[Dunandan] Mes critiques en 2012

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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Ven 02 Mar 2012, 11:07

Moi aussi ça fait super longtemps que je ne l'ai pas vu, peut-être 5-6 ans. Mais à l'époque j'avais adoré, alors que je n'aime pas en général les films sportifs, sauf exceptions (par exemple Girl Fight).
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Killbush » Ven 02 Mar 2012, 13:20

Scalp a écrit:je suis le seul à lui mettre 10 :shock:

Non, si je le revois et fait une critique, je lui mettrai la même note :wink:

Super critique Dunandan :super:
Starting to see pictures, ain't ya?
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Pathfinder » Ven 02 Mar 2012, 16:45

:super: et quel final! Sly qui part sous les hourras! J'en ai la chair de poule tiens!
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Zatoïchi : Zatoïchi's revenge - 6,75/10

Messagepar Dunandan » Ven 02 Mar 2012, 23:41

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Zatoïchi's revenge

Réalisé par Akira Inoue

Avec Shintarô Katsu, Norihei Miki, Mikiko Tsubouchi, Takeshi Katô, Koheita Kadokura, Fujio Harumoto

Chambara, Japon, 1h23 - 1965

6.75/10


Résumé :
Dix années après leur séparation, Ichi rend visite à Hikonoichi, le professeur qui lui apprît l’art du massage. Arrivé en ville, il apprend que ce dernier a été assassiné et que sa fille, Sayo, a été contrainte de se prostituer pour le compte du parrain local, Tatsugoro, afin de payer les dettes de son père. Il va alors mener sa petite enquête pour se venger.


Il s'agit de l'unique participation du directeur Akira Inoue à la saga Zatoïchi. Il décide de compléter la quête du passé de Zatoïchi : après avoir croisé la route de son maître d'armes dans Un nouveau voyage, de son ancien amour dans Le fugitif, et d'un homme ressemblant à son père dans Adventures of Zatoïchi, il décide d'aller voir, volontairement cette fois-ci, le maître qui lui a appris son métier de masseur. Nouvelle séquence émotion donc, faisant suite au Voyage meurtrier dont il reprend d'ailleurs le même magnifique thème musical proche du Western spaghetti.

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Intrigue

La première scène introductive, faisant transition avec l'épisode précédent, Adventures of Zatoïchi, se démarque néanmoins des habituelles séquences d'humour auquel nous avons droit. Zatoïchi bénit simplement le soleil qui fait son apparition dans le ciel dont il sent la présence sur la peau. Cet élément naturel est un quasi personnage dramatique, car tout de suite après, un brouillard se lève, et des chasseurs de prime, leitmotiv de la série, surgissent au travers de la route du masseur aveugle pour l'intercepter. Le soleil n'apparaîtra que par intermittences, et pour cause. Car par la suite, il découvre très vite que son maître a été assassiné pour d'obscures raisons. Il s'agira donc d'une enquête sous le signe de la vengeance. Les ennuis proviendront essentiellement par son initiative personnelle, alors qu'il préfère en principe éviter les problèmes.


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Plus qu'une histoire de vengeance, nous découvrons, par le biais du parcours sinueux de Zatoïchi jusqu'aux responsables (pas de surprise là-dessus, il s'agit de l'Intendant et du Boss du village), les conséquences de leur domination injuste sur le peuple. Je trouve que la réalité de ces inégalités sociales est assez bien dépeinte, formant comme de petites cellules narratives quasi indépendantes de l'enquête du masseur aveugle.

D'abord, en levant les taxes à l'excès comme dans Mort ou Vif, les villageois sont obligés de donner leurs filles au Bordel pour payer leurs dettes. Les conditions de vie y sont absolument abominables, et sont très éloignées de celles des lieux que Zatoïchi avait l'habitude de traverser. En effet, la plupart des filles qui y habitent n'ont pas choisi ce mode de vie, et font donc l'objet de correction en cas de refus. Le pire, c'est que l'Intendant ne se contente pas de l'argent qu'il reçoit d'elles, mais profite lui-même de ces corps, parfois vierges, marquant de manière indélébile l'abus qui pèse sur ces jeunes filles. Zatoïchi y découvre la fille de son maître, l'une des scènes les plus émouvantes du film, bien que de facture assez classique.

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Ensuite, le masseur aveugle fait la rencontre d'un ivrogne et fameux lanceur de dés à la solde du Boss. Ils ont en commun le souvenir du défunt maître. Cet homme et surtout sa fille sont les seuls rayons de soleil pour Zatoïchi au milieu de cette histoire dramatique (mise à part la fille du masseur), l'une des plus sombres depuis le début de la série. D'ailleurs, le soleil fera sa réapparition lors d'une ballade du masseur aveugle et de la fille dans une séquence musicale et contemplative qui rappelle le style de Misumi. Malheureusement, pour protéger sa fille, il sera obligé de faire des choses dont il n'est pas fier. Et pour demeurer ensemble, sa propre fille aura à suivre le même chemin que son père. Ce sont des personnes qui ont un vrai fond humain, mais qui sont obligées, pour survivre, de rompre la confiance d'autrui. L'ivrogne apporte une petite touche d'humour ainsi que de pathétique au milieu de ce sombre récit.

Enfin, un peu moins intéressant car assez classique, l'Intendant et le Boss n'hésitent pas supprimer les intermédiaires avec l'hiérarchie pour protéger leurs affaires illégales.


Réalisation

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La réalisation est vraiment sympathique, et il y a pas mal d'idées dans cet épisode qui fonctionnent assez bien, comme l'utilisation du soleil ou de couleurs plus ternes voire nocturnes pour exprimer la tonalité de l'ambiance tendue entre espoir ou pessimisme, les flash back en N & B portant sur le meurtre du maître que l'on suit par une vue subjective qui permet de taire l'identité du tueur, et enfin un réjouissant hors champ qui laisse deviner au spectateur l'identité de Zatoïchi par la seule manière dont il verse le saké. De même, la musique est bien utilisée pour renforcer les émotions qui habitent le masseur aveugle à des moments clé, comme la retrouvaille de ce dernier et de la fille de son maître, l'une des meilleures scènes à mon goût avec la séquence des prostituées forcées, dont on ressent, par la composition de la scène morcelée en plans successifs sur ces visages de femmes, toute la détresse et l'enfermement. Enfin, la séquence de jeu habituelle, loin d'être un moment trivial, devient plus que jamais un véritable lieu d'affrontement symbolique entre le masseur aveugle et les auteurs du meurtre de son maître.

Par contre, mises à part les trois scènes que je viens de décrire, je trouve que le déroulement de l'enquête est légèrement trop calme, et on ne ressent pas toujours les tensions et la vengeance qui devraient habiter logiquement Zatoïchi, bâclant ainsi l'escalade de violence qui devrait conduire au climax final.

Ce dernier, toujours attendu, est un peu différent de qu'on nous propose habituellement. Normal, il s'agit de vengeance, et donc Zatoïchi provoque volontairement le combat après avoir reçu tous les éléments de son enquête, jusqu'à l'expiration de sa vengeance qui s'applique pour la première fois à des individus désarmés, à l'image du meurtre de son maître. Le combat nocturne est d'assez bonne facture.

Une première histoire de vengeance qui possède certaines idées intéressantes au niveau de la mise en scène et de réalisation, mais qui ne transcendent pas une histoire somme toute assez classique dans la série, et à laquelle il manque davantage de séquences d'émotion pour donner consistance aux motivations de Zatoïchi.
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Zatoïchi : Zatoïchi and the Doomed Man - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Sam 03 Mar 2012, 07:39

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi and the Doomed Man

Réalisé par Kazuo Mori

Avec Shintarô Katsu, Kanbi Fujiyama, Eiko Taki, et Masako Myojo

Chambara, Japon, 1h17 - 1965

7.5/10

Résumé :
Ichi est jeté dans la prison de Shimokura pour jeux illégaux et y fait la rencontre de Shimazo Katase, qui essaie de convaincre Ichi de plaider sa cause, affirmant être faussement accusé d’un meurtre. Il supplie Ichi d’aller voir deux témoins. Ichi, peu convaincu de la diatribe de l’homme et de sa bonne foi, veut d’abord penser à lui mais le destin va une nouvelle fois l’obliger à intervenir dans une sombre histoire de traîtrise et de complots pour le pouvoir.

Après le décevant mais néanmoins important Le secret, le réalisateur Kazuo Mori nous propose un retour aux sources réjouissant. En effet, après une série d'épisodes relativement optimistes, excepté Flashing sword, nous retrouvons un Zatoïchi face à un destin qu'il ne peut pas éviter malgré sa volonté. Décidément, les personnes à problèmes se mettent au travers de sa route, et il ne peut pas trouver la paix. La chaleur, tout comme dans Le fugitif, est un élément dramatique essentiel, comme si cette lourdeur climatique guidait les pas du masseur aveugle vers sa destination malgré lui. L'une des particularités de mise en scène du film est son montage alterné, présentant efficacement chaque groupe de personnages sans nous y perdre.


Un cheminement de paix contrarié par le destin

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La première scène censée nous donner le ton de l'histoire n'est pas très reluisante : le masseur aveugle a été arrêté pour jeux illégaux, battu à coups de bâtons. Il parvient malgré tout à lâcher un trait d'humour noir, reflétant son état d'esprit : "la douleur me rend aveugle". Effectivement, c'est ce qui arrive habituellement à ses victimes lorsqu'il est piqué à vif. Pour éviter d'y penser, il se remet en tête un condamné à mort qu'il a rencontré peu avant, qui se clame innocent, et qui le supplie d'aller rendre visite à deux personnes qui le confirmeraient.

Or, dans une scène qui résume à elle seule tout le personnage, Zatoïchi réfléchit sur ce qu'il doit faire. Son égoïsme de survie prend d'abord le dessus, et va aller jouer instinctivement, non pas aux dés pour changer un peu, mais au tir à l'arc. Il rencontre alors un personnage typique de la série, un usurpateur d'identité qui se cache derrière une apparence de bonté. Leur premier dialogue est lui-même emblématique, puisque ce drôle de bonhomme, pour inciter Zatoïchi de le prendre avec lui, parle de "coïncidence cosmique" - alors qu'il semble plutôt intéressé par l'argent qu'il a amassé - comme si une rencontre pouvait changer une destinée de trajectoire. Effectivement, non seulement il va compliquer le voyage de Zatoïchi en se faisant passer pour lui (on assistera d'ailleurs à une scène très drôle d'imitation) afin d'accepter des contrats à sa place et d'empocher ainsi son argent, mais il va le ramener ironiquement sur les lieux où habitent les témoins. Ainsi, le titre du film prend tout son sens. Qui est le véritable condamné ? Zatoïchi qui ne peut pas échapper à son destin ou le condamné à mort ? D'ailleurs, la légende du personnage le précède, comme si sa propre identité échappait à son contrôle. Cette réflexion existentialiste fait légèrement écho à celle de Mort ou vif, où le masseur aveugle désirait simplement restaurer son honneur bafoué, son identité d'honnête homme, alors qu'ici il voudrait rejeter en bloc son identité de justicier, sa part bonne comme mauvaise, mais celle-ci lui revient à chaque fois, appelée par le monde, comme un signe du destin. En outre, la destinée de l'usurpateur sera elle-même temporairement métamorphosée par sa rencontre avec Zatoïchi, jusqu'à une fin décidément pessimiste, insistant lourdement sur la damnation personnelle des âmes coupables (les personnes honnêtes sont les seules à s'en sortir).

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A la fin, Zatoïchi s'attarde un peu devant la mer. Probablement qu'il se met à rêver d'échapper à son destin, d'être quelqu'un d'autre. En effet, par son infinité, par son flux et reflux cycliques, la mer ne représente pas moins que le changement perpétuel, la possibilité de rédemption.

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Un monde dominé par l'argent et le pouvoir

Nous découvrons un autre thème propre à la série, porté à son apogée : celui de la cupidité. J'ai déjà parlé de l'usurpateur. Mais il y a bien pire. Incarnant habituellement une forme de naïveté, même les enfants sont instrumentalisés à cette fin, premier chaînon de l'organisation des yakuzas visant à soutirer de l'argent aux pauvres passants. Ironiquement, après son co-voyageur à problèmes, il s'agit de la deuxième étape qui le conduit à sa destination.

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Sinon, l'ennemi est toujours le même que dans n'importe quel épisode de la série : il s'agit de deux chefs yakuzas qui abusent de la pauvreté et de la faiblesse des gens, et qui sont prêts à manipuler tout le monde, même leur propre famille comme le condamné à mort, pour recevoir un plus grand pouvoir. Après une prise d'otage ratée, la détermination de Zatoïchi va les conduire à envoyer tous leurs hommes à le combattre dans un climax de qualité, dans lequel on aperçoit le masseur aveugle manier deux sabres en même temps.

Ce Zatoïchi est l'un des plus sombres de la série, forçant le "héros" à son destin. Le fond est assez classique mais mis en scène efficacement, et sublimé par ce pessimisme qui accable le personnage, pourtant en quête de quiétude et de rédemption.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Scalp » Sam 03 Mar 2012, 08:05

T'as réussit à trouver tout les Zato ?
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Sam 03 Mar 2012, 08:06

Oui, sauf le 13, mais je le verrai en streaming. Par contre la qualité sonore de la musique est difficile à estimer vu le transfert :?.
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Zatoichi : Voyage en Enfer - 8/10

Messagepar Dunandan » Sam 03 Mar 2012, 23:47

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoichi : Voyage en Enfer

Réalisé par Kenji Misumi

Avec Shintarô Katsu, Mikio Narita, Kaneko Iwasaki, Gaku Yamamoto, Tomonoshin Sagawa

Chambara, Japon, 1h27 - 1965

8/10


Résumé :
Ichi embarque sur un bateau en direction du cap de Miura. Agressé par de mauvais joueurs qu’il a démasqués, Ichi se fait remarquer par Jumonji (Mikio Narita), un assassin avec qui il se lie d’amitié autour de quelques parties d’échec (ou plutôt de Shogi). A son arrivée au port, il se fait malmener par les yakuzas du clan Baryu auquel appartenaient les joueurs rossés. Lors de l’altercation, une petite fille est blessée par accident. Pour la sauver de la gangrène, Ichi doit rapidement trouver cinq ryos d’or pour acheter un remède. Il décide ensuite d’amener la petite fille aux bains de la cure de Hakoné. Au cours du voyage, il se lie d’amitié avec elle et la femme qui l’accompagne, Otané (Kaneko Iwasaki). Arrivé aux thermes, il fait la connaissance d’un couple de frère et sœur à la recherche du meurtrier de leur père.


Avec cette troisième participation, Kenji Misumi se confirme comme l'un des artisans les plus indispensables de la série. Il y a d'abord une grande cohérence avec l'épisode précédent, Zatoïchi and the Doomed Man, qui insistait sur la damnation du personnage. Or, l'élément marin était un décor essentiel dans ce dernier, dont le sentiment de liberté faisait écho à l'élément solaire, signe de justice mais aussi de destin insistant. Ce n'est donc pas un hasard si Zatoïchi se retrouve en premier lieu dans un bateau, et se fait nommer simplement Ichi, un nom commun à tous les aveugles : il veut devenir comme n'importe qui. Par conséquent, il s'agit de l'épisode de l'humanité par excellence, insistant sur les limites et les fragilités du masseur aveugle.


Une humanité qui se saisit du masseur aveugle et de ses ennemis

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La séquence d'introduction nous annonce la couleur : comme dans Mort ou vif, Zatoïchi dégomme des chasseurs de prime à bout de bras. Mais pour une fois, ces derniers possèdent une humanité : ils ont peur et certains d'entre-eux ont le corps abîmé ou handicapé, comme s'ils portaient eux-mêmes, à un niveau quasi métaphysique, les stigmates des combats avec Zatoïchi. La malédiction ne concerne donc pas seulement ce dernier, mais aussi ceux qui le poursuivent, de manière cyclique.

Ensuite, le récit ne prend pas la forme classique d'un entonnoir qui pousserait inexorablement Zatoïchi dans les mailles de son destin. C'est la grande originalité de cet épisode : le rythme du film est au contraire lancinant, sans enjeu a priori pour le masseur aveugle. Comme dans Flashing sword, il est apparemment à l'écart de l'action. C'est l'occasion pour lui de faire une pause au milieu de son errance interminable qui le pousse sans cesse vers son destin. Par exemple, il se remet à jouer, exactement de la même manière que dans le masseur aveugle, en jouant sur son handicap pour tromper ses adversaires. Mais à plusieurs reprises, et c'est une première, il se fera aider comme n'importe quel handicapé : son handicap n'est pas feint, il est réel, et ainsi sa fragilité est palpable, à fleur de peau. Autrement dit, il a besoin des autres en situation normale, contrastant avec son habileté au combat toujours aussi efficace, peut-être même davantage.


Un destin qui se remet en marche de manière tragique

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Cependant, si l'action est en suspens pour lui, différentes sphères gravitent autour de lui : des chasseurs de primes en quête de récompense pour sa tête aident une mystérieuse femme à retrouver l'assassin de son mari, et un autre groupe cherche le meurtrier de leur maître ou parent. Et Zatoïchi fait aussi la rencontre d'un samouraï d'apparence sympathique, d'autant plus qu'il l'a aidé à monter dans le bateau, et passionné des échecs. Sa représentation du jeu, proche pour lui du sens de la vie comme l'un des chefs de clan dans Flashing sword, annonce qu'un affrontement prochain aura certainement lieu entre les deux hommes. En effet, alors que le samouraï est enfermé dans une logique du duel, avec un perdant et un gagnant à la fin, le masseur aveugle préfère les échanges, quitte à perdre pour ne pas avoir à se battre avec lui.

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Or, le destin va le rattraper de manière tragique, indirecte, par des rencontres fortuites, comme si la trame quasi invisible du récit prenait la forme de ce jeu d'échecs. Tandis que Zatoïchi est tombé sur ces chasseurs de prime, il blesse de manière collatérale une petite fille. L'affection qui lui portera, à elle et à la femme qui en est responsable, fait écho au Voyage meurtrier. Avec la même émotion, le masseur aveugle veut donc aider cet enfant très malade à avoir son médicament dispendieux. Il s'agit des meilleurs séquences du film : lorsqu'il acquiert enfin ce médicament après une série de jeux dont il ne ressort pas toujours vainqueur et d'exhibition assez humiliante de ses dons, et qu'il le perd momentanément lors d'un combat, on ressent tous les sentiments qui l'habitent à ce moment-là, grignotant le peu d'optimisme qui lui reste. Le "merci" de la petite fille jaillit comme une bulle de joie bienfaisante en Zatoïchi, trouvant enfin un instant de paix et de rédemption en son coeur.


Damnation et réparation

Le puzzle des rencontres fortuites ne va être complètement reconstitué que dans les vingt dernières minutes, suivi d'un climax court mais intense. Ce qui est à retenir de ce croisement des destins, c'est qu'au milieu de sa damnation, Zatoïchi a l'occasion de réparer des vies, et indirectement, la sienne. Son destin est donc différent du samouraï de qui il était l'ami, tuant ou blessant pourtant chacun des victimes innocentes. En effet, la nature de leur violence n'est pas la même, l'un faisant la distinction entre le bien et le mal, mais lui arrivant accidentellement ou par réaction pulsionnelle (par exemple en se faisant insulter) de toucher des innocents, alors que l'autre choisit froidement ses victimes et de manière indistincte. Ensuite, les relations sont primordiales pour Zatoïchi, contrairement au samouraï : à part le masseur aveugle, ce dernier n'a aucun ami. Cet épisode est vraiment intéressant, car il rompt avec l'ennemi classique de Zatoïchi, les chefs de yakuzas et leur pantins : le véritable ennemi ici, c'est lui-même, représenté symboliquement par son ami samouraï. Le dernier plan, le mont Fuji, vibre à l'image du précédent film : après le désir de trouver une nouvelle identité, la sagesse et la hauteur de vue se saisissent de lui. Il commence à grandir. Son voyage est néanmoins encore rempli d'errances dangereuses, et c'est la raison pour laquelle il laisse derrière la fille et sa mère malgré leurs demandes insistantes, comme dans Le voyage meurtrier, et surtout Un nouveau voyage.

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Cet épisode accomplit d'une belle façon la synthèse des faiblesses du masseur aveugle et de la damnation de Zatoïchi. Après le trouble d'identité arrive un soupçon de sagesse, et surtout d'humanité.
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Zatoïchi : La vengeance - 8/10

Messagepar Dunandan » Dim 04 Mar 2012, 17:35

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi's vengeance

Réalisé par Tokuzo Tanaka

Avec Shintarô Katsu, Shigeru Amachi, Genpachiro Kuroda, Jun Hamamura, Gen Kimura, Kanae Kobayashi, Koichi Mizuhara, Mayumi Ogawa, Kei Satô

Chambara, Japon, 1h30 - 1965

8/10


Résumé :
Le film s’ouvre sur une scène crépusculaire où un Ronin commet un assassinat, puis croise Ichi sans l'affronter. Ichi va rapidement décimer les huit commanditaires de ce meurtre, et recueillir les dernières paroles du mourant. Ce dernier lui donne une bourse d’or qu’il doit remettre à un certain Taichi, et parvient à donner son nom dans un dernier râle d’agonie : Tanekichi. Il rencontrera plus tard un moine aveugle qui sera comme sa mauvaise conscience.



Changement de directeur, et retour à l'un des meilleurs artisans de la série avec Misumi, Tokuzo Tanaka, qui a réalisé les épisodes 3 et 4, à savoir Un nouveau voyage et Le fugitif. Zatoïchi's vengeance, contrairement à ce que son titre suggère, approfondit le travail commencé par le précédent épisode, Voyage en enfer, qui portait sur l'humanité, et donc la fragilité et les limites du masseur aveugle. Mais contrairement à Sur la route, il ne s'agit pas d'une simple reprise synthétique, mais d'une véritable relecture personnelle : la grande originalité du film est de ne jamais quitter Zatoïchi d'une semelle, physiquement et moralement. Ainsi, jamais la conséquence de ses actes n'a paru aussi visible, transparente. Je pense que nous tenons peut-être l'épisode le plus spirituel depuis le début de la saga.


Une histoire nocturne

Dès le départ, nous savons que nous n'aurons pas à faire à un épisode classique. Pour la première fois, l'introduction ne contient ni scène comique (mise à part l'éternuement du masseur aveugle) ni combat abstrait de l'histoire principale, contenant souvent l'un ou l'autre une représentation parabolique de la suite de la histoire. En effet, nous pénétrons directement dans le récit, avec Zatoïchi qui se bat en pleine nuit contre des yakuzas qui ont tué un inconnu. Ce dernier, avant de mourir, lui laisse une bourse et deux noms, le sien, et le destinataire de l'argent. Un mystérieux samouraï, qui a assassiné l'homme, croise Zatoïchi sans l'affronter.

Alors que nous avions quitté Zatoïchi aux cimes de la sagesse, nous le retrouvons ici encore envahi de ses doutes et ses faiblesses, dans un stade intermédiaire, comme en témoigne l'aspect crépusculaire qui domine tout l'épisode (et il veut toujours partir pendant la nuit, comme un voleur, fuyant les problèmes). A ce titre, l'image et la musique sont sobres, douces, mélancoliques, en rythme avec l'évolution du personnage principal. D'ailleurs, le premier acte de Zatoïchi est symptomatique : au lieu de chercher à restituer l'argent, à partir de déductions un peu rapides, il pense d'abord qu'il s'agit de l'argent sale issu du vol, et donc était prêt à le dépenser à sa guise. Et plus tard, lorsqu'il rencontre par hasard la famille du mort (comme si son destin se remettait en route), il va d'abord leur mentir au sujet des circonstances de son décès, et je suis presque certain qu'il hésitait au sujet de la bourse.


Cécité et révélations

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Le mode du récit est très curieux, car jamais nous quittons le point de vue de Zatoïchi. Cette fois-ci, il n'y a pas de montage alterné qui nous présente les différents protagonistes dont les destins finiront par se croiser. Ainsi, la cécité du personnage principal atteint également le spectateur. Ce qui va augmenter cette impression est la rencontre du masseur aveugle avec un autre aveugle, un moine, qui me rappelle un peu le sage que l'on aperçoit à la fin de Voyage meurtrier, sauf que loin d'être conciliant avec son compagnon de route, il lui lâche des vérités pas toujours plaisantes à entendre. Il s'agit du personnage secondaire le plus important de l'histoire, qui apparaît toujours à des moments clés. Zatoïchi est connu pour avoir des sens aiguisés qui compensent sa cécité. Mais le moine a une perception supérieure à la sienne, car contrairement à lui, il est aveugle de naissance. Ainsi, il perce le masseur aveugle à jour, le connaissant même peut-être mieux que lui-même, comme par exemple la raison pour laquelle il ne peut conclure d'amitiés durables ni avec les voyants ni avec les aveugles, et surtout son dilemme moral qui consiste à affirmer des choses (pour sa propre survie) en contradiction avec ses actes (visant la protection des opprimés). Ainsi, l'aveugle de naissance éclaire d'une nouvelle lumière la psychologie du masseur aveugle. Cette relation dialectique ressemble légèrement à celle qu'il y avait dans l'épisode précédent, et ne fait pas du tout redondante par rapport à ce dernier, contrairement au film Le secret par rapport au Masseur aveugle.


Le dilemme moral de Zatoïchi

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Le village dans lequel le masseur aveugle s'arrête est, comme d'habitude dans la série, contrôlée injustement par les yakuzas. Mais ce qui est inédit, c'est qu'ils ne sont pas installés là depuis longtemps. Ainsi, on peut en savoir plus sur leurs méthodes et sur la manière dont ils se sont implantés. Or, la position de Zatoïchi face à cette injustice est ambigüe. Il n'est pas sourd à ces problèmes, mais ne réagit finalement qu'aux brusqueries des yakuzas profitant de son handicap. Après un combat soutenu contre eux auprès d'un petit garçon (fils du mourant qui lui a légué la bourse), son attitude va changer, sur les conseils du moine. Le discours de ce dernier est complexe, paradoxal : il ne devrait pas se battre si son propre honneur est en jeu, surtout si ce jeune garçon est au milieu car il pourrait le prendre pour modèle, réglant ainsi tous ses problèmes par la force, mais en même temps, son combat est juste lorsqu'il s'agit de défendre les démunis. A la suite de ce dialogue, Zatoïchi se laissera humilier par les yakuzas pour offrir un contre-modèle à l'enfant qui du coup ne va plus l'admirer, et adoptera une véritable canne d'aveugle pour ne plus tuer, comme à la fin du Masseur aveugle, mais qu'il abandonnera très vite car on a encore trop besoin de son sabre.


Pas d'ennemi désigné

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La subtilité du scénario est ne pas proposer d'ennemi tout désigné. Une seule fois nous quittons le point de vue de Zatoïchi pour rejoindre, pendant quelques scènes, celui du samouraï mystérieux. Il s'agit en fait du mari de la prostituée qui a accueilli le masseur aveugle, mais qui a une dette à payer pour pouvoir quitter son travail. La seule manière d'amasser autant d'argent en aussi peu de temps, selon le samouraï, est de tuer Zatoïchi. Ainsi, il ne s'agit pas d'un ennemi classique, mauvais ou instrumentalisé, mais d'un pauvre diable qui accepte un contrat juste pour de l'argent, et accessoirement pour redorer son statut de samouraï.


Un climax à la beauté crépusculaire

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Les combats auxquels nous avons droit sont à la fois longs et magnifiques, parmi les plus beaux depuis le début de la série. Ils sont filmés au crépuscule, et pour certains d'entre-eux, pendant des plans séquences assez longs. Zatoïchi se bat d'abord contre les yakuzas qui utiliseront des tambours contre lui comme dans Les tambours de la colère, n'ignorant pas que ses oreilles sont très sensibles. Ensuite nous enchaînons avec un duel entre Zatoïchi et le samouraï, qui possède un fond particulièrement dramatique, puisqu'ils se battent par un coup du destin et non parce qu'ils sont véritablement ennemis. S'ensuit un tête à tête musclé tout à fait mémorable du masseur aveugle avec le chef des Yakuzas pour rendre la liberté aux opprimés. Selon moi, il s'agit du meilleur climax de la série depuis Flashing sword.


Une éclaircie d'espoir

L'esthétique du film est elle même particulière, totalement sous la nuit (même la lune est masquée) ou sous l'ombre. Il s'agit donc, formellement, de l'épisode le plus sombre. Par contraste avec cette ambiance, l'éclaircie du plan final, qui laisse Zatoïchi partir vers la lumière fragile mais pleine d'espoir de l'aube, est particulièrement belle, beaucoup plus modeste que le dernier plan du film précédent qui nous laissait devant le mont Fuji.


Cet épisode forme un beau doublon avec celui réalisé par Misumi, offrant une superbe continuité sur le fond humain et fragile de Zatoïchi, en insistant encore plus sur sa cécité mentale, et dont les motivations morales sont éclairées par un autre aveugle.
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Zatoïchi : Le pèlerinage - 7,5/10

Messagepar Dunandan » Dim 04 Mar 2012, 22:30

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Zatoichi’s Pilgrimage

Réalisé par Kazuo Ikehiro

Avec Shintarô Katsu, Michiyo Ohkusu, Kunie Tanaka, Hisashi Igawa, Masao Mishima, Jotaro Senba, Ryûtarô Gomi, Isao Yamagata, Saburô Date

Chambara, Japon, 1h23 - 1966

7.5/10


Résumé :
Ichi se rend dans un temple afin d’implorer le pardon pour toutes les morts qui se sont accumulés sur son chemin. A peine a-t-il reprit la route, qu’il est attaqué sans raison apparente par Eigoro, ne pouvant que l’abattre malgré ses supplications. Le cheval du défunt le mène au village de Serigazawa, où il rencontre la sœur d’Eigoro qui tente à son tour de le tuer. Surprise, et par le sang qui coule de la blessure et par la passivité d’Ichi qui ne pare pas l’attaque, Okichi le soigne. Elle lui explique que le boss Tohachi a obligé Eigoro à l’attaquer, sûr que le jeune homme ne sortirait pas vivant de la confrontation. Ce n’était qu’une ruse pour se débarrasser d’un individu gênant qui résistait à l’expansion des Yakuzas sur le village tout entier.


Après les sixième et septième épisodes, Mort ou vif et Flashing sword, le directeur Kazuo Ikehiro, un autre "grand" de la série (même si je n'ai pas trop aimé sa première participation) nous revient dans une histoire qui prend la suite des deux précédents films, Voyage en enfer et The blind's swordman vengeance. En effet, après les expériences successives de la cécité physique puis de la cécité morale, Zatoïchi vient approfondir sa spiritualité. Personnellement, je le trouve un cran en dessous des deux autres, car le fond du film n'est pas très original (encore un clan de yakuzas en quête de domination territoriale), mais il complète quand même très bien la trilogie ainsi formée.


Un justicier qui n'intervient qu'en dernier recours

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Comme l'épisode précédent, nous sommes plongés dans l'action, et l'attention est d'abord portée sur un beau parleur, qui raconte ses soit-disant exploits. Zatoïchi se trouve à l'écart : le véritable "héros" ne parle pas et n'est pas fier de ses exploits, mais il agit et il a du sang sur les mains. Et cela se vérifie lorsque un voleur pris la main dans le sac, dans une scène assez comique qui montre toute sa maladresse, parvient malgré tout à prendre tout le monde de haut sans que personne ne le remette à sa place, y compris l'orateur. La réponse de Zatoïchi ne se fait pas attendre, lui tranchant la main par un geste sec de son sabre, punition classique des voleurs.


Un appel à un Dieu sourd

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Or, comme nous l'avions déjà abordé dans Voyage en enfer, ce dernier se retrouve sur un bateau qui se dirige vers une île. Les traversées maritimes et le rapport à la mer signifient toujours chez ce personnage une remise en question de son identité. Effectivement, comme son titre l'indique, il est en pèlerinage, allant de temple en temple. Après deux interlocuteurs comme lui, d'abord un tueur qui agissait avec des motifs opposés aux siens, puis un moine aveugle qui reflétait son dilemme moral, il se trouve en contact avec Dieu, l'Autre par excellence. Il peut donc parler sans crainte, en toute confiance. Son questionnement reflète tout le sens de ses errances et de sa malédiction : "Je n'ai jamais tué quelqu'un par par désir, mais je ne sais pas pourquoi j'ai tué". Et il demande ensuite de ne plus tuer.

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Mais son appel ne sera pas entendu, puisque très vite un homme, sans raisons apparentes, veut le tuer. De même que dans Flashing sword, il le tue sous l'eau, comme s'il ne voulait pas que les effets de sa violence rejaillissent à la surface. Dans une scène très drôle malgré le drame qui vient de se produire, le cheval du mort (qui semble être le seul à comprendre Zatoïchi, si si je vous jure) l'accompagne alors, intermédiaire entre ce dernier et son village. Cependant, on ressent toute la lassitude de Zatoïchi qui n'en peut plus de tuer pour rien ou presque.


Un fond classique ... ou presque

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Malheureusement, je trouve qu'on quitte un peu trop vite les réflexions métaphysiques de Zatoïchi pour revenir à un fond plus classique, malgré le cadre naturel très différent de ce à quoi on était habitué, avec une végétation des îles comptant un village, un lac et des forêts, qui sont parmi les plus beaux décors extérieurs de la série. D'abord, l'ennemi à abattre est de nouveau un clan de yakuzas qui opprime la population locale, bien méchants comme il faut. Puis la soeur du mort, après une crainte passagère, commence à vraiment apprécier Zatoïchi, comme si elle souffrait du syndrome de Stockholm (malgré tout le duo fonctionne bien). Nous avons quand même droit à des scènes humoristiques qui allègent agréablement le cadre dramatique du récit.

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Par contre, ce qui est plus intéressant, c'est la réaction des villageois face à l'oppression : ils n'ont pas vraiment peur de leurs agresseurs, et les tournent même en dérision, montrant qu'ils n'ont pas vraiment envie de leur obéir. Malgré tout, ils ne veulent pas engager de combat physique avec eux, targuant qu'ils n'aiment pas la violence. Mais en fait, en secret, ils comptent sur Zatoïchi pour qu'ils les sauvent sans lever le petit doigt. Ignorant cela, ce dernier se pose alors des questions sur le bien et le mal, et sur la question de son engagement au combat, faisant écho à son intervention du début du film. Sa vision n'est pas manichéenne du tout, et elle est même plutôt réaliste, distinguant les mauvais qui ressemblent vraiment à des mauvais, et les bons, qui font rarement des actes de bonté. Malgré tout il compte sur l'aide des villageois, et sera malmené plus que jamais par ses adversaires, jusqu'à ce qu'il reçoive une aide, symbolique, puisqu'il est ironiquement tué sur le champ, mais ça lui donne un nouvel élan pour finir le travail. Ainsi, ici finalement, le véritable ennemi, c'est la lâcheté des villageois qui ne prennent pas leur sort en main, et doivent compter sur des justiciers qui du coup, se salissent les mains, et pourrissent leur âme.

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Un épisode au fond classique, mais qui clôt bien la trilogie portant sur l'approfondissement spirituel de Zatoïchi, grâce à une alternance agréable entre drame et comédie, et en proposant un ennemi peu banal : la lâcheté des soit-disantes victimes.
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Re: [Dunandan] Mes critiques en 2012

Messagepar Dunandan » Dim 04 Mar 2012, 22:41

J'ai eu bien fait de les regarder dans l'ordre, car mine de rien, beaucoup d'épisodes se suivent :mrgreen: , et bon ça fait au moins 4 bons films que j'aurais raté, absents du coffret Wildside, les enfoirés :evil:

Et une plus value plus que sympathique dans le film :

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:love:

Pour terminer, ce que j'aime beaucoup dans cette petite trilogie, c'est de voir à l'oeuvre les trois meilleurs réalisateurs de la série dans un travail différent.
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Zatoïchi : Cane sword - 5,5/10

Messagepar Dunandan » Lun 05 Mar 2012, 03:56

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




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Zatoïchi : Cane sword

Réalisé par Kimiyoshi Yasuda

Avec Shintarô Katsu, Shiho Fujimura, et Yoshihiko Aoyama

Chambara, Japon, 1h32 - 1967

5.5/10


Résumé :
Sur sa route, Ichi trouve un homme mourant qui a juste le temps de lui glisser son nom avant de trépasser : Shotaro Ashikaga. Ichi se rend à Ichikaga où il rencontre un vieil homme du nom de Senzo estomaqué par ses talents de bretteur, qui se révèle être ancien forgeur d’armes, dont le maître est le créateur de la fameuse canne épée de notre héros. Le vieil homme informe Ichi que sa canne ne pourra plus donner qu’un seul coup avant de rendre l’âme. Ichi fait don de son arme à Senzo et, forcé de se retirer, il trouve un emploi de masseur dans l’auberge Shimmotsuke. Là, il rencontre une jeune femme, Shizu, qui se révèle être la fille de Shotaro Ashikaga, ancien chef Yakuza défait par l’infâme Iwagoro.


Kimiyoshi Yasuda reprend la suite, après avoir déjà réalisé les épisodes suivants : Sur la route et Adventures of Zatoïchi. Et décidément, il s'agit de l'artisan récurrent le moins intéressant de la série. Apparemment, on le choisit à chaque fois pour fêter la nouvelle année, car cet épisode utilise le même cadre temporel que le dernier. Pourtant, la rencontre du fils de l'armurier du sabre de Zatoïchi aurait pu faire une bonne histoire, mais il s'agit juste d'un prétexte à développer les anciens codes avec une contrainte nouvelle, à savoir l'absence d'une lame pour le masseur aveugle.

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Depuis quelques épisodes, The Blind swordman's vengeance pour être exact, nous n'avions plus d'introduction nous résumant la tonalité de l'histoire. Ici, il y en a une, avec un cadavre gisant à terre dévoré par des corbeaux, annonçant sans surprises de mauvais présages. Cependant, nous avons droit juste après à une belle scène musicale interprétée par une troupe de théâtre venue pour fêter la nouvelle année, qui parle indirectement de Zatoïchi, insistant sur la beauté cachée derrière les apparences. Mais ensuite, en rentrant dans le village vers lequel se dirige le cortège, l'armurier du coin lui annonce que son sabre n'a plus qu'un coup à porter, validant le malheur qui s'abat sur lui. Ainsi, comme dans Adventures of Zatoïchi, il ne peut pas passer à l'action, pour des raisons différentes : dans ce dernier cas, il ne voulait pas troubler les fêtes de fin d'année pour en profiter dans la joie, alors qu'ici, il ne peut simplement pas utiliser sa propre arme. Ainsi, il doit se mettre à travailler. A partir de cet instant là, le masseur aveugle sera mis au second plan, laissant la place aux conversations inégalement intéressantes des personnages secondaires : l'habituel chef des yakuzas du coin qui, aidé par l'Inspecteur, mène une vraie guerre territoriale, de pouvoir, et donc d'abus, visant en première ligne l'armurerie ; une femme est l'objet de convoitises de la part de l'Inspecteur, et s'avère être la fille du mort du début ; et enfin l'armurier a fabriqué un dernier sabre qu'il destine à son fils (qu'il refuse pour suivre son propre destin) mais que l'Inspecteur convoite de même (seule cette histoire me paraît intéressante, car s'y joue non seulement la destination de la lame, mais surtout l'âme même de l'armurier, l'âme du sabre et celle de son concepteur ne faisant qu'un). Bref, l'armurerie, le sabre, et les belles femmes sont très prisés dans ce coin. Pendant ce temps, Zatoïchi fait ses affaires habituelles : massages, jeux, taquineries. C'est assez ennuyeux, mais l'absence du port du sabre signifie au moins une chose : sans lui, Zatoïchi est un simple trublion (on assiste à une petite danse très rigolote), capable néanmoins de quelques coups d'éclats (par exemple lorsqu'il part un coup de sabre avec sa pipe). Et bien sûr, même si les "puissants" habituels ménagent Zatoïchi, leurs frasques va attirer inévitablement son instinct de justice vengeresse. J'insiste sur le fait que la personnalité du masseur est sous-exploitée, uniquement influencée par le comportement des autres. C'est dommage, car l'abandon du sabre aurait pu signifier plein de choses, tel le bonheur de retrouver une vie normale, telle qu'il l'avait espérée dans Le masseur aveugle ou dans The blind swordman's vengeance, alors qu'ici il éprouve juste le bonheur de retrouver une lame pour l'utiliser contre les méchants habituels, brisant ainsi tout espoir de rédemption. C'est vraiment dommage que tout ce cheminement psychologique, qui faisait pourtant la force pour au moins les trois derniers épisodes, ne soit pas du tout de la partie.

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Pour terminer, le climax est assez sympathique sans être transcendant : Zatoïchi va pouvoir faire mumuse avec le nouveau sabre forgé par le maître forgeron, qui est vraiment tranchant, et ses ennemis vont essayer de le coincer à coups de tonneaux, en les faisant rouler sous ses pieds ou en l'enfermant dedans, sans succès bien sûr.

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Un opus totalement mineur puisqu'il évacue complètement la dynamique dramatique du personnage des épisodes précédents, et contient une histoire peu intéressante, basée essentiellement sur les personnages secondaires, offrant néanmoins quelques scènes croustillantes. La seule chose à retenir est que Zatoïchi sans son sabre, sans surprises, n'est que la moitié de lui-même.
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Zatoïchi : Le justicier - 7,75/10

Messagepar Dunandan » Mar 06 Mar 2012, 02:38

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




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Zatoïchi : Le justicier

Réalisé par Satsuo Yamamoto

Avec Shintaro Katsu, Rentaro Mikuni, Ko Nishimura, Yuko Hamada,

Chambara, 1h32 - 1967

7.75/10


Résumé :
Zatoïchi a été manipulé par le chef yakuza d'une maison de jeu. Ce dernier en ressort plus puissant que jamais. Zatoïchi a désormais deux objectifs : rétablir l'injustice qu'il a contribué à provoquer, et venir en aide à la femme qu'il a involontairement condamnée à la prostitution en tuant son mari lors d'une embuscade.


Il s'agit de l'unique participation de Satsuo Yamamoto à la série, qui apporte réellement sa patte, puisqu'il s'agit de l'histoire la plus complexe à ce jour, et sa dimension politique prend des proportions proches de celle d'un Kobayashi, alors qu'elle demeurait bien plus simple jusqu'à présent, se résumant aux motifs personnels de Zatoïchi. D'autre part, il s'agit d'un tournant important, car il s'agit de la première production de Shintaro Katsu, l'acteur qui interprète Zatoïchi : ce dernier accepte enfin son destin, et sa condition sociale de yakuza. Néanmoins, cet épisode demeure cohérent par rapport aux précédents, puisqu'il en reprend les ingrédients classiques tels que les yakuzas pourris jusqu'à la moelle, les jeux, et les combats, et surtout la thématique centrale de cet épisode, celle de la justification de la violence et donc du port du sabre, qui fait partie inhérente du personnage depuis le tout début.


Un "nouveau" Zatoïchi

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La première scène reprend son caractère parabolique : elle insiste sur la dextérité de Zatoïchi, habile comme pas deux, ici au tir à l'arc, comme dans Zatoïchi and the doomed man. Ensuite, ses pas croisent la route d'un mystérieux justicier (un yakuza en fait, que je nommerai simplement "justicier" pour le distinguer) qui se bat à main nues, prônant la non-violence, puis un fief de paysans chantant une drôle de chanson qui insiste sur des principes vertueux dans la continuité du message de cet homme. Pour Zatoïchi, ce n'est pas un endroit à fréquenter. En quelques scènes, le personnage est donc posé : il ne s'agit plus du Zatoïchi qui dominait les épisodes précédents, torturé entre sa quête de quiétude et ses déviances personnelles. Avec cette simple chanson et la rencontre avec ce justicier, tous les défauts du masseur aveugle sont mis en avant : boire, aller voir les prostituées, se bagarrer, jouer. C'est comme s'il avait pleinement accepté son statut de tueur vagabond, pris dans un équilibre ambigü entre bien et mal. La seule chose qui le distingue d'un simple tueur, c'est la destinée de son coup de sabre, les profiteurs et les méchants. Mais nous allons voir que ce ne sera pas si simple pour lui.


Une histoire apparemment classique ... mais qui ne l'est pas

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Zatoïchi pénètre ensuite au centre du fief, un village, pour pratiquer ses activités préférées, décrites au-dessus. Mais peu à peu, le masseur aveugle est relégué au second plan, pour mettre en avant une intrigue aux multiples enjeux qui dépasse largement le simple destin de ce personnage, et qui pour la toute première fois, possède un background historique. Contrairement à tous les autres films de la série, et je pense particulièrement au précédent, Cane sword, ce débordement du personnage principal vers des personnages périphériques est intéressant, bien conçu, et apporte une dimension dramatique toute particulière. L'intrigue commence pourtant de manière apparemment classique. Deux clans de Yakuzas se font une guerre territoriale, aux principes radicalement opposés. L'un remplit les caisses par les jeux truqués, tandis que l'autre est le protecteur des paysans, allant jusqu'à payer les dettes de ces derniers. Un troisième individu, le justicier dont j'ai parlé, agit sous la responsabilité du protecteur des paysans en leur inculquant, en plus des bonnes méthodes d'agriculture, des principes de vie basés sur la non-violence. D'autres personnages gravitent autour d'eux, dont quelques-uns qui veulent s'engager comme membres du clan. Touché par la situation des paysans, Zatoïchi va essayer d'apporter un équilibre à ce conflit à la pointe de son sabre.

Ce qui rend l'histoire si intéressante, c'est son déroulement narratif. En effet, après avoir laissé le village entre les mains du "gentil" clan apparemment au service des paysans, Zatoïchi quitte l'endroit pour faire son travail de masseur ailleurs. Il ne sera d'ailleurs pas toujours bien reçu, histoire de nous rappeler qu'il est détesté des voyants comme des non-voyants. Pour marquer la rupture avec ce qu'il s'est passé et donc la continuité de l'errance, un chant de Zatoïchi ponctue ce temps. Mais peu de temps après, un paysan du village qu'il a quitté précédemment essaie de le tuer pour se venger de ce qu'il a fait : le "gentil" chef a trompé son peuple, et est devenu aussi mauvais voire pire (par exemple les paysans se mettent à se suicider car ils n'arrivent plus à payer leurs dettes) que son prédécesseur, simple jouet de l'Intendant, et ses principes de justice détruits par l'argent et le pouvoir. Il a même enfermé le justicier car par sa "bonne parole", il pourrait pousser les paysans à la révolte. Cela montre qu'il vaut mieux un bon et mauvais chef car au moins il y a un pouvoir en équilibre, plutôt qu'un seul, qui même animé par des principes justes, peut rapidement se laisser corrompre par les avantages du pouvoir absolu. Ensuite, le rôle du justicier me fait penser au chef des Yakuzas qui ressemblait à un Robin des bois dans Mort ou vif (selon moi la plus grosse inspiration de ce film, avec la sensibilité politique du réalisateur, communiste), sauf qu'il n'agit pas indirectement au profit des villageois comme ce dernier, mais au contraire est un ferment actif au sein de la population, qui est donc elle-même capable de se révolter, alors que d'habitude elle laisse toujours les justiciers de tout genre faire le sale boulot, dont le paroxysme a été atteint selon moi dans Zatoichi’s Pilgrimage.


L'articulation des principes de violence et de non-violence

Selon moi, il y a au moins trois retournements de situation majeurs au court du récit.

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D'abord, lorsque Zatoïchi tue par accident un innocent engagé dans le "mauvais" clan qui visait à spolier les paysans. Cet acte remet en question la légitimité du port du sabre, comme dans The blind's swordman vengeance. Les positions du justicier dont j'ai parlé plus haut et de Zatoïchi sont très différentes à ce sujet. Tous les deux sont hors-la-loi aux yeux de la hiérarchie, en quoi ils sont semblables, comme en témoigne leur religion basée sur le soleil et les bienfaits de la nature, comme au tout début de Zatoïchi's revenge : leurs principes moraux ne dépendent donc pas d'un code d'honneur (même si le justicier est également respectueux de la vraie règle des yakuzas consistant à protéger les paysans, mais ce n'est pas contradictoire avec ses croyances, bien au contraire puisque les paysans sont serviteurs des bienfaits de la terre produits grâce au soleil) ou de la loi, mais de ce que la nature leur montre. Cela explique aussi pourquoi ils sont tous les deux si proches des paysans ou des laissés pour compte. Par contre leurs méthodes diffèrent entièrement sur la forme. Pour le justicier, la violence fait boire la terre de sang : c'est contre-nature, impur. Alors que pour Zatoïchi, la violence est nécessaire pour punir les méchants, mais malheureusement il est aussi aveugle, et donc les accidents peuvent se produire, ce qui fait partie de sa malédiction personnelle (par exemple, à cause de lui, une femme a du se prostituer car il a tué son mari, l'homme dont j'ai parlé au début du paragraphe).

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Ensuite, lorsque Zatoïchi apprend que le chef de clan sur lequel il comptait tant et qu'il a aidé à établir l'a finalement trahi. Je trouve que la réflexion du bien et du mal auquel se prête Zatoïchi fait écho à Zatoïchi's Pilgrimage, qui distinguait les mauvais qui avaient le visage d'homme mauvais, et les bons qui paraissent comme tels mais qui agissent rarement selon le bien. Or, cette distinction est ici remise en question de manière assez jouissive. En effet, il existe aussi les personnes aux doubles visages, y compris au niveau du coeur, ce que Zatoïchi perçoit habituellement si bien grâce à son handicap qui l'oblige à utiliser ses autres facultés à un niveau supérieur. A l'arrière-plan, il y a donc une critique radicale de la structure féodale à l'image d'un film comme Rébellion : la réforme ne peut provenir d'en haut, mais seulement d'en bas.

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C'est ce qui va se vérifier dans le climax, l'un des plus forts, au niveau dramatique, que j'ai vu. Après que Zatoïchi a réglé son compte au nouveau chef, les villageois le portent jusqu'à l'escorte du justicier en partance pour son exécution à mort. Ainsi les deux principes se réalisent dans une synthèse d'une beauté effrayante : Zatoïchi est utilisé comme simple instrument de mort pour libérer le justicier amoureux de la paix. Mais ainsi, ne sont-ils pas deux formes de justiciers complémentaires, l'un accomplissant la "justice naturelle", et l'autre la protégeant ? Et je voudrais enfin ajouter qu'il s'agit de l'épisode le plus violent graphiquement, enchaînant amputations, décapitations, histoire de montrer que cette forme de justice n'est possible que si quelqu'un se salit les mains, et nourrit la terre de sang.


Réalisation

Je la trouve relativement classique dans l'ensemble, mise à part un combat sous la pluie qui a probablement inspiré Takeshi Kitano pour sa version de Zatoïchi, et la surimpression de deux plans, l'un montrant la folie gagnée par le deuxième chef de clan, tandis que l'autre montre la détresse des paysans qui en font les frais (une idée déjà utilisé dans Mort ou vif). Mais je signale la participation de Shinatoro Katsu au chant (il était chanteur et musicien dans sa carrière, à côté de ses activités au cinéma). Ce qui est surtout remarquable, c'est l'intelligence du récit que j'ai suffisamment soulignée, et la présence du gore plus marquée, sans atteindre les excès de Baby Cart. Par contre, la musique plombe parfois un peu l'ambiance déjà bien chargée en drames : je trouve qu'il manque une petite touche d'humour dans l'ensemble.

Un tournant majeur et nécessaire de la série, transformant Zatoïchi en instrument de mort conduisant à la "véritable justice" dénuée de violence. Il s'agit aussi de l'épisode le plus ambitieux au niveau de l'histoire et de la politique depuis le début. Deux petits bémols : les allers-retours entre les nombreux personnages peuvent donner le tournis, et il manque un soupçon d'humour. Peut-être pas le Zatoïchi le plus fun ou le plus attachant, mais l'un des plus profonds et plus engagés.
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Zatoïchi : Route sanglante - 7/10

Messagepar Dunandan » Mar 06 Mar 2012, 06:17

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Route sanglante

Réalisé par Kenji Misumi

Avec Shintaro Katsu, Tsushiro Konoe, Jushiro Konoe

Chambara, Japon, 1h27 - 1967

7/10


Résumé :
Dans une auberge, Zatoïchi assiste aux derniers instants d'une femme gravement malade, qui lui laisse son enfant pour le ramener à son père, un peintre.


Kenji Misumi signe ici sa quatrième participation à la série, et probablement sa plus mineure. En effet, après avoir d'abord marqué la franchise par un premier épisode qui en jetait brillamment les bases, un second qui explorait la paternité et la vie conjugale de Zatoïchi avec beaucoup de tendresse, et enfin un troisième qui approfondissait les faiblesses et l'humanité du masseur aveugle, le sujet est ici beaucoup plus léger, et même répète un peu l'idée de sa seconde expérience, Voyage meurtrier, puisqu'il s'agit encore de s'occuper d'un petit garçon dont la mère est morte, pour le conduire à son père, qui s'avère être un peintre. Mais même un Misumi mineur, c'est toujours magnifique visuellement, quoiqu'on en dise, et après un épisode pesant, ça fait du bien d'en avoir un plus léger.


Une première partie aérienne et comique : le voyage du duo

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Je pense qu'il s'agit de l'intrigue la plus épurée depuis le tout début. Toute la première moitié du film est presque aérienne, ponctuée par deux chants, le premier de Zatoïchi qui confirme ce qui a déjà été dit dans Le justicier, à savoir sa destinée de vagabond tueur errant sans fin, et le second d'une chanteuse dont l'optimisme apporte un contraste et un contre-poids bienvenus. Après que Zatoïchi découvre l'enfant, il ne lève son sabre que pour découper des mouches, mais jamais pour tuer en face de l'enfant, exactement comme dans The Blind swordman's vengeance. Ainsi, c'est très pauvre en combats, et ce jusqu'au climax final. Pendant toute la durée du trajet, le magnifique thème musical auquel Misumi nous a habitué resurgit pour donner un aspect "road trip" à l'aventure. Et cette partie est dominée par la comédie. L'enfant communique avec Zatoïchi par les jeux et même par les dessins sur le sable, talent que son père lui a donné. Cette ambiance bon enfant me fait penser un peu à L'été de kikujiro de Takeshi Kitano. J'aime beaucoup aussi le cadrage, la composition des plans, leur colorimétrie, et le rythme du montage parsemé de silences éloquents : tout ça donne une vraie légèreté de ton. Ce travail esthétique, mettant en valeur les visages et la nature, me fait beaucoup penser aux deux premiers épisodes de La trilogie du sabre. Par contre, le fond se résume à presque rien. Il s'agit d'une ballade rupestre rythmée d'une part par les allers et venues d'un samouraï sans maître anonyme aux desseins mystérieux qui se contente de repousser les adversaires potentiels de Zatoïchi sans les tuer, en leur faisant seulement un peu peur (si on connaît un peu la série, on sait qu'ils se reverront probablement pour s'affronter), et d'autre part, par les massages que Zatoïchi accepte de faire pour payer son voyage et celui de l'enfant, et bien sûr les jeux et taquineries de l'enfant.

Un thème réside quand même à l'arrière-plan : le rapport à l'art. Entre l'enfant et Zatoïchi se jouent deux représentations du monde. Le premier exprime sa sensibilité, tandis que le second voudrait une simple reproduction fidèle des choses. Ainsi, je trouve ça à la fois comique et sensible qu'à plusieurs reprises au dessin de la mère se superposent des traits de Zatoïchi comme sa moustache, montrant l'affection de l'enfant pour ce dernier, comme une seconde "mère" (il n'a pas connu son père). Ainsi, il se montre doublement aveugle au monde par rapport à son affectivité (du moins jusqu'à la fin) et son organe oculaire.


Une seconde partie plus sombre : Zatoïchi confronté aux yakuzas et à la loi

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La seconde partie, lorsque l'enfant et Zatoïchi arrivent enfin à destination, et que ce dernier se met à la recherche du père, nous revenons enfin aux thèmes habituels de la série, avec des yakuzas qui ne veulent pas lâcher leurs objets de valeur, à savoir une Geisha et le peintre, obligé de réaliser des oeuvres illicites pour le Parrain. L'esthétique change du tout au tout, avec des angles resserrés, des couleurs plus ternes, une grisaille qui s'installe, et une musique qui cesse : bref, nous voilà de retour du côté obscur des hommes, et l'enfant est laissé à l'arrière pour préserver ainsi son innocence. Le sens de la démarche du samouraï sans maître ne se fait pas attendre : il est le bras droit séculier du Shôgun, et il applique formellement la loi, peu importent les conséquences. Ainsi, finalement, la route de Zatoïchi croise celle des yakuzas qui ne veulent pas libérer leur précieux otage, véritable poule aux oeufs d'or, et aussi celle du samouraï dont le but est de supprimer tous les témoins de l'art réalisé par le peintre. Il s'agit ainsi à l'arrière-plan d'une défense de la liberté de l'art, sûrement quelque chose de très personnel pour Kenji Misumi, dont la manière de réaliser ne cesse de me faire penser à l'art pictural. Tout cela se termine dans un premier combat, classique mais efficace, du masseur aveugle contre tout le clan. Par contre, le duel final avec le samouraï est tout simplement le plus beau que j'ai vu depuis le début de la série. Non seulement le cadrage, la neige, et le montage magnifient cette scène, mais aussi et surtout la présence remarquable de l'acteur, qui bouffe littéralement l'écran, dont le charisme rappelle celui de Toshiro Mifune. Le geste final est aussi magnifique, puisque un sacrifice ultime de Zatoïchi a finalement ramené la loi désincarnée à la raison, en révélant son affection pour l'enfant malgré ses réticences de départ, preuve que son destin n'est pas entièrement scellé. Il faut quand même remarquer que pour la toute première fois depuis le début de la série, un duel final ne se terminera pas par un décès de l'une des deux parties : le masseur aveugle a trouvé un moyen inédit, la compassion de l'adversaire ou du moins le respect de cette valeur, pour arriver à ses fins !

Un épisode mineur de la série à l'intrigue épurée au maximum, mais dont la légèreté de ton et la beauté esthétique de la première partie fait vraiment du bien aux yeux et à l'âme : ce n'est pas pour rien que l'un des sujets principaux soit celui de l'art. Il se remarque également par un climax et un adversaire comptant parmi les tous meilleurs Zatoïchi.
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Zatoïchi : Le Défi - 6,75/10

Messagepar Dunandan » Mer 07 Mar 2012, 06:45

Rétrospective Chambaras/films historiques japonais :




Lien avec les autres films

Zatoïchi : Le défi

Réalisé par Kimiyoshi Yasuda

Avec Shintaro Katsu, Kayo Mikimoto, Kyosuke Mashida

Chambara, Japon, 1h22 - 1968

6.75/10


Résumé :
Le légendaire Zatoïchi se retrouve aux prises avec une bande de hors-la-loi qui se cache dans un village. Tandis que les bandits se cachent dans un grenier, ils tentent de manipuler et de corrompre le chef du village. Pendant ce temps, Zatoïchi tente d'arracher une jeune femme de ses misérables conditions de vie et de travail, ce qui le conduit à affronter non seulement le maire du village, mais la bande de hors-la-loi.


Cet épisode confirme ce que je pensais de Kimiyoshi Yasuda. Il avait déjà réalisé Sur la route, qui était pas trop mal mais était une grosse reprise synthétique de la série, puis Adventures of Zatoïchi et enfin Cane sword, figurant parmi les histoires les moins intéressantes et les plus mineures. Je trouve que ce réalisateur fait un peu mieux avec Le défi, déjà grâce à un nouveau thème intéressant bien qu'assez peu développé, l'art de la guérison par la médecine, contrastant avec l'art de tuer de Zatoïchi, et surtout son climax qui continue un peu ce qui a été amorcé avec Route sanglante, à savoir le sacrifice de soi au nom des honnêtes gens, mais les proportions extrêmes du combat final rappellent plutôt Le justicier, véritable inspiration du film, transformant Zatoïchi en demi dieu de la mort.


Intrigue

La scène introductive nous immerge immédiatement dans l'action, avec Zatoïchi tuant une personne qui l'embête en mettant de la terre dans son riz, qu'il élimine aussi sec. Ensuite, la narration devient très alambiquée et pas toujours intéressante, gravitant autour de l'histoire de plusieurs groupes d'individus sans les approfondir suffisamment. Le gros défaut du réalisateur selon moi, qui s'était déjà manifesté avec ses autres participations, c'est qu'il brasse trop large, sans donner de la consistance aux relations entre les protagonistes. Il y a d'abord des fugitifs à l'identité inconnue comptant un frère et une soeur, et qui se cachent chez l'officier du village, leur demandant en échange d'assassiner l'individu de son choix, servant ainsi ses propres intérêts. Ce ne sont pas des gentils, et leur humeur débordante s'attaque parfois aux habitants. Ce qui me plaît, c'est qu'il ne s'agit pas cette fois-ci d'un groupe de yakuzas en train d'exploiter les ressources des habitants ou du territoire, mais de simples brigands prêts à l'action gratuite, sans honneur. Se distinguent par leur charisme et leurs principes, un samouraï sans maître qui sait reconnaître l'habileté de Zatoïchi permettant ainsi d'éviter à lui et à ses compagnons un combat où ils pourraient tout perdre, et sa propre soeur qui connaîtra une rencontre décisive avec notre héros. Par contre quel dommage que la relation entre les deux sabreurs ne soit pas davantage développée, et surtout que le motif de la situation des hors-la-loi demeure inconnu (surtout que Zatoïchi en est lui-même un), car du coup le lien affectif avec le spectateur est impossible, les réduisant à des simples méchants dont on se fiche royalement, et le samouraï, à un faire-valoir de la légende entourant désormais Zatoïchi et mise en place dans Le justicier. Ensuite, il y a un homme qui veut retirer sa fille d'une usine de tissage, qui seront réduits au simple prétexte d'exprimer la bonté du masseur aveugle qui va les aider. Et enfin, il y a un médecin et sa fille qui accueillent Zatoïchi pendant quelques temps, et l'engagent comme masseur.

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C'est ce dernier groupe qui m'intéresse tout particulièrement. Le personnage du médecin me rappelle très nettement le yakuza non violent du Justicier, et il est doublement important dans son rapport au héros : non seulement le médecin guérit, contrastant ainsi avec la violence de Zatoïchi, mais aussi parce qu'il agit en bon samaritain, prenant en charge pauvres ou riches, yakuzas ou honnêtes gens, peu importent leur identité et leurs moyens de payer, tant qu'ils font un geste symbolique pour l'aide qu'il procure. Cela ne plaît pas tout de suite à Zatoïchi qui veut gagner de l'argent facilement, mais finalement trouve une certaine paix temporaire en leur compagnie, pouvant faire le bien sans utiliser sans sabre, l'un des grands enjeux du personnage depuis le tout début de la série avec Le masseur aveugle. Avec ce modèle, il va se transformer lui-même en bon samaritain en aidant le vieil homme à sortir de sa fille de l'usine de tissage sans verser une goutte de sang. Ainsi, aux yeux de ses amis, il n'est plus Zatoïchi le yakuza assoiffé de sang, mais Ichi le simple masseur aveugle, comme dans le Voyage en enfer. Il pourra aussi convertir la femme du groupe de brigands - le seul protagoniste du groupe à avoir réellement une âme selon moi - à une autre vie.


Le climax

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Les dix-vingt dernières minutes sont assez fantastiques, comptant parmi les 3-4 meilleurs climax que j'ai vus avec Flashing sword, The blind swordman's vengeance, et Route sanglante, relevant selon moi le niveau de l'épisode. D'abord, jamais Zatoïchi n'a été aussi mal au point depuis le début de Flashing sword dans lequel Zatoïchi est là aussi touché par un coup de fusil, ou à la fin de Zatoichi’s Pilgrimage, où on assistait à un coup de faiblesse du masseur aveugle. Mais finalement Le défi continue la voie tracée par Le voyage meurtrier : au péril de sa propre vie, notre héros veut se venger des innocents tués, et venir en aide aux derniers survivants. Sous le coup de la blessure, il devient alors un terrible tueur silencieux, véritable dieu de la mort comme dans Le justicier à la différence qu'il n'agit plus au nom de toute une population mais en puisant en quelque chose de plus intérieur et viscéral, abattant ses victimes par dizaines, laissant seulement échapper le son de son sabre et celui du cri d'agonie de ses victimes. Il s'agit probablement du combat le plus violent et le plus gore que j'ai vu depuis le début, se rapprochant un peu de la frénésie d'un Baby Cart.


Réalisation

Il y a quelques idées sympathiques, qui sont pour beaucoup la reprise des épisodes de Misumi pour les temps contemplatifs (les temps de compagnie de Zatoïchi avec la famille du médecin), mais avec moins d'impact émotionnel, et pour Flashing sword pour la belle utilisation du clair/obscur, et surtout de la fameuse chandelle allumée et posée sur le sabre de Zatoïchi. Au début du film, nous retrouvons un chant de Shintaro Katsu, désormais la marque de fabrique de la série, remplaçant les traditionnelles scènes comiques d'antan pour nous donner le ton de l'histoire, ici très mélancolique, puisqu'elle porte sur la possibilité d'une mort anonyme du héros.


En conclusion

Je ne suis pas super fan de cet épisode, malgré la présence du thème du bon samaritain que j'aime bien, et qui répond à l'attente du masseur aveugle en quête d'un combat contre l'injustice sans les armes, et un climax contrastant avec ce désir-là, transformant Zatoïchi en bête venue des enfers ou une sorte de demi dieu vengeur, accomplissant la sinistre danse des morts en honneur des justes.

En effet, je trouve que le récit se complique parfois pour rien, et lui manque un rythme dramatique plus structuré et des personnages un peu plus consistants, surtout le groupe des hors-la-lois et la progression psychologique de Zatoïchi. Ainsi, l'escalade à la violence de ce dernier, bien que justifiée (un massacre d'innocents et une balle reçue ça peut suffire à n'importe qui d'être énervé), est trop soudaine. Autrement dit, la construction de l'action et la base dramatique menant au climax final, caractéristiques des chambaras qui ne se résument pas juste à des combats, ont été selon moi bâclés, rendant ainsi le magnifique combat final moins "impactant".


Un épisode qui vaut surtout pour son thème du bon samaritain et son climax d'une violence rarement atteinte dans la série. Cependant, je trouve que le rythme du récit est très inégal, comptant un peu trop d'intrigues parallèles et pas toujours bien approfondies, affaiblissant selon moi l'impact du final. Et si c'était une bonne idée d'utiliser d'autres méchants que les yakuzas, à savoir des hors-la-loi, leur identité indéterminée les résume à une simple vermine à éliminer.
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Dunandan
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