


The Strangers Upstairs (Nikai no tanin)
Yoji Yamada - 1961
Le film qui a lancé Yamada à la Shochiku.Alors assistant auprès de Yoshitaro Nomura, Yamada se voit confier un SP (Sister Picture), moyen métrage que l’on plaçait alors en soirée avant le film principal, système qui permettait de tester les jeunes réalisateurs. Le script est de Nomura lui-même et est adapté d’un roman à suspense de Kyô Takigawa. Le but de Yamada : en faire une comédie.
S’il n’a pas été satisfait du résultat, tout comme les patrons de la Shochiku (Yamada devra attendre dix-huit mois avant son prochain film), il faut reconnaître que l’histoire est assez amusante. Un jeune couple, Masami et Akiko, vient de construire une maison. Mais comme il y a eu des frais, ils trouvent judicieux de louer une chambre à l’étage. Pas de chance, ils ont choisi d’y installer un autre jeune couple qui s’avère être champion dans l’art de ne jamais payer le loyer. Masami va passer par toutes les stratégies, y compris de donner la possibilité au jeune homme de travailler dans sa société (ce sera un échec car l’homme est un fainéant fini). La situation empire quand ses deux frères aînés (notamment celui qui lui a offert 200000 yens pour construire la maison) s’en mêlent ainsi que la maman qui ne trouve rien de mieux à faire que de passer gaiement ses journées à jouer au hanafuda avec le couple d’escrocs. Masami parvient à s’en libérer par la manière forte. Arrive alors un deuxième couple qui, eux, ont le bon goût de payer les loyers rubis sur l’ongle et même d’offrir de l’argent pour construire une petite salle de bain ! Evidemment, cela cache quelque chose…
Voilà, cinquante minutes pour traiter tout cela, il n’y a aucun problème de rythme. On peut, comme Yamada, se dire qu’il s’agit d’un film mineur (et il l’est certainement), mais il est aussi intéressant de voir comment certains éléments de ses thématiques à venir sont déjà esquissés. Ainsi le thème de la famille et des inévitables anicroches qu’elle peut susciter. Le fait qu’au sein de cette famille, il puisse y avoir une patate chaude. Ici, c’est à la mère que ce rôle est dévolu. Quand Masami, éberlué, la voit jouer au hanafuda avec le petit escroc à l’étage, j’ai songé à Sakura découvrant une nouvelle frasque de son frère Torajirô. La même mère n’est d’ailleurs pas sans évoquer physiquement tante Tsune, et encore plus quand elle se met à un moment à pleurer bruyamment.
Autre point commun : la promiscuité, avec cet étage qui permet à un autre couple de vivre, mais aussi ce rez-de-chaussée qui permet de mélanger tout le monde. Le sans-gêne du couple de l’étage, qui doit aussi payer les frais de bouche (en vrai avatar de Sakura, Akiko prépare bien aimablement les dîners pour lui), évoque Tora-san qui joue le coq en pâte à chacun de ses retours de voyage (et qui, dans certains opus, est montré bien dédaigneux pour ce qui est de s’acquitter de sa note dans un petit hôtel). Évidemment, cela ajoute en tension, d’autant que, autre similitude, le film ne fait pas mystère d’une situation assez précaire concernant Masami et Akiko qui ont réellement besoin d’argent. Dans Tora-san, que ce soit le Poulpe qui gémit sur la situation de son entreprise, l’oncle et la tante Kuruma qui surveillent attentivement les comptes de leur boutique, Sakura et Hiroshi qui s’installent dans la vie avec une modeste bicoque ou Tora qui utilise souvent le mot « Binbō » (pauvre) pour parler de sa famille et les gens de leur quartier. Et on ne compte pas les innombrables rencontres qu’il fait dans la saga, pour lesquelles la recherche de bonheur est souvent contrecarrée par l’argent.
Mais pour surmonter la difficulté, dernier point commun, on peut compter sur l’humanité. Ce sera la petite conclusion inattendue que le script délivrera dans les dix dernières minutes et qui achèvera de donner une note torasanesque au film et au couple Masami/Akiko.
Sans prétention et donc loin d’être inintéressant. Cela dit, le prochain film de Yamada sera le premier à utiliser une certaine Chieko Baisho, de quoi forcément d’augmenter l’intérêt d’un cran, si ce n’est deux.