, subissant l'indifférence des adultes qui se replient sur leur cercle familial. Loin d'être un simple film pour enfants, et je ne le conseillerais d'ailleurs pas à un tel public tant l'émotion est à son comble (on parle quand même de deuil et de survie dans le plus pur dénuement), c'est un peu ce que Akira Kurosawa aurait pu réaliser s'il avait voulu s'essayer à l'animation (le thème des réfugiés, et celui de l'alternance poésie/drame, sont une constante de sa filmographie).

La grande force de ce film réside donc dans son double pari : ne pas travestir la réalité, sans oublier de la contraster par de purs moments de poésie où l'espoir est permis (ce qui permet de ne pas le réduire à un pur tire-larmes), petit et éphémère mais bien présent, comme le rire d'un enfant, la durée de vie d'une luciole éclairant l'obscurité, ou la boite de bonbons se vidant à mesure que leur périple se complique. Ces deux jeunes enfants incarnent la face d'un Japon ravagé par les bombes et le rationnement, victimes du comportement des adultes, aussi nocif pour leur innocence que les attaques des américains. Et chose que j'apprécie énormément : jamais le film ne les infantilise, ce qui facilite grandement l'empathie à leur égard. Ainsi, comment ne pas céder devant les supplications de cette gamine qui ne désire que le retour de sa maman ou un peu de bouffe, ou le courage de ce frère qui, contre le pragmatisme nauséabond des adultes (sans les diaboliser pour autant), utilise tout son temps pour s'occuper de sa frangine ?

Bref, comme son compatriote Miyazaki mais d'une toute autre manière, Takahata nous sensibilise aux conséquences terribles de la guerre qui signe simultanément la fin de l'enfance, tout en dressant ce triste constat selon lequel la société ferme les yeux devant l'ampleur de la situation (ce décalage est d'autant plus frappant dans le dénouement qui nous montre une famille peu affectée par les derniers évènements tandis que les deux jeunes enfants vivent une véritable descente aux enfers). Un chef d'oeuvre intense, tant dans sa forme que son fond, même si forcément l'escalade de l'horreur pourrait rebuter les plus sensibles ou les plus réticents à ressentir l'émotion pure qui en émane, pourtant tout à fait saine et humaine. Et quelle magnifique OST, qui appuie la poésie (parfois cauchemardesque) des images.

[lvri]

Cet animé est un chef d'oeuvre à tout point de vue !
Merci pour cette belle critique !

[Dunandan]

Thanks Ivri

Je ne l'avais pas vu depuis au moins 10 ans, il a gardé toute sa force ...

[Dunandan]

Angel Heart, Alan Parker (1987)

Petit avis rapide :

Bon polar à l'ancienne dont les mécaniques classiques sont transcendées par un script et une ambiance aux accointances fantastiques très réussis, porté par un Mickey Rourke impérial (je l'ai rarement vu aussi bon), qui a la classe dans la peau de ce détective à la cool (la musique au saxo, très chouette, va dans ce sens) à la découverte progressive du monde inquiétant du Vaudou (sympa les scènes à la Louisiane, on ressent bien la moiteur et le mystère qui l'entoure, un cadre trop peu utilisé au ciné) et de sa véritable identité. De Niro, on le voit pas trop, mais il a un rôle très charismatique (important pour l'aura du film). Puis on retrouve aussi le cinoche de genre à travers des exécutions sérieusement dérangeantes qui parsèment le jeu de pistes que remonte le détective, et des scènes particulièrement torrides (Lisa Bonnet, on peut dire qu'on l'a mise en valeur). Bref, j'ai bien aimé, mais faudra que je le revois pour compléter mon avis, n'ayant pas suivi tous les tenants et aboutissants de l'intrigue comme je l'aurais souhaité. Seul petit bémol : une faute de mauvais goût dans les effets durant le dénouement qui pouvait être évitée.

[Dunandan]

Content d'avoir vu enfin le film préféré d'Angel , même si j'aurais aimé le voir dans de meilleures conditions (fatigue + sta + commentaires chiants = cata) pour fournir une plus belle critique.

[angel.heart]

Ne cherche pas d'excuse à ta note de radin.

[Dunandan]

Ben tu sais quand on te lance des remarques du style : "Ah c'est Lisa Bonnet, ah ouais elle a joué dans Cosby Show ?", ou bien "rah mais c'est quoi ces ventilateurs ?" c'est quand même bien pète-couilles pour apprécier à fond le film .

Mais bon vu que dans ces conditions j'ai mis 8, je le verrai sûrement un peu à la hausse next time

[Dunandan]

Away we go, Sam Mendes (2009)

Entre les deux grosses productions que sont Les noces rebelles et Skyfall, Sam Mendes nous pond un film plus modeste et néanmoins précieux. Car après avoir livré une brillante et éprouvante réflexion sur la naissance de la modernité et de ses conséquences sur la conjugalité, Away we go est une véritable bouffée d'air frais, son pendant positif. Il s'agit en effet d'une comédie douce-amère estampillée Sundance, et aussi un road movie, puisqu'un jeune couple trentenaire décide d'aller aux quatre coins de l'Amérique du Nord pour visiter leurs relations, en prendre la température affective, et ainsi offrir le meilleur foyer au bébé qui est en chemin.

Donc une oeuvre plus légère en apparence, et elle l'est en vérité (grâce notamment à sa bande-originale duveteuse, une mise en scène intimiste, et le jeu naturel des acteurs, qui nous rendent tout de suite confortables et réceptifs). Mais elle est aussi parsemée de symboliques qui, même si elles sont servies sur un plateau (d'autant plus que le film est découpé de manière à ne pas les confondre), renvoient à un spectre différent de l'Amérique qui pèse sur l'équilibre familial, comme la répétition de l'échec ou la fuite de la violence. Et ce qui plane par-dessus tout autour d'eux, c'est la crainte de l'échec, de ne pas être assez bons en tant qu'individus et parents. Sans être réellement une quête initiatique, il s'agit plutôt de la confirmation renouvelée d'une vérité aussi simple et profonde que l'amour.

Un film qui me parle vraiment, loin d'être banal en dépit d'un sujet maintes fois rabâché. Sûrement grâce à sa modernité de traitement, avec la mise en avant d'un couple mixte, deux personnages "normaux" qui sont en même temps en décalage avec ce que la société préconise (très bon d'ailleurs le choix de John Krasinski qui reprend un peu son personnage de The Office, à savoir entier, sincère, et toujours capable de rebondir du bon côté). Puis la qualité d'écriture des dialogues, d'une grande finesse non sans une pointe d'humour, et qui abordent une multitude de thèmes avec justesse mais sans jamais prendre le dessus sur la légèreté du film qui est à mon sens essentielle. Et enfin, le sentiment de confiance et surtout d'espoir qu'on acquière avec les deux amoureux, que finalement, la vérité est bien plus simple à trouver qu'on ne le pense, sans prétendre donner des réponses toutes faites. Un vrai petit feel good movie en ce qui me concerne.